Madagascar: Formation professionnelle - Un grand challenge pour Madagascar

L'adaptation de la formation professionnelle aux besoins de l'économie constitue un défi de taille pour Madagascar qui compte accélérer et durabiliser sa croissance par la promotion des secteurs clés, réduire drastiquement le taux de chômage et lutter efficacement contre l'extension du secteur informel.

Le lancement officiel de la rencontre Top Management du Réseau Africain des Institutions et Fonds de Formation Professionnelle (RAFPRO) s'est tenu à l'Hôtel Carlton Anosy le 28 novembre. Un événement qui a permis, une fois de plus, d'évaluer le chemin à parcourir pour Madagascar afin de parvenir à l'émergence de son écosystème ETFP (enseignement technique et formation professionnelle). Et tout le monde en convient que la Grande île ne pourra booster ses secteurs économiques clés (agri-business, industrie, BTP, tourisme, technologies de l'information et de la communication, services... ) sans un capital humain bien formé et dont les compétences répondent aux attentes des entreprises.

Les décideurs publics reconnaissent que les filières à fort potentiel manquent toujours de main-d'œuvre qualifiée. Dans ce contexte, d'importants efforts sont à déployer pour, notamment, développer l'apprentissage et à renforcer les partenariats public-privé pour construire une offre de formation en adéquation avec le marché du travail. L'objectif étant de soutenir la création de centaines de milliers d'emplois dans les secteurs à même d'asseoir une croissance forte et durable. Le programme gouvernemental de formation professionnelle pour l'emploi et la compétitivité appuie cette ambition.

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Pour le ministère en charge de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle (MEFTP), la priorité est l'amélioration de la qualité de l'offre de formation via la mise à niveau des lycées techniques, la création d'un réseau étoffé de centres de formation modernes, la réforme du dispositif de financement de la formation professionnelle et l'amélioration de la gouvernance du système ETFP. C'est dans ce cadre qu'a été mis en place le Fonds Malagasy de Formation Professionnelle (FMFP) qui vient de rejoindre le RAFPRO. On sait en outre que 1000 agents seront à recruter au sein du Ministère pour l'année 2022.

Le dernier diagnostic du système ETFP à Madagascar démontre encore une très faible qualification des ressources humaines qui est la princi-pale cause du fort taux de chômage chez les jeunes et de la prépondérance de l'informel. Par ailleurs, une mauvaise gestion des formateurs et des personnels administratifs et académiques est constatée tant au niveau géographique qu'en matière d'adéquation profil-poste. Ce qui motive l'urgence de disposer de formateurs et personnel administratif et technique (PAT) suffisants en nombre et de qualité et bien répartis. Il est souligné notamment que les besoins en personnel pour opérationnaliser les Centres de Formation Professionnelle de Référence (CFPR) sont importants.

Parier sur l'intégration régionale

Du côté du secteur privé, on produit le même constat : " Déficit de compétence dans de nombreux secteurs, arrivée massive de jeunes sur le marché du travail... Sur la Grande Île, les défis à relever sont nombreux ". Vavitsara Rahantanirina Gabriella, ministre de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle, lors de la tenue à Antananarivo cette semaine du Top Management du Réseau Africain des Institutions et Fonds de Formation Professionnelle, qui a réuni 13 fonds et institutions de financement de la formation professionnelle en Afrique Subsaharienne, a réitéré que le gouvernement est attentif aux attentes des entreprises, raison pour laquelle les dirigeants favorisent le dialogue public-privé et renforcent l'intégration régionale en accueillant cet événement dont le but est de " se ressourcer et de mutualiser les expériences autour des thématiques stratégiques comme l'évolution personnelle au service du développement professionnel, le financement de la formation professionnelle continue ou encore la transition numérique du système de formation professionnelle ".

Le membre du gouvernement a aussi précisé que l'intégration du FMFP au sein du réseau RAFPRO permet une mutualisation des expériences en lien avec la Politique Nationale de l'Emploi et de la Formation Professionnelle (PNEFP). " Le Fonds malagasy de formation professionnelle a rejoint un groupe de 12 pays africains et qui capitalise à son actif 13 mécanismes de financement au profit du renforcement de la formation professionnelle afin que l'ETFP soit un secteur par lequel chaque apprenti devienne un capital humain avéré et efficace, au service du développement économique, local, régional et international ", a ajouté Vavitsara Rahantanirina Gabriella.

Signalons que depuis sa création, il y a quatre ans, le FMFP a pu soutenir et renforcer la formation de près de 74.000 personnes. Majoritairement des jeunes, 45% des bénéficiaires sont des jeunes filles et des femmes. 13.800 projets de formations ont été financés nécessitant près de 20 milliards d'ariary de financement. Le Fonds a pour principale vocation de soutenir et renforcer, avec l'aide de ses partenaires (Agence Française de Développement, GIZ allemand, ... ), l'ETFP proprement dit. Le Groupement des entreprises franches et partenaires (GEFP) en est le principal initiateur en collaboration avec le Ministère de tutelle. Le Fonds donne accès aux jeunes encore en formation, mais également aux personnes désireuses de renforcer leur capacité tant technique que managériale. À ses débuts, l'initiative s'est ouverte aux secteurs clés de l'ETFP, dont le BTP, le textile, le tourisme et les TIC, avant de s'élargir progressivement à d'autres secteurs d'activités professionnelles.

Une nouvelle étape a été franchie dans la mise en œuvre de la Politique Nationale de l'Emploi et de la Formation Professionnelle (PNEFP) par la mise en place d'un Fonds dédié à la formation professionnelle à Madagascar, notamment par la prise en charge d'actions de formation professionnelle continue des salariés, d'actions de pré-emploi et d'actions de formation de type équité. Le FMFP estime désormais que Madagascar a besoin de jouer sa carte au niveau régional pour raffermir et consolider les interactions entre chaque mécanisme, englobant entre autres l'amélioration des modes et systèmes de gestion des fonds, renforcer les plaidoyers auprès des États et institutions, assurer la promotion du réseau et susciter l'adhésion auprès des autres organismes de financement.

Le rôle stratégique des PPP et du digital

Le Forum national des investissements pour l'Émergence de Madagascar a été une opportunité de choix pour l'équipe du METFP d'exposer les actions envisagées par le département dans la réalisation effective de l'émergence de Madagascar par le biais de la mise en œuvre de réformes et mesures nécessaires, " afin de produire une main d'œuvre qualifiée et compétente en vue de booster la productivité et la compétitivité au niveau des entreprises ".

Intervenant dans le panel consacré à " La formation professionnelle pour l'employabilité des jeunes, la compétitivité et la productivité des entreprises ", la ministre de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle n'a pas manqué de souligner que son portefeuille revêt un enjeu primordial dans le cadre de la mise en œuvre de toute politique de développement, à l'instar de celle incarnée par le PEM. Le Président de la République Andry Rajoelina, a aussi évoqué dans son discours d'ouverture l'importance de la formation professionnelle, qui est l'un des leviers du développement de Madagascar. Il a aussi été rappelé que l'État malagasy a déjà entamé cette valorisation de ce secteur à travers la construction de plusieurs Centres de Formation professionnelle de Référence (CFPR), qui seront opérationnels dès 2023. Le METFP prévoit également la construction de six nouveaux Centres de Formation Professionnelle d'Excellence, pour l'année à venir. Mais le forum a surtout été mis à profit pour soutenir l'importance du Partenariat Public-Privé (PPP) pour développer la formation professionnelle.

Force est de constater que le système ETFP fait déjà partie des secteurs qui ont bien avancé en matière de partenariat avec le secteur privé. En témoigne, entre autres, la signature de convention de partenariat entre la partie publique, Orange Madagascar et la Fondation BOA_Madagascar qui s'est tenue le 24 octobre au Lycée Technique et Professionnel Miarinarivo. Ce partenariat s'inscrit dans le cadre du déploiement des espaces numériques dans trois Lycées Technique et Professionnel de la Région Itasy, à savoir Soavinandriana, Miarinarivo, et Arivonimamo.

Les responsables publics et les partenaires techniques et financiers rappellent aussi le rôle majeur que doit tenir le numérique dans la politique de développement de la formation profes-sionnelle à Madagascar.

À travers les espaces numériques, le Ministère de tutelle et ses accompagnateurs ambitionnent de développer la qualité de formation dans les secteurs prioritaires mais surtout dans celui du digital. Aujourd'hui, plusieurs LTP sont déjà dotés d'équipements comme les unités centrales reconditionnées, la connexion Internet, les espaces numériques aménagés, les moniteurs... Mais le défi est de taille pour couvrir l'ensemble du pays.

Pour ce faire, la prospection de nouveaux partenaires privés s'intensifie à l'instar de la rencontre tenue le 11 janvier dernier avec l'équipe d'Eduforma, un organisme de formation 100% en ligne, spécialisé dans les métiers du digital. La discussion s'est concentrée sur la présentation de l'UNIVO, une plate-forme de technologie éducative dans le cadre des orientations professionnelles au niveau du Ministère.

BEAR II - Un " projet salutaire "

Ce 10 novembre 2022 s'est tenue la cérémonie de clôture nationale du projet Better Education for Africa's Rise (BEAR II). En présence de la ministre Vavitsara Rahantanirina Gabriella, de Yongho Son, Ambassadeur de la République de Corée, de Julie Rakotoson, Coordinatrice d'antenne UNESCO Madagascar, ainsi que d'Eva Razafiman-dimby du groupement des Entreprises Franches et Partenaires (GEFP) et d'Aurélie Razafinjato,

Conseillère spéciale en charge de l'éducation auprès du Président de la République. Le projet BEAR II a été initié par la République de Corée et l'UNESCO en 2017 dans le but d'accroître la qualité des systèmes ETFP en Afrique de l'Est afin d'accroître les chances des jeunes d'accéder à un travail décent. Madagascar figure parmi les pays bénéficiaires avec l'éthiopie, le Kenya, la Tanzanie et l'Ouganda. Selon les responsables, les résultats de la deuxième phase du projet BEAR ont été positifs pour Madagascar, en cohérence avec la PNEFP, le Plan Émergence Madagascar (PEM), la convention de Mahé et les autres documents-cadres.

Le projet est également en ligne avec les récents forums économiques et leurs résolutions. Lors de son allocution Madame la ministre a souligné que la Grande île " est encore prête pour une nouvelle aventure en espérant une continuité de ce projet et son ouverture dans d'autres secteurs émergents ". Le secteur textile a été l'un des cinq secteurs retenus pour la mise en œuvre du BEAR qui bien su profiter du projet. Notons, par ailleurs, que dans le cadre du Forum Régional d'évaluation de Projet BEAR II, qui a eu lieu à Nairobi (Kenya) les 15 et 16 novembre 2022, c'est le Ministre malgache de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle qui a porté la voix des cinq pays bénéficiaires du projet BEAR II pour remercier les partenaires et plaider pour la poursuite de l'initiative qualifiée de salutaire pour le développement du système EFTP dans la région et à Madagascar en particulier.

Verbatim

Vavitsara Rahantanirina Gabriella, Ministre de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle.

" Madagascar a encore du travail à faire pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par les plus hautes autorités en matière d'enseignement technique et de formation professionnelle. Par exemple, les offres des centres de formation implantés dans les régions ne correspondent pas encore aux besoins des entreprises locales. Mais les efforts portés commencent à donner leurs fruits. Le FMFP se développe, plusieurs centres de formation d'excellence et de référence vont voir le jour, de nombreux formateurs et personnels administratifs et techniques seront recrutés et les partenariats avec les bailleurs de fonds et les entreprises sont appelés à se multiplier et à s'intensifier ".

Pierre Raoelina Andriambololona, Directeur général du Fonds Malagasy de Formation Professionnelle (FMFP).

" Depuis 2019, le Fonds Malagasy de Formation Professionnelle a financé plus de 2000 projets de formation pour un investissement de plus de 20 milliards d'ariary. C'est la preuve que la demande de formation est réelle. Si on veut améliorer la situation économique et sociale, ce n'est que par le travail, il faut sans cesse renouveler ses compétences pour ne pas se laisser dépasser, c'est ce qui est toujours encouragé en matière de formation ".

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