Madagascar: Mix énergétique - Le pays maintient ses objectifs

Madagascar vise un mix énergétique constitué à plus de 80 % d'énergies renouvelables d'ici à la fin de la décennie en cours. Les responsables publics estiment que si le pari est difficile, l'objectif demeure réalisable.

La consommation finale en énergies primaires dans la Grande ile dépend à environ 80 % de la biomasse, essentiellement le bois et le charbon de bois, utilisée pour le chauffage et la cuisson des aliments. Les produits pétroliers, importés dans leur quasi-totalité, représentent 17% du mix énergétique et sont consacrés essentiellement au transport et au fonctionnement des industries. La part de l'électricité n'est que de 2 %. Par ailleurs, le taux d'électrification est l'un des plus faibles de l'Afrique sub-saharienne : moins de 20 % de la population ont accès à l'électricité et ce taux tombe à moins de 7% dans les zones rurales.

La capacité électrique totale du pays est estimée à moins de 700 MW, ce qui est encore très faible. Elle est assurée aux deux tiers par une douzaine de barrages hydroélectriques dont certains doivent être modernisés. L'autre moitié est assurée par de petites unités thermiques, aux rendements faibles, fonctionnant au fuel lourd. La distribution électrique est très aléatoire, avec de petits réseaux locaux mal reliés entre eux.

C'est dans ce contexte que la Grande ile met en œuvre sa politique sectorielle qui vise, d'ici à 2030, à travers notamment le développement du secteur hydroélectrique et du solaire, un accès de 70 % des ménages à une source d'électricité ou d'éclairage moderne, un équipement de 70 % des ménages en foyers de cuisson économe et une transition vers un mix énergétique constitué à 80 % d'énergies renouvelables.

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Le gouvernement malgache reconnait que le challenge est loin d'être gagné, mais il insiste sur une volonté politique forte pour changer la donne. La COP 27, organisée dernièrement en Égypte a été une nouvelle occasion pour la Grande ile de préciser sa position en matière de transition énergétique. Rappel a ainsi été fait que le coût élevé de la production des énergies renouvelables limite l'opérationnalisation des investissements étrangers, malgré le haut potentiel dont le pays dispose. Tout cela est renforcé par les risques climatiques qui mettent en danger les ressources en énergies renouvelables.

Pour Baomiavotse Vahinala Raharinirina, actuelle directrice du cabinet du président de la République et ancienne ministre de l'Environnement et du développement durable, une gestion efficace de la migration liée à la fabrication de charbon de bois est primordiale pour Madagascar, afin de limiter la perte de la biodiversité. "La promotion de la bioénergie est essentielle avec un cadre légal adéquat. Une politique claire en termes de transport et de gestion des parcs automobiles vieillissants est aussi opportune pour limiter l'émission de gaz à effet de serre", insiste-t-elle aussi, avant d'ajouter que, outre faciliter l'accès aux énergies renouvelables, promouvoir les outils et technologies d'énergies alternatives aux bois-énergies est une perspective comme la diffusion de foyers améliorés sur tout le territoire national (jusqu'à 50% en 2030).

Bref, le défi est de taille, en partant de la sensibilisation à l'utilisation des énergies renouvelables au niveau local jusqu'à l'application des engagements internationaux en termes de changement climatique, en passant par l'amélioration du cadre légal au niveau national concernant la bioénergie, le bois énergie, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), les traçabilités, les redevances, la conservation de forêts, l'opérationnalisation des centrales hydroélectriques.

Doubler la production

L'État malgache a lancé le défi de doubler la production énergétique à Madagascar via les énergies renouvelables. Un défi qui, explique-t-on, s'arrime au Velirano numéro deux du président de la République, celui de fournir de l'énergie pour tous. "La centrale hydroélectrique de Farahantsana à Mahitsy, inaugurée le 1er décembre, marque une nouvelle étape dans le cheminement vers l'émergence de Madagascar à travers la transition énergétique et la capacité de production énergétique du pays", indique-t-on.

Le projet de Farahantsana est issu de la collaboration de l'État et la société italienne Tozzi Green. Cette centrale dispose d'une capacité de production de 28MGW, pouvant atteindre jusqu'à 136 GWh par an. Elle alimentera le réseau interconnecté de la Jirama pour la région Analamanga et profitera à 150 000 foyers sur les 500 000 qui bénéficient des services de la compagnie nationale d'eau et d'électricité au niveau de la province d'Antananarivo. Elle contribuera également à diminuer le coût de l'électricité fournie par cette société d'État et à atteindre les objectifs en matière de mix énergétique.

Le chef de l'État, Andry Rajoelina, lors de l'inauguration de la centrale, a souligné que bien que l'installation d'infrastructures de production d'électricité s'accélère, "nous devons faire preuve de patience et de persévérance car nous nous attelons actuellement à rattraper le retard de Madagascar dans le secteur de la production énergétique, mais surtout à révolutionner les méthodes de travail et de gouvernance. L'utilisation des énergies renouvelables constitue une priorité pour le gouvernement. À preuve, les nombreux projets à grande échelle qui sont déjà en cours".

Il s'agit notamment du projet Sahofika, la plus grande centrale hydroélectrique du pays qui atteindra jusqu'à 192 MGW de production. À cela s'ajoute la centrale hydroélectrique Mandraka III qui produira 6 MGW. Les discussions sont également en cours de finalisation pour permettre le démarrage du projet Volobe qui produira jusqu'à 120 MGW, mais aussi l'installation d'Antetezambato d'une capacité de production de 120 MGW. Andry Rajoelina s'est fixé le défi de parvenir à une production d'électricité de 502MGW d'ici cinq ans.

En 2020, la Banque Mondiale a observé que 60% à 70% des ménages vivant dans des zones couvertes par le réseau électrique ont adopté l'électricité, preuve d'un réel souhait de la population de pouvoir faire de cette énergie un moteur de son quotidien. De son côté, le gouvernement a rappelé que la priorité est de connecter ces ménages tout en réduisant la dépendance aux énergies fossiles qui a rendu le système national de production d'énergie instable et vulnérable aux aléas, ainsi que les subventions qu'il a mobilisées pour compenser la hausse des factures des clients de la Jirama.

Implication des acteurs non-étatiques

En raison des difficultés à satisfaire les besoins de la population, des acteurs privés et des organisations de la société civile opèrent actuellement dans le paysage énergétique. Les mini-réseaux (ou mini-grid) comptent parmi les solutions proposées par les entreprises. D'après l'Alliance for Rural Electrification, un mini-réseau est une unité de production locale d'électricité (entre 10kW et 10MW), alimentée par une ou plusieurs sources, et isolée des autres réseaux électriques.

Mais les installations actuelles ne fournissent que moins de 2% des ménages en électricité. Il est donc nécessaire d'accélérer la cadence. Cinq cent trente nouveaux mini-réseaux devraient être construits à l'horizon 2030, soit plus de trois fois le nombre actuel. Cette opération est soutenue par le gouvernement qui a adopté des mesures fiscales et douanières permettant aux opérateurs de réduire leur coût d'importation de matériels. Signalons également que le ministre de l'Industrialisation, du commerce et de la consommation, Edgard Razafindravahy, lors du dialogue public-privé du 24 novembre, a appelé les entreprises à produire l'énergie dont elles ont besoin.

À constater aussi que les bénéficiaires des mini-réseaux, indépendants du réseau national, sont en grande partie les habitants des villes, en dehors de la capitale. Or, ce sont les zones rurales avec leurs milliers de villages isolés qui doivent être priorisées. L'incapacité des ménages à souscrire à l'électricité vendue par les promoteurs est la principale cause du désintérêt des investisseurs vis-à-vis des campagnes. Pourtant, du fait que moins de 50% de la production électrique du pays proviennent des énergies dites vertes, les porteurs de projets énergétiques sont bien conscients du potentiel de l'ile en termes de ressources renouvelables.

À l'heure actuelle, on voit des entreprises proposer aux habitants des lanternes solaires ou autres dispositifs solaires domestiques à la location, ou avec un règlement au comptant, en crédit-bail, ou encore en paiement à la carte, c'est-à-dire que les clients ont la possibilité d'échelonner leur paiement sur une période allant de plusieurs mois à plusieurs années. On recense environ une dizaine de moyennes ou grandes entreprises opérant dans la distribution de kits solaires hors-réseaux dans le pays.

Mais les structures qui commercialisent des produits dont la qualité est vérifiée et correspond aux standards Lighting Global, organe émanant de la Banque Mondiale, ne sont pas encore nombreuses. Il y a également le fait que la revente, par le biais de réseaux informels, réduit encore la possibilité de connaitre l'origine et la qualité des produits vendus. Quoi qu'il en soit, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à se tourner vers ces solutions alternatives qui demeurent de surcroit moins chères que le raccordement au réseau national, dans la mesure où celui-ci est possible.

Pour compléter ce maillage d'acteurs participant à l'électrification du pays, il faut citer les start-up, ONG et organisations internationales. Nombre d'entre elles s'associent pour mettre en place des projets dans les zones les moins desservies du pays. Citons, à titre d'exemple, Travaux publics sans frontières qui œuvre dans l'électrification rurale en partenariat avec l'Association des ingénieurs pour le développement des énergies renouvelables (Aider) et Électriciens sans frontières. Le projet consiste en la construction d'une microcentrale hydroélectrique sur le site d'Andriatsemboka, au nord-est de la capitale.

VERBATIM

Edgard Razafindravahy, ministre de l'Industrialisation, du Commerce et de la Consommation

"Pour atteindre nos objectifs en matière d'augmentation de la production d'électricité et de mix énergétique, nous encourageons vivement les acteurs du secteur privé à produire eux-mêmes l'énergie dont ils ont besoin. Nous ne pouvons pas tout attendre de la compagnie nationale d'eau et d'électricité Jirama. Pour pouvoir avancer, nous devons promouvoir l'autoproduction et l'autoconsommation afin que le problème énergétique ne soit plus l'un des freins à l'essor de l'économie de la Grande île. "

Henry René Diouf, représentant résident adjoint du PNUD à Madagascar

" Nous sommes fiers d'appuyer le gouvernement de Madagascar dans ses efforts pour le développement énergétique de Madagascar. Le Programme des Nations Unies pour le Développement et ses partenaires développent un projet conjoint destiné à transformer le système financier de Madagascar en un système intégré répondant aux besoins des secteurs public et privé et garantissant la disponibilité de ressources financières stables pour accompagner la transition énergétique dans le pays. "

Programme " Clean Cooking " - Madagascar mis en avant

Madagascar a été à l'honneur, il y a quelques semaines, à l'occasion du lancement du programme "Clean Cooking" pour les pays en développement et de l'Initiative saoudienne de séquestration de carbone. L'évènement a été organisé sous le haut patronage de Mohammed Bin Salman, prince héritier et Premier ministre du Royaume d'Arabie Saoudite, et en présence d'Abdulaziz Bin Salman Bin Abdulaziz, ministre de l'Énergie. La Grande ile fait partie des pays bénéficiaires de cette Initiative verte saoudienne qui vise à démocratiser les technologies de cuisson propre et à booster l'industrie du clean cooking pour soutenir l'accès du plus grand nombre à l'énergie propre au quotidien.

Plusieurs ministres de l'Énergie et hauts représentants des États africains ont participé à l'évènement qui a permis notamment à Madagascar d'exposer pourquoi il doit sortir de l'utilisation du charbon de bois et du bois de chauffe pour réussir sa transition énergétique, tout en menant sa politique d'adaptation au changement climatique et d'atténuation. L'Arabie Saoudite s'est alors engagée avec ses partenaires à accompagner la Grande ile à travers la création de Trust Fund et l'accompagnement par des mécènes et des philanthropes. Madagascar est aussi fortement encouragé à se pencher sur la production d'hydrogène. Toutes les données scientifiques montrent que le potentiel est énorme dans ce domaine.

"Grâce aux différents acteurs mobilisés avec l'Arabie Saoudite, les différents départements ministériels, les agences onusiennes, le Fonds de l'OPEP, Fihariana et l'Economic Developement Board of Madagascar (EDBM), les communautés locales, des ONG comme Fitia et Vakanala, et avec une implication forte de la Présidence de la République de Madagascar, le programme Clean Cooking pour Madagascar devrait renverser la tendance actuelle, à savoir 450 000 tonnes de charbon contre 15 000 tonnes de butane, biogaz et éthanol, consommés chaque année", indique-t-on à la suite de cette rencontre tenue en marge de la COP 27 en Égypte.

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