Madagascar: Entreprises franches - Des perspectives encourageantes

Les informations fournies dernièrement par le Groupement des Entreprises Franches et Partenaires (GEFP), suite à la tenue de son Assemblée générale ordinaire, et le rapport sur la conjoncture économique de la Banque Centrale de Madagascar révèlent que les entreprises franches ont vu leurs activités croître sensiblement depuis l'année dernière. Et les perspectives sont bonnes au niveau du potentiel du marché.

Pour l'ensemble des secteurs, l'exportation de biens a enregistré une croissance de 37,5% l'année dernière contre une baisse de 25,4% sur la même période en 2020. On sait en outre que la valeur nominale tirée de ces exportations s'est élevée à 2.679 millions USD contre 1.949 millions USD en 2020. La vente, le carnet de commandes, l'investissement, l'emploi et les bénéfices auraient tous enregistré des augmentations selon les indicateurs des activités économiques (IAE) partagés par le GEFP.

Sur les 2.679 millions USD d'exportations enregistrées par Madagascar, 714, 4 millions USD (26%) ont été effectués par les entreprises franches opérant dans la Grande Île et qui sont notamment dans le textile, l'agro-industrie et les TICs. Ces filières ont généré près de 1977,30 millions d'ariary de chiffre d'affaires. Par ailleurs, 82 817 emplois ont été créés en 2022 contre 71 252 en 2021.

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Concernant les perspectives, le GEFP a noté que des opportunités de développement existent du fait de l'évolution du marché. Raison pour laquelle le groupement salue l'intention de l'État d'un cadre légal sur les investissements s'arrimant à une vision cherchant à dynamiser davantage le secteur industriel et à booster les exportations. "Cette initiative est propice à la croissance économique et sociale de Madagascar, ne serait-ce qu'en termes d'emploi", a indiqué le GEFP qui estime à plus de 600 millions USD les opportunités de marché pour les années à venir.

Toutefois, les entreprises franches estiment que pour transformer les bonnes perspectives en chiffre d'affaires et en retombées conséquentes pour l'économie, il est important que l'État joue le jeu sur le terrain fiscal et douanier, ainsi qu'au niveau de la limitation du coût de l'énergie, pour préserver la compétitivité du secteur. À ce titre, le groupement indique que " les pourparlers se poursuivent encore et espère de l'Administration plus d'engagement pour que les activités économiques puissent produire des résultats positifs ".

Rappelons que la forte concurrence sur le marché international, avec la libéralisation économique, a poussé les pays avancés à abandonner les métiers à forte intensité de main d'œuvre. Les droits des travailleurs se sont renforcés dans les pays dits industrialisés et sont devenus plus exigeants vis-à-vis des employeurs, rendant les métiers intensifs en main-d'œuvre moins rentables. Cette situation a favorisé la création des zones et entreprises franches dans les pays comme Madagascar. Le lancement des entreprises franches au début des années 1990 est parti de cette logique. Pour asseoir leur position concurrentielle, on leur a accordé des avantages dont les entreprises sous d'autres régimes fiscaux ne bénéficiaient pas. Il s'agissait notamment de mesures incitatives pour attirer les investisseurs étrangers.

Un secteur trentenaire

Au départ, elles se sont concentrées dans le domaine du textile et de l'habillement. Le secteur s'est diversifié progressivement pour s'étendre dans les services et les autres industries de transformation. Côté cadre légal, la loi 89-027 est le texte de base qui régit le régime de la zone franche. Les avantages fiscaux sont détaillés dans la loi 90-027 et redéfinis dans la loi 2007-037. Ce régime s'applique aux investissements réalisés par des promoteurs nationaux ou étrangers, ou en association des deux. Notons qu'à Madagascar, deux régimes fiscaux régissent les investissements : le régime de " droit commun " destiné aux activités économiques agissant principalement sur le marché local et le régime de " zone franche " affecté notamment sur les exportations. Les biens et services produits par les entreprises franches sont exportés dans leur intégralité ou octroyés à d'autres entreprises franches. On distingue trois catégories d'entreprises franches à Madagascar, à savoir les entreprises industrielles de transformation, les entreprises de service et les entreprises de production intensive de base.

Le secteur aujourd'hui trentenaire des zones et des entreprises franches continue de jouer un rôle de premier plan dans le développement économique de Madagascar. Les entreprises favorisent la diversification de l'économie, l'acquisition de nouvelles technologies, les apports de capitaux ainsi que la rentrée de devises. La contribution de ce secteur à l'économie a progressé avec le temps pour atteindre actuellement près de 2 % du PIB selon les données de l'INSTAT. Quant à l'Economic Development Board of Madagascar (EDBM), il estime le nombre d'entreprises franches entre 240 et 260.

"Nous contribuons significativement à la création de revenus et d'emplois, à l'amélioration de la balance des paiements du pays. Les produits des zones et des entreprises franches font partie des cinq premiers produits d'exportation de Madagascar", aime d'ailleurs à souligner le GEFP qui emploie plus de 134 000 personnes. A savoir également que la filière textile représente plus de 50% des exportations des entreprises franches. Elle est suivie par les services d'outsourcing. La branche alimentation occupe également une place significative. Le marché européen demeure la première destination des exportations des sociétés du secteur. Ce marché a distingué la France comme étant le plus gros client de notre pays, suivi de l'Allemagne et du Royaume-Uni. Après le marché européen, le marché américain arrive en deuxième position grâce à l'African Growth and Opportunity Act (AGOA), suivi par le marché africain, lequel est dominé par l'Afrique du Sud et le Maroc.

Le secteur des entreprises franches n'a pas été épargné par le choc sur la demande mondiale provoqué par la pandémie du COVID-19. Selon les derniers chiffres, jusqu'au mois de mai 2020, un recul des prix à l'exportation de 10,1 % a été constaté. Toutefois, le volume n'a pas été très impacté, présentant même une hausse de +6,0 % grâce vraisemblablement aux commandes

passées au cours des derniers mois de 2019. C'est surtout au niveau des importations que les signes de la baisse de la demande ont été les plus palpables avec un recul de -12,8% du volume.

Selon un observateur économique, "les entreprises franches malgaches bénéficient d'avantages comparatifs avec une main-d'œuvre qualifiée et des coûts compétitifs.

Il est probable que ces atouts les aident à reprendre aisément leurs rythmes après la pandémie". De ce fait, les experts tablent sur une croissance en forme de " V " pour les entreprises de ce secteur. Mais le GEFP soutient que le rebond en cours risque d'être freiné par d'autres facteurs qui déterminent la compétitivité des entreprises dans notre pays. Il cite notamment le coût de l'électricité, l'insuffisance des infrastructures telles que les mauvais états des routes, les catastrophes naturelles et la stabilité du système juridique.

Signalons qu'à Madagascar, les entreprises franches sont membres d'une ou de plusieurs associations. Mais la plateforme la plus importante demeure le GEFP, actuellement présidé par Hery Lanto Rakotoarison et qui regroupe une centaine d'entreprises. L'objectif affiché du groupement est la défense des intérêts communs des membres auprès de l'État, des organisations syndicales et des institutions nationales et internationales. Dans ce cadre, il assure la promotion des entreprises franches et de ses partenaires commerciaux locaux et internationaux. Elle entend faciliter la relance en renforçant les campagnes de communication, les missions de prospection et/ou développement du portefeuille de clients, le respect des normes, les formations professionnelles continues et la poursuite des dialogues sociaux.

Priorité au dialogue

Pour les autorités, les efforts pour appuyer les entreprises franches se font dans le cadre d'un dialogue public-privé "franc et constructif". Ainsi, au mois de mars dernier, la Direction générale

des impôts (DGI) a tenu une séance d'information afin d'éclairer davantage les différents acteurs sur les tenants et aboutissants ainsi que sur les modalités d'application et sur les garanties en vue de protéger les activités des entreprises, prises dans le cadre de nouvelles dispositions fiscales inscrites dans la loi des finances initiale 2022.

Concernant le retard de remboursement de crédit de TVA, ayant fait l'objet de critiques des dirigeants des entreprises franches, l'administration fiscale a expliqué qu'il est dû au cycle de bouleversement des activités durant les mesures d'urgence et restrictions sanitaires prises pendant la période 2020-2021. Afin de pallier ce retard causant un désagrément organisationnel et financier auprès des entreprises franches, la DGI a mis en place un dispositif de remboursement en ligne pouvant réduire de moitié la durée de traitement et de remboursement directement dans les comptes bancaires des entreprises concernées.

Le Ministère de l'Industrialisation, du Commerce et de la Consommation (MICC) souligne également les efforts produits afin que le dialogue soit priorisé. Et ce département d'insister qu'il reste à l'écoute des membres du secteur privé, dont ceux des entreprises franches qui ont dernièrement manifesté leur inquiétude quant à "l'instabilité juridique concernant la zone franche" et l'éventualité d'une "modification de la loi régissant le secteur qui pourrait aboutir à la réduction des avantages permettant d'attirer les investisseurs".

Pour le MICC, le gouvernement est bien conscient des grandes opportunités de marché évaluées à plus d'un demi-milliard de dollars qui s'offrent aux entreprises franches malgaches, après notamment l'exclusion de l'Ethiopie de l'AGOA. Le Ministère affirme également accorder un intérêt particulier aux autres facteurs pouvant limiter le développement des entreprises comme

l'énergie ou une certaine lourdeur administrative concernant le traitement des demandes d'agréement et d'extension.

Verbatim

Josielle Rafidy, directrice générale de l'Economic development board of Madagascar (EDBM).

" L'EDBM a enregistré six décisions d'investissement qui ont généré 981 emplois dans le textile, entre 2021 et 2022. L'agence a aussi accompagné et enregistré 51 projets d'investissement direct (IDE) et d'investissement des nationaux (IDN), particulièrement dans le secteur des entreprises franches du textile et de l'habillement, et dans le secteur de la technologie de l'information et de la communication ".

Hery Lanto Rakotoarison, président du Groupement des Entreprises Franches et Partenaires (GEFP)

" Nous souhaitons que le partenaire public fasse des gestes afin que les entreprises franches puissent avoir plus de visibilité. Nous continuons de militer pour un meilleur climat des affaires. En tant que secteur privé, nous opposons à toute forme de déstabilisation du pays car seule la création de valeurs contribue à la croissance économique du pays. Cela nécessite une augmentation en nombre des entreprises nouvellement créées générant par la suite des emplois pour nos jeunes. Ce qui permettra d'asseoir la stabilité sociale ".

AGOA - Une loi à améliorer

La loi sur la croissance et les opportunités en Afrique (AGOA) devait être améliorée pour favoriser une croissance plus équitable et durable. C'est le point de vue partagé par la représentante américaine au commerce, Katherine Tai, lors d'une réunion tenue la semaine dernière avec les délégations africaines, dont celle de Madagascar, à Washington. "L'accès en franchise de droits pour près de 40 pays africains dans le cadre d'un programme commercial américain vieux de 22 ans n'est plus suffisant pour stimuler leur développement et il faut se concentrer sur l'amélioration des investissements", a déclaré Katherine Tai, qui a aussi indiqué vouloir "procéder à une évaluation honnête " de l'AGOA. Pour rappel, l'AGOA été promulguée pour la première fois en 2000 pour stimuler la croissance, le développement et les réformes de gouvernance en Afrique. Elle doit expirer le 30 septembre 2025 et les négociations se poursuivent concernant la suite à donner au programme qui exige également des mesures telles que l'élimination des obstacles au commerce et aux investissements américains. Des recherches menées par la Brookings Institution, l'année dernière, ont montré que seule la moitié environ des pays éligibles à l'AGOA avaient mis en place des stratégies pour utiliser pleinement les avantages du programme. Pour Madagascar, force est de constater qu'il est parvenu à tirer profit de la loi américaine en devenant l'un des principaux exportateurs africains de produits textiles vers les États-Unis qui vont également signer un protocole d'accord avec la Zone de libre-échange continentale africaine.

 

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