Madagascar: Kapy, babo, very, amidy, mots synonymes mais distinctifs

Beaucoup de traducteurs d'anciens écrits ont oublié que l'esclave était compté au nombre des biens saisis après décision de justice.

Joint à celui du fait que le captif (babo) ne devient pas automatiquement esclave et qu'il n'est pas forcément un prisonnier de guerre, cet oubli les empêche de comprendre deux choses, précisent Bakoly et Jean-Pierre Domenichini dans leur étude sur les aspects de l'esclavage sous la monarchie merina (lire précédentes Notes).

D'abord, le sens large du mot kapy dans un texte des Tantara ny Andriana du R.P. Callet, qui rappelle les circonstances dans lesquelles sont définies les lourdes peines sanctionnant leur non-livraison. Ensuite, la différence entre les termes very (banni) et amidy (objet de traite) qui apparaissent fréquemment dans les mêmes Tantara et dans les édits des souverains successifs.

" Or, leur exacte compréhension, est indispensable à ce qu'est exactement l'esclavage sous la monarchie. " Le premier terme ne se trouve pas dans le dictionnaire malgacho-français des pères Abinal et Malzac. Il indique les esclaves pris sur l'ennemi qui n'ont pas encore été adjugés à un maitre. Selon le couple Domenichini, cette phrase qui définit kapy dans le texte des Tantara, se traduirait exactement comme ceci : " Ceux dont on fait des kapy, ce sont les babo qui, n'ayant pas encore de maitre, demeurent dans la dépendance des grands, tenus cachés par ceux-ci. "

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Finalement, insiste le couple d'auteurs, une multitude de problèmes ne saurait véritablement se résoudre sans aborder, dans son ensemble, la question totalement négligée jusqu'ici (en 1982) du bannissement et de l'existence de " groupes plus ou moins définitivement hors-fanjakana ", vivant en marge des fanjakana organisés. Dans le contexte d'un Tantara situé dans l'Imamo, au moment du ralliement d'Andriamary à Andrianampoinimerina et tendant à rapporter l'origine de la loi sur les kapy, leur partage et l'estimation de leur valeur qui doivent désormais être soumis au regard du roi, les faits donnent à penser qu'il s'agit de deux catégories de personnes.

D'une part, il est question de personnes qui présentent " quelque similitude voire même une identité " avec les tongoa mihonkona et notamment avec les haria-mati-momba et les haria-mati-mamosavy. Dans ce sens, les kapy apparaissent comme des personnes devant faire l'objet d'un partage avec l'Andriana, tout comme les esclaves qui font partie des biens en déshérence et ceux qui ont appartenu aux condamnés pour sorcellerie. D'autre part, il s'agit aussi de personnes " tsy voatombana ", dont on n'a pas estimé la valeur marchande, et "tsy manana tompo", qui n'ont pas de maitre, et qui ne sont donc pas forcément esclaves d'origine. Parmi les kapy se trouveraient donc les personnes condamnées en justice à la perte personnelle de statut (very tenany). Il faut y ajouter non seulement les conjointes et les enfants de ceux dont la peine comporte le " very vady aman-janaka ", mais encore les personnes qui ont, en commun, d'avoir été privées de leur précédent statut par une violence qui peut être celle de l'État, " infligée en dehors du cadre d'une guerre codifiée régulièrement déclarée ".

Ainsi, dans le sens général et l'usage le plus courant, " babo, kapy et very " sont synonymes et désignent des personnes qui, pour une raison ou une autre, sont au moins " temporairement" hors-fanjakana et sans statut. Ils s'opposent également à andevo-zazahova qui désigne des personnes relevant, par statut du " fanjakana domestique ", d'un maitre. Selon Rainitovo, les kapy sont " des personnes raflées et déportées en groupe, arrachées de leur territoire dès lors frappé d'interdit, pour être installées sur un autre appartenant en propre à l'autorité responsable de l'agression ". En fait, le kapy aurait été " le véritable esclave privé de droit et de statut et résulterait d'une violence relevant du seul droit du plus fort ou du plus rusé (rafle, razzia). Il est normalement destiné à la traite, à être échangé contre de la poudre et des fusils auprès des négriers quand le malheur le met au nombre de ceux qui reviennent au roi. " Et le mot babo s'appliquerait " aux êtres humains considérés du point de vue de leur valeur marchande ", tandis que very (sans statut ) à ceux qui sont " considérés du point de vue de leur possible non-insertion dans l'organisation politique et sociale ".

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