Congo-Kinshasa: ISP/Bukavu - Denis Mukwege souligne l'importance des universités dans la construction de la paix

Le Dr Denis Mukwege est intervenu, le 20 décembre, dans une conférence organisée par l'Institut supérieur pédagogique (ISP) de Bukavu, dans la province du Sud-Kivu.

"Le viol utilisé comme arme de guerre et le rôle des établissements d'enseignement supérieur et universitaire dans la construction de la paix en République démocratique du Congo " a été le le thème central de cette conférence scientifique qui a connu une forte affluence.

Le Prix Nobel de la paix 2018 a commencé de prime abord par remercier l'ISP de l'avoir convié à la rencontre, d'autant plus que le viol et les violences sexuelles utilisées comme arme de guerre est le thème central des actions de son plaidoyer et de la Fondation Panzi au niveau national et international pour le retour de la paix en République démocratique du Congo (RDC) et dans la région des Grands Lacs africains. Denis Mukwege n'a pas manqué de jeter des fleurs à l'ISP Bukavu, qualifié de fils aîné de l'enseignement supérieur et universitaire au Sud-Kivu.

Pour lui, cette conférence a lieu au moment où des plaies béantes de la nation saignent à nouveau dans le Nord-Kivu, après un énième massacre des civils innocents perpétré le 29 et 30 novembre à Kishishe et Bambo, par le "groupe terroriste du M23, supplétif de l'Armée rwandaise". Aussi s'est-il référé au rapport d'enquête préliminaire publié par les Nations unies confirmant qu'au moins 131 civils ont été tués à l'aide d'armes à feu et armes blanches. Parmi les victimes, il y a 102 hommes, 17 femmes et 12 enfants, aux côtés de 60 personnes enlevées et au moins 22 femme et 5 filles violées.

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"Le rapport du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l'homme renseigne, par ailleurs, que des éléments du M23 auraient enterré eux-mêmes les corps des victimes, dans ce qui pourrait être une tentative de destruction des preuves", a souligné le Dr Mukwege d'un air grave. "A l'heure où notre pays semble à nouveau rouler vers l'abîme, en refusant l'oubli de nos morts, en refusant de nous resigner au silence au risque de trahir leur honneur et les rêves qu'ils caressaient, nous accomplissons un travail de vérité et de mémoire. Nous rappelons à nos compatriotes et au monde qu'en maints endroits, l'armée rwandaise, ses supplétifs de l'AFDL, du CNDP, du RCD, du M23 ainsi que d'autres occupants ont commis des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, voire des crimes de génocide à l'encontre de notre population", a-t-il lâché.

"Des milliers de nos frères et sœurs ont été sauvagement exécutés à Lemera, Kasika, Makobola, Kisangani, Kaziba, Kaniola, Beni, Butembo, etc. A ce jour, plusieurs d'entre eux n'ont pour sépulture que le "Rapport Mapping des Nations unies", dont les recommandations sont malheureusement restées lettre morte depuis onze ans. Depuis la guerre de l'AFDL en 1996 jusqu'aujourd'hui, des centaines des villages et des villes de notre pays ont été marquées au fer rouge de sang par la folie meurtrière de nos envahisseurs. Les massacres de Kishishe et Bambo marquent certes le paroxysme de l'actuelle guerre imposée à notre population, mais en rappellent d'autres, et si nous ne faisons rien, on annonce d'autres", a-t-il ajouté.

Responsabilité et transmission de la mémoire...

D'après l'homme qui répare les femmes, tout cela constitue "autant des raisons de nous lever tous ensemble comme un seul homme, de nous lever contre le broyage de notre humanité et contre la manipulation des faits qui falsifient l'histoire en tentant de faire passer des pyromanes pour des sauveurs". S'adressant à toute la communauté ISP Bukavu, le Dr Denis Mukwege a indiqué: "Cette tâche de sentinelle de la mémoire est celle de chaque citoyen congolais. Et dans un contexte de danger pour notre nation, elle est aussi et davantage celle des institutions de formation comme la vôtre". Il a relevé l'importante responsabilité de la gestion et transmission de la mémoire par ceux qui ont la vocation d'enseignant. Car, a-t-il dit, une société qui oublie ses filles et fils massacrés à cause de la cupidité des hommes n'en est pas une.

Denis Mukwege a attiré l'attention de l'assistance sur la nature de la guerre à l'Est du pays, qui est essentiellement économique et non ethnique ou idéologique. Et il y va de l'avenir du Congo. Il a souligné que la révolution numérique se fait avec le coltan du Congo, demain, la révolution verte, la transition énergétique nécessitera le cobalt et le lithium du Congo pour la fabrication des véhicules électriques.

En conclusion de son adresse, le Prix Nobel de la Paix 2018 a tenu à marteler : "Le viol utilisé comme arme de guerre, dans le caractère massif et systématique, est une stratégie utilisée par ceux qui veulent nous dominer pour exterminer notre peuple en douceur. Il revient à chaque intellectuel, chaque citoyenne et citoyen et chacune de nos institutions d'enseignement d'attirer l'attention de notre jeunesse et nos compatriotes sur ce danger... ".

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