Sénégal: Revalorisation des forêts - Les communautés de Bignona misent sur la reforestation

15 Décembre 2022

Mobiliser les communautés pour reconstituer les forêts communautaires, des initiatives qui se multiplient depuis quelques années dans le département de Bignona durement touché par la coupe abusive des espèces. A travers l'association " NaCuHeal Sénégal ", un enseignant chercheur s'engage, chaque hivernage, auprès des populations rurales pour des opérations de reboisement au bénéfice des celles-ci.

BIGNONA- Derrière le mur de clôture du lycée agricole Emile Badiane, un troupeau de quelques têtes de bœuf fouine et broute tranquillement le tapis herbacé. Malgré le brouillard matinal, ces herbes commencent à jaunir, obligeant les bergers à progresser un peu plus à l'intérieur de la forêt classée. Cette vaste bande de végétaux dont des teks, des anacardiers et d'autres espèces, visiblement bien arrosées par les pluies de cette année, bourgeonne de nouvelles feuilles. Et pour les anacardiers, s'annonce déjà la période de la fleuraison.

L'air satisfait, Mohammed Lamine Manga, chercheur et enseignant à l'université Assane Seck de Ziguinchor, qui a garé son véhicule devant le portail de la clôture à pépinière érigée par les services des Eaux et forêt, descend et marche à grand enjambé jusqu'auprès d'un jeune d'anacardier qu'il observe minutieusement avant de déclarer fièrement : "C'est nous qui l'avons planté, il y a quelques années".

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Si la commune de Tenghory et dans une moindre mesure celle de Bignona respirent et gardent une certaine humidité, c'est sans doute grâce à cette forêt. Mais, depuis quelques années, elle subit des agressions : exploitation abusive de bois pour la fabrication de meuble, abattage d'arbres pour la carbonisation, feux de brousse criminel, et même émiettement du foncier pour l'habitat.

Des actions anthropiques qui n'ont pas laissé insensible l'enseignant chercheur à l'Université Assane Seck de Ziguinchor. Car, pour lui, il ne faut pas faire de la dénonciation, mais plutôt privilégier la prévention et la préservation de l'environnement. " C'est pourquoi nous avons conceptualisé la pédagogie politique de l'action. La parole va servir de plaidoyer tout en menant des actions de réalisations des pépinières, de choix des sites à reboiser ", renchérit M. Manga coordonnateur de nature culture health Sénégal (NaCuHeal-Sénégal).

Cette action citoyenne n'était pas gagnée d'avance, car il fallait travailler à convaincre les communautés sur le bien-fondé d'une telle activité. " C'était dur, mais quand en 2008 Mohammed Manga a initié pour la première fois des campagnes de reboisement, beaucoup de jeunes, notamment des associations sportives culturelles et environnementales (Asce), ont adhéré.

Il nous a ensuite soutenu en mettant en place une pompe électrique pour l'arrosage des plantes. Nous avons ainsi travaillé pendant trois ans avec des partenaires norvégiens, et cela a valu les avantages actuels dont bénéficie une belle frange de la population ", témoigne Alioune Diallo, horticulteur engagé par les Eaux et forêt depuis 22 années.

Organisation sociale

A Tenghory, l'accès aux ressources forestières est libre et chacun profite des anacardes pour son propre compte. Par ailleurs à cinq kilomètres de là, dans le village de Colomba, les choses semblent plus organisées. Ici, les tâches sont partagées. Les hommes assurent le désherbage et érigent les pare-feu, par contre les femmes exploitent les noix et épargnent l'argent généré par les ventes. " Cette année, rien que pour le "Gamou", nous avons contribué à 300.000 FCfa. Nous épargnons également pour la prise en charge des dépenses urgentes qui concernent l'intérêt général dans ce village ", confie Mamadou Diatta, un cultivateur de retour de son champ.

Cette organisation sociale semble réussie grâce " à la sensibilisation effectuée auprès des populations sur l'action humaine et le changement climatique dans la gestion des forêts ", explique l'enseignant chercheur Mohammed Lamine Manga. La forêt est un facteur de régulation du climat. Et les émissions de gaz à effet de serre tels que le méthane, le dioxyde de sont l'œuvre de l'action humaine.

" Ils doivent donc être captés par d'autres éléments de l'espace, les fleuves, les mers, les océans, les cours d'eau et les forêts. Il a été démontré qu'à part les forêts, les océans, la mer, les fleuves ont atteint leur limite ", argumente le coordinateur de l'association NaCuHeal. C'est ce qui motive d'ailleurs le développement de pépinières de plusieurs espèces pour un vaste programme de reforestation ciblant les zones dévastées par la coupe agressive de bois dès la prochaine pluie.

PROGRAMME SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE

Plaidoyer pour l'instauration de la semaine du civisme et de l'environnement

Mohammed Lamine Manga invite l'Etat à inscrire dans le programme scolaire et universitaire " la semaine du civisme et de l'environnement ". L'objectif est d'encourager les apprenants et leurs enseignants à côtoyer les populations rurales dans leurs terroirs pour ensemble mener des opérations de reforestation. Cette initiative pourra amener notre pays à développer une industrie de bois ", a souligné l'universitaire.

M. Manga a rappelé que la collaboration avec l'Ong scandinave "Norvegian Women in forestery", qui regroupe des propriétaires de forêts privées", a permis d'accompagner, en 2008, les communautés à la mise en place de forêts communautaires dans le département de Bignona. " Nous avons constaté ensuite que nous devons évoluer avec nos propres ressources ", a-t-il ajouté. " C'est sur fonds personnel que NaCuHeal-Sénégal mène ses activités ", a souligné M. Manga.

Plusieurs forêts communautaires ont été reboisées, il s'agit des forêts de Colomba, Kagnarou, Diakoy, Biti Biti, Djibidione, Wassadou et Teubi. Des centaines de milliers d'arbres sont donc plantés sur une superficie totale d'environ 30 hectares. " Nous allons poursuivre encore cette opération parce que nous estimons qu'avec les forêts, les cycles de pluie seront réguliers et abondants, la faune va s'installer et cela pourra aider à atténuer le réchauffement climatique et améliorer le revenu des communautés ", espère-t-il. J. S. BASSENE

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