Madagascar: Des édits en fonction des principes changeants des souverains

Des critiques acerbes qui taxent Hippolyte Laroche d'irresponsabilité, donnent pour raison primordiale le fiat qu'il a occulté la fonction économique de l'esclave.

Pourtant, celle-ci n'apparait jamais clairement dans les premiers textes législatifs ou règlementaires. Même la circulaire du Premier ministre provisoire Rasanjy du 27 octobre, relative à la mise en culture des rizières pour le riz dit de seconde saison et qui suggère, entre autres, l'insuffisance de main-d'œuvre pour expliquer que des rizières soient laissées en friche, " ne permet pas de déduire que l'abolition de l'esclavage a désorganisé la vie économique et que les adversaires de Laroche étaient au moins fondés dans leurs critiques " (Bakoly et Jean-Pierre Domenichini, lire précédentes Notes). Quand Rasanjy parle des esclaves c'est à propos de l'attribution qui peut leur être fait, en priorité, des rizières confisquées aux insurgés. Ce qui ramène simplement au problème de leur subsistance après l'abolition, soulignent les deux auteurs de l'étude sur les aspects de l'esclavage sous la monarchie merina. " L'importante question de la place de l'esclavage dans la vie économique de la société monarchique reste ainsi quasi entière. "

Le couple Domenichini constitue alors un " corpus des textes législatifs et règlementaires des souverains ". Il comporte les édits d'Andrianampoinimerina à travers ses kabary, tels qu'ils apparaissent dans les Tantara ny Andriana eto Madagascar du père Callet. Celui de Ranavalona Ire présenté comme " Didim-panjakana" et souvent cité par les auteurs français comme " Code de 1828 ", est publié lors de la présentation officielle de la Reine au peuple, le 27 Alahasaty 1828. De même, l'édit de Radama II, son fils et successeur, sort le jour de son accession au trône, le 12 Alahasaty 1862. Rasoherina sort deux édits la première année de son règne, le premier daté du mardi 26 Adaoro 1863 et dont des copies sont confiées aux gouverneurs, le second daté du mardi 10 Adimizana 1863 est proclamé le même jour à Andohalo par Raharolahy. Les " Lois de Madagascar " de Ranavalona II, publiées au début de son règne en 1868, est appelé " Code des 101 articles " ; celui proclamant la libération des Masombika, esclaves importés d'Afrique, date du 10 juin 1877 ; celui concernant les Sakaizambohitra - Instructions aux Sakaizambohitra - est signé le 14 juillet 1877 et le Code des 305 articles ou " Lois du royaume ", le 29 mars 1881.

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Ce corpus ne comprend que les textes législatifs et règlementaires de la dernière dynastie, celle fondée par Andrianampoinimerina. Ces édits qu'ils restent oraux comme ceux d'Andrianampoinimerina ou qu'ils soient ensuite écrits, expliquent Bakoly et Jean-Pierre Domenichini, reflètent les rapports de force changeants et s'assignent de modeler la société en fonction des principes dont certains varient avec les souverains. " Rien n'est donc figé, ni des principes ni des institutions, et cela est notamment vrai pour ce qui concerne l'esclavage. " Cela permet de comprendre " le sens des transformations de la société malgache et les principes de la pratique législative des souverains ". Cette pratique est " explicitement " présentée comme dictée par le souci de la continuité- " maintenir la législation antérieure non reprise "- sans dégager une parfaite identité entre les législations. D'ailleurs, affirment les deux historiens, il est important de noter que les décisions anciennes qui ne sont ni reprises ni réaffirmées, sont ou bien de celles qui sont si évidentes qu'il est inutile de le rappeler, ou bien de celles qui sont justement " objets de discussion, de contestation et d'aménagement ".

D'autant que l'ensemble de la législation monarchique, même quand il est étudié, l'est jusqu'à très récemment sur traduction, " ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes ". Et " des conceptions erronées se sont forgées sur l'esclavage à cause des traducteurs qui parfois véhiculent des préjugés, ou se laissent menés par leur imagination quelquefois délirante, ou commettent des contresens commis en cascade malgré eux ". Elles ont des conséquences difficiles à mesurer. Ainsi, souligne le couple Domenichini, c'est probablement pour avoir momentanément oublié que " l'esclave était un bien ", que beaucoup ont omis de les compter au nombre des biens saisis par décision de justice. Et c'est là que se pose la question des kapy, des very et des amidy.

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