Afrique de l'Ouest: Jean-Claude Kassi BROU – « La hausse des taux directeurs ne devrait pas réduire de manière substantielle les crédits à l'économie »

ean-Claude Kassi Brou, Gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Bceao)
15 Décembre 2022
interview

Le Comité de Politique Monétaire a décidé de relever de 25 points de base les taux directeurs de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), à compter du 16 décembre 2022. Au terme de sa réunion du vendredi 9 décembre 2022, le Gouverneur Jean-Claude Kassi BROU a fait face à la presse pour expliquer les raisons de ce choix qui s'inscrit dans le cadre de la normalisation graduelle de la politique monétaire entamée depuis juin 2022.

Le Comité de Politique Monétaire a décidé de baisser les taux directeurs de la BCEAO. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il a pris cette décision?

Le CPM s'est réuni le vendredi 9 décembre 2022 pour examiner la situation économique, financière et monétaire, au vu des informations les plus récentes. A l'issue de ses travaux, le Comité de Politique Monétaire a décidé de relever ses taux directeurs de 25 points de base.

Ce qui fait que le taux d'intervention de la Banque Centrale, c'est-à-dire le taux auquel la Banque Centrale prête aux banques commerciales, passe de 2,50% à 2,75%.

Le Comité de politique monétaire a pris cette décision parce que, premièrement, il faut noter que c'est le troisième relèvement qui est effectué par cette instance. Il y a eu un relèvement en juin, un deuxième en septembre et celui qu'il vient de prendre.

Il s'agit de la poursuite de la normalisation de la politique monétaire. C'est la poursuite de la dynamique initiée depuis juin 2022 qui a été décidée aujourd'hui (ndlr, vendredi 9 décembre 2022).

Cette poursuite de la normalisation de la politique monétaire qui s'est traduite par une hausse de 25 points de base est due essentiellement à l'évolution de l'inflation.

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Sur la base des dernières informations disponibles, le taux d'inflation dans la zone UEMOA devrait ressortir, en fin octobre 2022, à 8,4%. C'est un taux qui est très élevé.

L'objectif de la Banque centrale, en matière d'inflation, c'est un maximum de 3%. Notre intervalle cible est de 1 à 3%. Vous voyez qu'à 8,4% nous sommes presque à trois fois la cible. La Banque centrale s'inscrit dans une dynamique de maintenir une politique qui vise à faire baisser l'inflation vers sa cible.

La haute inflation qu'on observe, 8,4% en octobre 2022 sur la base des estimations qu'on avait faites, devrait se situer autour 8% pour l'année 2022. On sait que ça vient de la hausse des prix des produits énergétiques, des prix des produits alimentaires, du coût du transport. A cela s'ajoutent les facteurs extérieurs et ceux intérieurs. Parmi les facteurs extérieurs, il y a la hausse des cours internationaux.

Au niveau intérieur, il y a une baisse de la production céréalière. L'année dernière, il y a eu une baisse de 13 à 15% de la production céréalière. Tout cela conjugué avec les effets liés à l'insécurité, les difficultés de transport qui ont impulsé une hausse de l'inflation.

Il y a également les aspects qui sont liés à la hausse de la demande des produits. C'est pour limiter l'impact de cette demande sur l'inflation que la Banque Centrale a décidé de maintenir son orientation de hausse de ses taux directeurs pour freiner la demande et faire en sorte qu'on n'ait pas des effets de second tour liés à la hausse des prix des produits dans notre région.

C'est le point central qui a mené à cette décision. Maintenant pour le contexte, il tient compte du fait que nous avons dans l'espace Uemoa, une croissance qui est solide. Le taux de croissance en 2022 devrait ressortir à 5,7%.

C'est un élément satisfaisant et on note que les crédits à l'économie sont en hausse, les banques continuent à faire des crédits à l'économie avec une hausse de près de 16%.

Ce sont des éléments positifs qui ont facilité la décision du Comité de Politique Monétaire qui se concentre sur la lutte contre l'inflation. On ne peut pas accepter que l'inflation atteigne un certain niveau parce que cela affecte directement le pouvoir d'achat des personnes à revenu faible.

Vous le constatez sur les prix des principales denrées consommées par les populations. Donc il est important de maintenir cette posture en matière de politique jusqu'à ce que nous ayons une baisse des taux d'inflation dans notre Union.

Dans l'ensemble, quand on regarde les taux d'inflation par rapport à d'autres pays dans la sous-région, nous sommes à des niveaux meilleurs. Mais, ça reste trop élevé par rapport à notre cible. Et donc, nous devons tout faire pour ramener le taux d'inflation vers la cible.

Avec cette mesure prise par le Comité, ne craignez-vous pas que le crédit bancaire soit encore plus cher?

Comme je vous ai dit, l'orientation des crédits à l'économie est très positive et très forte. C'est pour cela que j'ai conclu ma première réponse en disant que le contexte facilite la décision prise.

La croissance est soutenue. Elle est autour de 5,7%. Les crédits à l'économie sont soutenus, 16% d'augmentation sur une année. Ce sont des aspects positifs et nous pensons que la hausse des taux directeurs ne devrait pas réduire de manière substantielle les crédits à l'économie.

Mais vous savez, la persistance d'un taux d'inflation élevé risque d'entraîner des anticipations de hausses plus fortes. Si on ne baisse pas l'inflation, les banques vont intégrer progressivement un coût plus élevé.

Il est important que nous puissions faire en sorte que l'inflation baisse afin que les taux de crédit que les banques accordent à leurs clients n'intègrent pas une inflation à moyen et long terme. Si c'est le cas, les taux d'intérêts seront plus élevés à la clientèle. Ce qui montre que l'inflation est un élément clé qu'il faut absolument baisser.

C'est le rôle et la responsabilité de la Banque Centrale et c'est pour cela que nous attaquons cette question avec beaucoup de fermeté. Nous le faisons de manière graduelle parce qu'il faut se rappeler que c'est la troisième hausse depuis juin 2022.

Ce qui nous permet d'observer l'évolution des différents agrégats notamment l'inflation, l'évolution de la croissance, les crédits à l'économie. C'est sur la base des dynamiques qui soutiennent cela à moyen et court terme que le Comité de Politique Monétaire a décidé cette hausse de 25 points de base.

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