Sénégal: Festival des cultures Diolas - Oussouye, le temps d'affirmer son identité

7 Décembre 2022

La deuxième édition du Festival des cultures diolas, organisée ce week-end, a permis à ce peuple d'exposer son identité et sa richesse culturelle dans une capitale départementale qui subit les mutations socioreligieuses. Mais, Oussouye résiste encore tant bien que mal au choc d'une culture mondialisée.

ZIGUINCHOR - Ce samedi 03 décembre, Oussouye grouille de monde. À 16 heures, l'avenue qui part du marché central à la préfecture reste très aminée, avec des va-et-vient incessants. À côté de la Maison d'arrêt et de correction, située non loin du rond-point et du camp militaire, plusieurs stands retiennent l'attention du visiteur. À l'intérieur, on y trouve toute une palette de produits locaux, mais aussi des objets d'art qui ne laissent pas indifférents les touristes qui ont fait le déplacement à Oussouye pour vivre le Festival des cultures diolas. En face des stands, un podium y est installé pour permettre aux jeunes artistes de cette capitale départementale et de toute la région de se produire. Au coucher du soleil, les choses commencent pour les mélomanes. Il y a de l'ambiance avec un jeu de lumière qui impressionne les plus jeunes et gratifie au public de la Place de la prison d'une chorégraphie exceptionnelle, au point de soulever la poussière. Surtout quand le Dj a mis le son d'Arasta, un jeune artiste originaire du village de Diembéring, par ailleurs inventeur du " boumbass diola ". À l'autre bout de la piste, des mamans laissent entrevoir leur talent de danseuses. Le tout, dans une ambiance décontractée.

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Le Festival des cultures diolas d'Oussouye est un moment de communion, de réflexion autour du plusieurs thèmes qui traitent des questions profondes, mais aussi de divertissement. Du 02 au 04 décembre, la commune d'Oussouye a vibré au rythme de ce festival dont l'agenda commence à être connu de tous. Panels scientifiques, animations culturelles (danse traditionnelle Ekonkone, danse des feuilles... ), du théâtre, du cinéma, des prestations musicales sur podium, des expositions photographiques et des œuvres d'art... Oussouye a été le temps d'un long week-end, une ville lumière. Placée sous le signe du devenir des cultures diolas, cette deuxième édition a tenu en haleine la ville, pendant trois jours. Suffisant pour le coordonnateur dudit festival, Abdou Ndukur Kacc Ndao, d'exprimer des sentiments de fierté.

"Nous avons tenu à organiser cette deuxième édition pour assurer la continuité parce qu'une première a été organisée sur la question de la préservation des écosystèmes. Il fallait encore une autre édition pour complexifier et renforcer la question diola. La culture, c'est tout ce que nous avons. Le festival nous permet de vivre des moments de bonheur, en communion avec d'autres ethnies", se réjouit-il. Poursuivant, le coordonnateur du festival soutient que cet événement n'est pas que festif, il est organisé pour faire savoir à tous que les cultures diolas, au-delà, de tous les préjugés sont "toujours dynamiques".

Résilience culturelle pour faire changer la donne

La société diola, comme toutes les autres, fait face aux nombreuses mutations. Cependant, Abdou Ndukur Kacc Ndao indique que "toutes les cultures bougent, se valent et se configurent". La culture diola ou africaine de manière générale, insiste-t-il, n'est pas en train de se perdre. Pour lui, c'est un processus naturel avec des mutations tentaculaires. "Je peux comprendre que, sur un certain nombre de questions, les cultures diolas n'ont pas la capacité de résilience. Par exemple, le "Bukut" qui est une pratique initiatique très complexe change d'année en année. Sur le plan temporel, j'ai vu des cérémonies de "Bukut" de cinq, six et sept jours alors qu'il y a quelques années, c'était trois ou six mois sans compter les réajustements mystiques qui sont opérés à cause des évolutions... ", déplore M. Ndao. Il invite tout le monde à un sursaut pour faire changer la donne. Pour conserver l'essence même de la culture diola, le coordonnateur du Festival des cultures diolas recommande à tous de mener une réflexion profonde tout en évitant d'être dogmatique et essentialiste. Parce que, précise-t-il, il n'y a pas une culture diola ou mandingue "pure".

De l'avis d'Abdou Ndukur Ndao, toutes les cultures s'empruntent des processus, les négocient et les renégocient. Même si le festival est terminé, les débats seront poursuivis le 14 décembre prochain, à l'Université Assane Seck de Ziguinchor où les initiateurs de ce rendez-vous culturel débattront, autour de Felwine Sarr, sur des questions du rapatriement des objets culturels et humains. Le deuxième axe de réflexion, va porter sur la Casamance en débat.

Parrain du Festival des cultures diolas, le Secrétaire général du Ministère de la Culture et du Patrimoine historique, Habib Léon Ndiaye, trouve que ledit événement est à pérenniser dans la mesure où "la Casamance dans son ensemble et le département d'Oussouye de manière singulière ont une richesse et une profondeur culturelles très importantes marquées par la fête du " Humeubeul ", le " Kamagnène ", les rites funéraires... Le Sénégal, reconnaît-il, a un patrimoine culturel " très fort " qu'il faut valoriser et mettre en exergue dans une Casamance unie et réconciliée avec elle-même ".

Matar Ndour, photographe : l'œil de la Casamance

Depuis 1999, le photographe Matar Ndour sillonne les régions du Sénégal. Ce voyage l'a amené à découvrir la Casamance. Un terroir où il se plaît. Il y trouve du plaisir à réaliser ses œuvres d'art. À l'occasion du Festival des cultures diolas d'Oussouye, il a eu le privilège de partager avec le grand public ses jolis portraits qui exposent toutes les facettes de la culture diola kassa, mais aussi du Sénégal des profondeurs. Dans cette zone dédiée à cette exposition, des tableaux sont accrochés çà et là.

On y découvre le roi d'Oussouye, Sibiloumbaye Diédhiou, des lutteurs de Diembéring, de Kabrousse, des initiés (circoncision dans le village de Siganar), etc. Une identité qui reflète la culture du département d'Oussouye. Selon le producteur, Matar Ndour, travailler sur la Casamance a été une chose passionnante. "Quand j'étais à Oussouye pour la première fois, j'ai rencontré la reine Alisse Oumoye. C'était en 2015. J'ai été conduit dans la cour royale et le roi m'a autorisé à faire ce portrait qui représente toutes les composantes du sacré. Je suis fier de l'avoir réalisé", se réjouit M. Ndour, soulignant la nécessité de préserver la culture diola "qui est transversale du fait des similitudes avec la culture des Bassari et celle des autres".

Très ravi d'avoir connu la Casamance, le photographe Matar Ndour entend se rendre dans tous les villages de cette contrée pour faire découvrir cette culture aux autres. Son exposition "Le corps porteur de symboles, le moi en soi" fait un clin d'œil à l'être humain, lequel est conditionné par les forces vitales (l'air, l'eau, la terre et le feu). Le soi est par contre la quintessence de tout homme de pouvoir faire une introspection profonde pour réussir à transcender beaucoup de questions afin d'avoir une humanité en soi. G. DIATTA

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