Madagascar: Entrepreneuriat des jeunes - Une dynamique qui s'enracine

Madagascar a marqué, au cours de ce mois de novembre, la Semaine mondiale de l'entrepreneuriat. Un événement qui a démontré une fois de plus la forte de dynamique qui anime aujourd'hui l'écosystème de l'entrepreneuriat des jeunes dans le pays.

L'entrepreneuriat des jeunes est au cœur des priorités politiques, car c'est un moyen de favoriser la compétitivité et la diversification des activités productives et innovatrices. Le gouvernement et les partenaires techniques et financiers aiment à marteler que les jeunes entrepreneurs ont le potentiel nécessaire pour créer une nouvelle dynamique économique génératrice de croissance et d'emploi. La stratégie pour la croissance, soutiennent-ils, accorde une attention particulière à la promotion de l'esprit d'entreprise et contient un plan d'action axé sur la création d'un environnement propice à l'entrepreneuriat des jeunes.

Les analystes économiques s'accordent sur la pertinence de ce constat et de cette stratégie en arguant que l'augmentation du chômage des jeunes constitue une menace pour la stabilité économique et politique. Et eux d'ajouter que les pays au profil démographique très jeune comme Madagascar sont encore plus menacés et qu'une croissance encore fragile signifie une limitation des possibilités d'emploi. Ce qui justifie la nécessité de mettre en place des moyens alternatifs de création de nouvelles activités créatrices de richesses et de revenus. L'entrepreneuriat des jeunes pouvant constituer une bonne partie de la solution.

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Mais on rappelle également que l'enseignement et la formation sont essentiels pour cultiver l'esprit d'entreprise et développer les compétences spécifiques au lancement et à l'expansion des projets entrepreneuriaux. Toutefois, l'enseignement et la formation ne peuvent être dissociés du système plus général de soutien à l'entrepreneuriat. " Il convient d'apporter une réponse politique coordonnée pour veiller à ce que l'énergie et la motivation des jeunes soient mieux exploitées afin de répondre aux besoins de l'économie de notre époque ", explique l'économiste Rado Ratobisaona.

À savoir, en outre, que les perceptions culturelles et l'acceptation des risques et des échecs liés à l'entrepreneuriat constituent les principaux obstacles majeurs à la création d'une société favorable à l'entreprise. Les décideurs publics et leurs partenaires ont un rôle de premier plan à jouer à cet égard. Il est, en effet, important d'examiner la façon dont le profilage de jeunes entrepreneurs prospères en tant qu'exemples à suivre, et l'utilisation des canaux numériques pourraient contribuer à l'établissement d'une culture plus propice à l'esprit d'entreprise. On insiste également sur le fait que la reconnaissance de l'échec constitue une possibilité d'apprentissage. Il convient ainsi de redéfinir les processus d'enseignement et d'apprentissage à l'école afin de doter les jeunes des compétences nécessaires pour gérer l'échec et la réussite, qui sont autant d'enjeux spécifiques des entrepreneurs à l'heure actuelle.

Les données disponibles indiquent que le taux d'étudiants qui lancent leur propre entreprise est décuplé lorsque ceux-ci ont participé à un programme d'entrepreneuriat. Les projets initiés actuellement s'appuient sur ces données et les promoteurs de l'entrepreunariat jeune estiment qu'il est indispensable d'offrir une " expérience entrepreneuriale " à tous les jeunes dans le cadre de l'enseignement obligatoire. " Le pays développera mieux l'entrepreneuriat dans le cadre de l'enseignement et de la formation professionnels spécifiquement orientés sur les compétences liées à l'entreprise ", notent-ils avant de préciser que l'esprit d'entreprise englobe une série de caractéristiques cognitives et comportementales, notamment la capacité de rechercher des possibilités, de gérer les risques et de résoudre les problèmes de façon innovante. L'enjeu est qu'en cultivant l'esprit d'entreprise des jeunes, on ne les prépare pas uniquement à la création d'entreprises. Ceux qui n'empruntent pas cette voie deviennent des employés plus entreprenants appelés à augmenter la qualité et la productivité sur leur lieu de travail.

Compétences numériques

Les mêmes promoteurs de l'entrepreunariat jeune constatent que le rapprochement entre les compétences numériques et l'entrepreneuriat représente une opportunité sans égale pour la prochaine génération. Il est de ce fait indispensable d'exploiter à fond les dispositions numériques des jeunes pour booster la création d'entreprises plus technologiques. " Les jeunes doivent bénéficier de la formation, de la confiance et du soutien qui leur permettent de tirer parti des nouvelles technologies. L'acquisition de compétences digitales par l'enseignement, et l'affectation de ressources pour encourager l'entrepreneuriat dans le numérique sont alors devenues essentielles".

Le plaidoyer en faveur de cette ligne à suivre a été intense lors de la Semaine mondiale de l'entrepreneuriat à laquelle la Grande Ile participe depuis 2008 en organisant divers événements. Il s'agit, pour cet événement, de mettre en avant les innovateurs, notamment les jeunes qui fondent leurs start-ups ou portent des projets qui sortent des sentiers battus. Cette année, " le programme SME Business Linkage Program, financé par la Banque Africaine de Développement (BAD), a appuyé cette célébration à travers la tenue d'un salon de l'entrepreneuriat de deux jours à la Gare Soarano. L'objectif premier, a-t-on souligné, consistait à doper la visibilité les 150 Petites et Moyennes Entreprises (PME) qui ont été sélectionnées depuis l'année dernière pour être bénéficiaires de l'accompagnement du programme dans leur croissance.

Selon Sandrine Rakotovao, consultante et gestionnaire du programme SME Business Linkage Programme, l'initiative offre aux entrepreneurs de bénéficier d'un accompagnement qui tienne compte du renforcement des compétences des PME en leur prodiguant des formations en gestion d'entreprise et managériales, de l'accès au marché par le tissage des liens commerciaux inter-entreprises et de la facilitation d'accès au financement. C'est dans ce cadre que des séances B to B ont été programmées. "Mettre les start-ups et les PME en relation commerciale avec les grandes entreprises via une plateforme numérique dénommée Mada Business Linkage est notre principale priorité", a aussi noté Sandrine Rakotovao. Ainsi, des entrepreneurs évoluant dans la filière agribusiness sont parvenus à capter l'attention des groupes opérant dans l'hôtellerie et la restauration. D'autres deals ont été actés dans divers domaines comme la mobilité, le nettoyage ou encore les services de sécurité.

Le salon a aussi été mis à profit pour offrir des formations gratuites aux dirigeants des petites et moyennes entreprises. Du renforcement de la capacité de leadership aux techniques de négociation commerciale en passant par la fidélisation des clients et la gestion des ressources humaines, les sujets traités étaient variés. A savoir que le programme SME Business Linkage projette d'accompagner 300 PME sur l'ensemble du territoire, dont près de la moitié sont pilotées par des femmes et des jeunes. Les entreprises sélectionnées proviennent d'une quinzaine de régions et seront outillées pour apporter des réponses pertinentes aux problèmes rencontrés dans le cadre de leurs activités tels que la gestion de l'entreprise, la conquête de marchés, l'accès au financement et l'insuffisance des équipements.

Un soutien plus appuyé

Des incubateurs aux programmes lancés ou soutenus par les partenaires techniques et financiers, en passant par les projets portés par les structures institutionnelles à l'instar du Concours national de startups ou le projet Fihariana, les initiatives et les structures dédiées à l'appui des projets entrepreneuriaux portés par les jeunes se multiplient à Madagascar au sein d'un écosystème qui prend de l'ampleur au fil des années. Un dynamisme croissant dont on peut juger sa portée à travers les conférences et autres ateliers organisés régulièrement et qui sont axés sur l'autonomisation des jeunes et des femmes par l'entreprenariat et l'innovation. À remarquer aussi les concours et les appels à candidature qui sont encore plus nombreux. On voit également que les investisseurs privés, d'ici ou d'ailleurs, sont de plus en plus enclins à dénicher les jeunes pousses malagasy les plus prometteuses.

Le contexte nouveau fait que les jeunes entrepreneurs se tournent davantage vers les structures d'appui pour créer ou développer leurs activités. Raison pour laquelle le nombre des structures dédiées à l'accompagnement technique et financier des entreprises innovantes augmente sensiblement. Le pays possède même désormais une plateforme rassemblant les professionnels de l'accompagnement en entrepreneuriat et innovation. Cette dernière s'est donnée pour mission de renforcer les appuis techniques destinés aux petits porteurs de projet d'entreprise. Il s'agit, a-t-on soutenu, d'épauler les créateurs d'entreprise en leur apportant le savoir-faire nécessaire, de la confection du business model à la gestion de tous les aspects juridiques et ceux liés à la propriété intellectuelle et à la levée de fonds.

La multiplication rapide des start-ups incite aussi à adapter les formes d'accompagnement comme la nécessité de faire accéder les nouveaux jeunes entrepreneurs à des communautés d'anciens incubés et d'être plus efficacement connectés avec les partenaires, les investisseurs ou encore des bêta-testeurs. "Aussi, c'est tout un microcosme d'expertises qui doit être rassemblé au sein d'un cadre approprié pour aider à faire évoluer et mûrir un petit projet d'entreprise en phase de démarrage", soutient un incubateur d'entreprises.

À noter aussi les autres initiatives d'appui et d'accompagnement comme la Maison de l'Entrepreunariat, le programme Mitsiry (USAID et Miarakap) ou les conférences Village By NextA. Ces dernières se sont se déroulées, cette année, du 14 au 20 novembre, en ligne, à Fianarantsoa et dans les locaux de Nexta à Andranomena. L'initiative a retenu cette fois plus d'une vingtaine de thèmes autour de l'entrepreneuriat, des innovations et de solutions d'entreprises naissantes. Les organisateurs ont mis en avant "les grandes opportunités à la portée des jeunes" durant les sept jours de manifestation organisée en partenariat avec l'ambassade des États-Unis, le Madagascar U.S. Exchange Alumni (MUSEA), l'association Mamelona, l'Université de Fianarantsoa et le CA2E (Centre d'appui à l'employabilité des étudiants).

VERBATIM

Fanja Razakaboana, Présidente du Groupement des femmes entrepreneures de Madagascar (GEFM)

" Les jeunes entrepreneurs, particulièrement les femmes, doivent oser aller de l'avant. Il ne faut surtout pas s'autocensurer. Il y a vraiment des opportunités auxquelles elles pourraient accéder. Que ce soit pour la formation ou le réseautage. Il existe maintenant à Madagascar de multiples réseaux professionnels, des groupements patronaux ou des associations impliqués dans la promotion de l'entrepreneuriat. Le GEFM, par exemple, fait aujourd'hui partie des principales plateformes regroupant les acteurs de premier plan du secteur privé ".

Koloina Ramaromandray, Directrice du programme Mitsiry

" Bien que l'écosystème de soutien à l'entrepreunariat s'est considérablement renforcé ces dernières années à Madagascar, l'offre d'accompagnement concentrée sur l'accélération des activités, les impacts et le passage à l'échelle demeure insuffisante. Ce qui limite l'émergence de champions qui soutiendront cette innovation, le renouvellement social et la croissance inclusive du pays. Il est clair également que des efforts restent à faire pour que les structures existantes disposent de plus de moyens financiers dédiés à l'accompagnement des entrepreneurs et au financement direct des entreprises bénéficiaires ".

Programme Miary - 5 ans d'appui aux jeunes entrepreneurs

Le 17 novembre dernier, la ministre de l'Economie et des Finances, Rindra Hasimbelo Rabarinirinarison a assisté à la rencontre sur l'entrepreneuriat sur le thème " Booster l'entreprenariat pour une économie équitable et durable ", durant laquelle a été présenté " Miary ", le programme gouvernemental financé par la Banque Mondiale via le Projet PIC (Pôle Intégré de Croissance). Dans son discours, en tant que Présidente du Comité de pilotage du projet PIC, le membre du gouvernement n'a pas manqué de féliciter " ces jeunes entrepreneurs qui font la fierté du pays ", et a incité ceux qui ne se sont pas encore lancés à sauter le pas. Elle a également précisé l'intérêt du gouvernement dans l'appui à l'entrepreneuriat, surtout après la pandémie de la Covid-19. " Pour le troisième volet du PIC, qui démarrera d'ici peu, outre les zones déjà bénéficiaires, les régions Est de Madagascar et Analamanga seront intégrées au projet, et l'entrepreneuriat digital sera au stade d'essai ", a fait aussi savoir Rindra Hasimbelo Rabarinirinarison avant de noter que le programme Miary accompagne et finance depuis 5 ans des projets de jeunes entrepreneurs dans les domaines de l'agribusiness et du tourisme. Jusqu'ici, 324 jeunes répartis dans les régions DIANA, Anosy, Atsimo Andrefana, Sainte-Marie, en ont directement bénéficié, et 579 emplois ont été créés. Notons que la Représentante Résidente de la Banque Mondiale à Madagascar, Marie-Chantal Uwanyiligira et le Practice Manager de la Banque Mondiale, Douglas Pearce, étaient présents à cet évènement. Ces deux personnalités ont rappelé dans leur intervention que lancé durant la phase 1 du projet PIC2, Miary est un programme de financement et de subvention aux jeunes entrepreneurs. La deuxième cohorte sélectionnée l'année dernière bénéficie d'un mix de subventions et de crédits bancaires grâce à la collaboration avec le projet Fihariana. Le programme vise la croissance des activités économiques (augmentation de la productivité, des exportations et des revenus), la création d'entreprises et la création d'emplois dans les zones d'intervention du PIC.

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