Sénégal: Équipe Nationale Féminine de foot - A Guéréo, les " Lionnes " ne pensent qu'aux barrages du Mondial

10 Janvier 2023

Quart-de-finalistes de la dernière Can féminine disputée au Maroc, les " Lionnes " du football s'étaient ensuite qualifiées pour les barrages qualificatifs au Mondial " Australie - Nouvelle-Zélande 2023 ". En regroupement au Centre d'Excellence Caf Youssoupha Ndiaye de Guéréo, sur la Petite Côte, elles préparent consciencieusement le rendez-vous de février prochain à Auckland (Nouvelle-Zélande) où elles croiseront Haïti le 18 et, en cas de victoire, le Chili, le 21. Nous sommes allés leur rendre visite.

GUÉRÉO - " Ce ne sera pas facile face à Haïti et au Chili. Mais nous avons le mental et les moyens de réussir à ces barrages et à qualifier le Sénégal, pour la première fois de son histoire, à une Coupe du monde féminine de football ". Telle est la conviction de Korka Fall, avant-centre du Dsc et des " Lionnes " du football. " Nous savons qu'aucun match ne sera facile et nous sommes conscientes de ce qui nous attend. Mais nous irons aux barrages pour nous qualifier à la Coupe du monde. On dort et on se réveille avec le même objectif ". Avis signé Marième Babou, arrière latérale gauche de l'Union sportive des Parcelles assainies (Uspa) et de l'équipe nationale féminine et par ailleurs capitaine des " Lioncelles " U20.

C'est dire qu'au Centre d'excellence Caf Youssoupha Ndiaye de Guéréo, sur la Petite Côte, où elles sont en regroupement depuis plus de 3 mois, les joueuses du coach Mame Moussa Cissé ne pensent qu'aux barrages qualificatifs à la Coupe du monde prévus le mois prochain à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Quart-de-finaliste de la dernière Can disputée au Maroc (du 3 au 23 juillet 2022), le Sénégal a échoué d'un rien à se qualifier directement au prochain Mondial de foot féminin (battu aux tirs au but par la Zambie). Mais, les " Lionnes " s'étaient bien ressaisies en battant la Tunisie en " pré-barrages " ; ce qui leur vaut de devoir disputer les barrages en Nouvelle-Zélande, le 18 février face à Haïti et, en cas de victoire, trois jours plus tard face au Chili. " Vous vous rendez compte qu'elles sont à deux matches de disputer une Coupe du monde... Elles peuvent écrire l'Histoire. Un peu comme ceux de ma génération en 2002. Nous n'avions rien gagné, mais les gens se souviennent encore de nous ", témoigne Omar Diallo, le portier qui était de l'expérience en Corée du Sud et au Japon et qui est aujourd'hui préparateur des gardiennes de but.

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Autant " l'ancienne " Korka Fall, qui était de l'équipe ayant pris part à la première Can féminine du Sénégal en 2012 en Guinée équatoriale, que la " nouvelle " Marième Babou qui a disputé la deuxième, en juillet dernier au Maroc, toutes les 24 autres filles en regroupement à Guéréo ne pensent qu'à ça : aux barrages où elles sont décidées à hisser très haut le drapeau national. Ce serait une manière pour elles de se rattraper pour n'avoir pas été jusqu'en demi-finales directement qualificatives au Mondial (Australie - Nouvelle-Zélande, du 20 juillet au 20 août 2023).

Manque d'expérience

" Nous avions les moyens de passer en demi-finales. Mais par manque d'expérience, nous avons perdu. Nous avons, cependant, appris de cette défaite et cela nous servira forcément lors des barrages ", selon Marième Babou. Un avis partagé par Korka Fall qui soutient que depuis une dizaine d'années qu'elle est en sélection nationale, elle n'a jamais vu " un groupe aussi soudé, une équipe aussi forte ". C'est que, d'après elle, les conditions de regroupement ont beaucoup changé. " Avant, on entrait en stage 15 jours avant les échéances. C'était difficile, dans ces conditions, d'avoir un groupe performant. Or, maintenant, on est en regroupement pendant des mois et dans de bien meilleures conditions ", d'après l'avant-centre du Dakar Sacré-Cœur.

N'empêche, ce n'est pas facile pour des filles de rester si longtemps éloignées de chez elles. " C'est nous qui avons choisi de pratiquer le football. Donc on assume ", philosophe Marième Babou qui ajoute avoir toujours eu le soutien de ses parents. " Nous sommes toutes très engagées à faire émerger le football féminin et à réussir individuellement dans la voie que nous avons choisie ", ajoute Korka Fall. Et toutes savent qu'une qualification à la Coupe du monde sera le meilleur des plaidoyers pour leur cause. Elles s'en donnent donc tous les moyens. Elles s'entrainent dur du lundi au vendredi et sont lâchées le weekend pour aller jouer en club. Tous les jeudis, elles accueillent au Centre de Guéréo une équipe d'un centre de formation " afin d'évaluer notre travail sur les plans physique et tactique ", selon leur coach Mame Moussa Cissé. Jeudi dernier, ce sont les U15 de Génération Foot que les " Lionnes " ont croisés dans une opposition qui s'est terminée par un nul vierge.

Et comme à chaque fois qu'elles ont rencontré des U15 ou des U17, les filles ont pu faire face à l'impact, à la vitesse et aux problèmes tactiques posés. Mais, sur place, elles ont suffisamment de mécanismes comme la cryothérapie (thérapie par le froid) pour récupérer vite. C'est le prix à payer pour s'illustrer aux barrages et espérer être de la prochaine Coupe du monde. Pour toutes les 26 joueuses en regroupement au Centre de Guéréo, le jeu en vaut la chandelle.

Mame Moussa Cissé, entraîneur national

" L'expérience de la dernière Can va nous faire grandir lors des barrages "

S'il regrette que son équipe ne se soit pas qualifiée directement au Mondial féminin lors de la dernière Can de football, Mame Moussa Cissé, le coach des " Lionnes ", n'en espère pas moins que l'expérience vécue au Maroc sera très utile à son équipe. Surtout en direction des barrages de cette Coupe du monde que ses protégées vont disputer en février à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Au Centre d'Excellence de Guéréo, il s'emploie avec son staff, à donner à ses filles les moyens et arguments de décrocher une première qualification en Coupe du monde.

" Coach, le départ en Europe de certaines de vos joueuses après la Can féminine au Maroc n'a-t-il pas affaibli votre groupe ?

Ces départs prouvent, à mon avis, qu'il y a de la qualité dans ce que nous faisons. Le talent des filles est reconnu. On ne parlait pas souvent d'elles ; mais aujourd'hui, on s'intéresse à elles, elles vont en tests et ne reviennent pas. Cela fait partie de nos objectifs, parce qu'un de leurs rêves c'est de devenir professionnelles. La plupart d'elles ne sont plus à l'école et l'on se bat pour qu'elles aient de bons clubs. Ainsi, on pourra peut-être faire, comme l'équipe masculine A, des regroupements d'une semaine avec des joueuses venant d'Europe, des Etats-Unis. On n'aura alors plus besoin de nous regrouper pendant des mois comme c'est le cas aujourd'hui.

Vous espérez donc que ces départs soient une source de motivation pour celles qui sont restées ?

C'est un des objectifs de la promotion des filles avec l'activité qu'on est en train de faire. Elles voient que d'autres sont parties, elles travaillent davantage pour pouvoir partir. D'ailleurs, elles aiment être ici en regroupement ; la preuve, quand elles terminent un stage, elles ne cessent d'appeler pour demander la date du prochain rassemblement.

Comment avez-vous réussi à créer une telle ambiance ?

Nous avons dû beaucoup travailler. En fait, j'ai changé d'approche. Avant, j'ai été très rigoureux, très ferme pendant des années, par rapport à certaines choses. Mais, après, j'ai compris que ce qui permettait aux filles de progresser c'était un environnement positif où chacune d'elles se sentait bien lors du regroupement. Ainsi, elles ont des moments de détente, des moments où elles sont laissées à elles-mêmes, où elles peuvent faire tout ce qu'elles veulent dans la " maison " ; elles fêtent les anniversaires, et la Tabaski qui nous a trouvés au Maroc, elles l'ont bien fêtée c'est comme si elles étaient chez elles. C'est une sorte de compensation pour leur permettre d'oublier certaines contraintes. Parce que ce n'est pas facile. Même pour moi, a fortiori pour elles. Certaines femmes ont besoin d'avoir l'autorité parentale et ici je représente le père. J'ai demandé une adjointe dans mon staff qui règle certains problèmes ; elle a joué, est entraîneur de club et connaît la psychologie des filles. On a aussi le médecin qui est une femme et une kiné. Et donc le papa qui est là, tout ce qu'il faut comme rigueur mais pour leur permettre d'être en sécurité. Nous avons beaucoup travaillé pour mettre la confiance dans le groupe. Des fois, les filles nous parlent de leurs problèmes de famille et nous les aidons à les résoudre.

Vous vous préparez pour des barrages qui s'annoncent difficiles. Pensez-vous objectivement pouvoir vous en sortir ?

Moi je suis un compétiteur et j'aime bien le challenge ! Quand je suis devenu coach de l'équipe féminine, certains m'ont dit que j'allais m'enterrer là-bas. Mais, je savais dans quoi je m'engageais. Là, j'ai envie d'aller en Coupe du monde avec ces filles. Cela ferait pour le football féminin sénégalais une autre acceptation. Aujourd'hui, cette sélection féminine est vue autrement. On avait d'ailleurs la possibilité de se qualifier directement au Mondial. Sauf que c'est allé beaucoup trop vite. Quand on s'est retrouvé en quarts de finale, à une étape de la qualification, la pression était devenue trop forte pour les filles. C'était la première fois qu'elles vivaient cela. Je me rappelle d'ailleurs que quand nous avons gagné nos deux premiers matches à la Can, les gens réclamaient déjà la coupe à travers certains réseaux sociaux. Cette pression, les filles la vivaient aussi à travers la famille, le quartier. Malgré tout, on n'a jamais été ridicules ; pour moi, la meilleure équipe de ce tournoi-là, c'était la Zambie qu'on a bien maîtrisée pendant 70 minutes, on l'a menée au score. Cette expérience va nous faire grandir lors de ces barrages en Nouvelle-Zélande, découvrir d'autres footballs. C'est la première fois qu'on va jouer contre une équipe comme Haïti et, si tout se passe bien, contre le Chili. Et cela contribuera à notre apprentissage du haut niveau.

À ce propos, que savez-vous de votre premier adversaire, Haïti ?

C'est une équipe qui a déjà joué la Coupe du monde en U20, donc c'est un groupe jeune mais qui a déjà de l'expérience. C'est un pays et un football à respecter. Les gens ne les connaissent pas trop, mais l'ensemble de leurs joueuses jouent aux Usa ou en France. Cela dit, moi quand je joue un match, je dis que je peux gagner. Parce que nous avons nos forces ; ce n'est pas le même type de football, il faudra qu'on mise sur nos qualités. À la Can, beaucoup pensaient qu'on ne pouvait pas faire de bons résultats. Finalement, on est même frustré de n'avoir pas fait plus parce qu'il y avait possibilité d'aller en demi-finales et de se qualifier directement pour la Coupe du monde.

Donc vous avez toujours des regrets par rapport à cette Can ?

Oui ! Déjà, le premier objectif c'était de marquer un but ; ce qu'on n'avait pas su faire lors de la seule Can 2012 à laquelle le Sénégal avait participé. Après, il fallait gagner le premier match, puis le deuxième. Donc l'appétit est venu en mangeant et après, on a vu qu'on avait une équipe capable de rivaliser avec les autres. Sur cette compétition, nous avons encaissé deux buts et tous les deux sur balle arrêtée. Cela veut dire que nous avons de la valeur, du potentiel. Et que si l'on continue à travailler avec ce groupe plutôt jeune, on peut faire quelque chose. Le président de la Fsf a démontré qu'il croit en cette équipe. Et pour la première fois, on a parlé de cette équipe nationale lors du dernier Comité exécutif. Cela veut dire que les gens savent que nous sommes proches de quelque chose et si on se bat ensemble, on peut y arriver.

Coach, parmi vos joueuses, il y a des scolaires. Comment les gérez-vous avec leurs cours ?

Nous avons un emploi du temps avec les écoles de nos joueuses qui sont à l'école. Quand on a une seule séance dans la journée, on leur permet d'aller en classe et quand elles ont des devoirs à faire, nous gérons du mieux qu'on peut. En plus, on les a mises ensemble, un peu à l'écart du groupe, dans une chambre pour qu'elles puissent travailler sans être distraites par les autres. Elles sont 3. Deux au moyen et une à l'université. Il ne faut pas que le football, du fait des longs regroupements, nuise à leurs études, comme cela a été le cas pour plusieurs d'entre elles. C'est la même chose qui se passait chez les U18 et les U20. Il y avait un partenariat avec le lycée de Yène pour que les filles puissent continuer leurs études là-bas. Mais là, nous avons trouvé des mécanismes avec les écoles pour que les filles puissent recevoir leurs cours en ligne et quand c'est nécessaire, qu'elles se déplacent. À l'image de Khémesse qui n'est pas là ce jeudi matin ; elle est partie, depuis hier, à Mbour, pour faire ses cours et revenir dans l'après-midi. Et c'est à nous de la gérer par rapport à la fatigue. Mais elle est encore jeune ; c'est la capitaine des U17. Nous tenons donc à ce que nos filles continuent leurs études, car le football est très aléatoire et toutes ne pourront pas y réussir.

Une question plus personnelle, maintenant. En tant qu'homme et père de famille, comment vous y pensez-vous pour entrainer des filles ?

En tant que coach des filles, ce n'est pas facile ; mais c'est lié à la nature de la fonction. Pour moi, c'est un honneur d'avoir une responsabilité comme celle que j'aie. Ce n'est pas donné à tout le monde. Il y en a qui ont été entraineurs durant toute leur vie et qui n'ont pas eu ce privilège. Ça demande des sacrifices, mais j'ai une épouse et des enfants qui me comprennent. C'est pourquoi, quand je rentre à la maison, je ne sors pas ; je reste avec la famille. Mes filles comprennent que leur papa a une mission très importante. Parfois, je les amène ici pour qu'elles regardent ce qu'on fait. J'ai passé beaucoup de fêtes loin de ma famille, mais comme quelqu'un disait : " L'équipe nationale n'est pas ce qu'on fait parce qu'on n'a rien à faire, c'est ce qu'on fait quand on a tout laissé ". Ça demande beaucoup de sacrifices mais quand les résultats suivent, on oublie tout. Certains pensent à l'argent, mais le fait d'être reconnu par ses pairs est beaucoup plus important. Il n'y a pas si longtemps, on ne parlait pratiquement pas de football féminin ; mais aujourd'hui, partout où nous allons, les gens nous arrêtent. Il y a une reconnaissance par rapport à quelque chose. Et cela, rien ne peut le payer et c'est ce qui fait qu'on oublie tous les efforts qu'on a faits pour dire au moins que cela a abouti à quelque chose ".

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Un regroupement long et dur qui a construit " une autre famille "

Au Centre d'Excellence Caf Youssoupha Ndiaye de Guéréo, sur la Petite Côte, l'équipe nationale féminine de football prépare activement les barrages qualificatifs à la Coupe du monde Dames prévus en février, en Nouvelle-Zélande. Le coach Pape Moussa Cissé et son staff technique et médical regroupent sur les lieux 26 filles depuis trois mois et demi. Et selon le technicien, c'est dans la continuité d'un premier stage fermé, en 2020, qui avait duré 6 mois. Un regroupement long et dur, puisqu'ayant coïncidé avec la période chaude de la Covid-19. Mais, c'était nécessaire, d'après Mame Moussa Cissé. Parce que, d'une part, étant alors toutes vaccinées, elles ne pouvaient être lâchées dans la nature au risque de contracter le virus. Et parce que, d'autre part, avec des niveaux de préparation, d'entrainement et de compétitivité différents en fonction de leurs clubs d'origine, il fallait les avoir sous la main le plus longtemps possible pour gommer les disparités.

Un choix qui s'est finalement révélé payant. " Cela nous a permis, dans un premier temps, de jouer et de gagner le tournoi de l'Ufoa en 2020 en Sierra Leone et d'avoir une équipe très compétitive qui s'est qualifiée, 10 ans après la Guinée équatoriale, à la Coupe d'Afrique, disputée au Maroc ", précise Mame Moussa Cissé. Avec, à la clé, une place de quart-de-finaliste et un rang de barragiste donc, le mois prochain à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Outre ce résultat positif, ce long regroupement " dans des conditions idéales de préparation, avec un terrain de bonne qualité et de bonnes conditions de récupération " a également permis aux joueuses " de mieux nous connaître, de mieux nous accepter les unes les autres, en un mot de former une autre famille ", d'après le coach.

Version confirmée par l'ancien portier des " Lions ", Omar Diallo, préparateur des gardiennes de but. " En plus, avec Mame Moussa qui est un éducateur et un grand formateur, elles ont une figure paternelle qui veille sur tout le monde ".

Cette deuxième phase du regroupement aurait pu paraître beaucoup trop longue, vu que les deux matches amicaux prévus à domicile face au Cameroun n'ont pas pu se tenir. Mais il en faut bien plus pour démotiver les " Lionnes ". Elles ont à leur agenda deux grandes compétitions : le tournoi de l'Ufoa du 20 au 30 janvier au Cap-Vert et juste après les barrages du Mondial Dames. Pour le déplacement en Nouvelle-Zélande, il est prévu 15 jours avant le match contre Haïti (le 18 février). Il s'agira de régler le problème de la fatigue liée au long trajet (9 heures pour rallier Dubaï et de là-bas 12 heures pour arriver à Auckland), s'adapter par rapport au décalage horaire (+ 12 heures par rapport à Dakar) et en profiter pour jouer deux matches amicaux.

Après quoi, les filles devraient être d'attaque pour jouer les deux rencontres qu'elles espèrent bien disputer aux antipodes : contre Haïti (le 18 février) et en cas de victoire face au Chili (le 21) pour une place en finale. " Vous vous rendez compte que nos filles sont à deux matches d'une Coupe du monde ! ", s'extasie Omar Diallo. " Elles sont sur le point d'écrire l'Histoire. Un peu comme notre génération qui avait qualifié le Sénégal à sa première Coupe du monde en 2002, même si nous n'avions rien gagné ". Selon lui et Mame Moussa Cissé, ces " Lionnes " ont déjà remporté le match de la reconnaissance. " Tout le monde sait que le football féminin est devenu une réalité. Les footballeuses ont gagné le respect de leurs compatriotes et de plus en plus de parents acceptent que leurs filles tapent dans un ballon ", soutiennent-ils.

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Trois générations de joueuses réunies sous un même toit

Gérer le présent en pensant au futur ! C'est quelque part la philosophie de Mame Moussa Cissé, l'entraineur de l'équipe nationale de football féminin. Actuellement en regroupement avec ses filles au Centre d'Excellence Caf Youssoupha Ndiaye de Guéréo, il a sous la main un effectif dont la base est constituée de joueuses ayant disputé la dernière Can (du 3 au 23 juillet 2022 au Maroc). Une équipe qui avait été jusqu'en quarts de finale (éliminée aux tirs au but par la Zambie) mais qui s'est qualifiée aux barrages de la Coupe du monde aux dépens de la Tunisie. Et pour accompagner ces " anciennes ", 3 joueuses qui étaient avec les U17 et 6 ou 7 qui étaient avec les U20. " C'est notre politique de renouvellement des effectifs. Il y a des joueuses qui commencent à prendre de l'âge, mais il n'est pas question de les écarter. On a juste appelé ces jeunes pour leur permettre d'intégrer le groupe et de travailler dans les mêmes conditions que les autres ", selon l'entraineur national.

Une façon, d'après Mame Moussa Cissé, de " travailler pour le présent en direction des éliminatoires de la Coupe du monde, et d'avoir une équipe compétitive pendant les 3, 4, 5 prochaines années ". Si bien qu'aujourd'hui, " sa " Tanière regroupe 3 générations de footballeuses. Ce qui, de son propre aveu, empêche que la mayonnaise prenne rapidement. Mais, rien de vraiment rédhibitoire. " Quand on aura travaillé sur les automatismes, on aura une équipe compétitive maintenant et dans le futur ", assure-t-il. Car, d'après le coach, s'il y a quelques soucis, " c'est au niveau du comportement du fait que certaines filles n'ont pas l'habitude d'être en regroupement aussi longtemps ".

Sinon, du point de vue du talent et des capacités, il assure avoir à disposition des filles " capables de rivaliser avec n'importe quelle équipe ". Lui qui est dans l'entourage immédiat des " Lionnes " depuis 2013, est bien placé pour savoir que le temps où il était très difficile de remplacer une titulaire indisponible est révolu. Les 26 qu'il a sous la main ont le potentiel et bien d'autres qui évoluent au plan local, à plus forte raison en Europe dont certaines étaient déjà là en 2012, et même des binationales (dont une certaine Aminata Bâ qui joue en France qui est passée le voir lors des vacances de Noël) et même aux Etats-Unis pourraient plus tard venir étoffer l'effectif.

Pour l'heure, Mame Moussa Cissé ne veut pas " casser la dynamique " et est décidé à travailler dans la durée avec les joueuses qu'il a sous la main, avec l'espoir d'en voir qui iront monnayer leurs talents ailleurs. " Car, on voit de plus en plus nos filles devenir pros ". Il fera tout pour que cela dure.

Soukèye Cissé, adjointe de l'entraineur

" Il est plus facile de travailler en équipe nationale qu'en club, mais il y a plus de pression "

Ancienne joueuse de Médiour de Rufisque et actuelle coach de l'Union sportive des Parcelles assainies (Uspa), Soukèye Cissé est l'adjointe de l'entraineur national des " Lionnes " du football, Mame Moussa Cissé. À ce triple titre, elle est suffisamment outillée pour oser quelques comparaisons. Selon elle, " il est plus facile de travailler en équipe nationale qu'en club. Parce qu'ici, on a la chance d'être dans de très bonnes conditions de préparation et d'avoir les joueuses à disposition tout le temps avec donc la possibilité de travailler avec elles matin et soir. Ce qui n'est pas le cas en club ". Ce qui ne signifie toutefois pas, d'après l'ancienne défenseure centrale devenue attaquante de pointe en fin de carrière, que la pression y est moins forte. " Au contraire. Car, si en club, c'est un seul quartier voire une seule ville qui attend de vous des résultats, en sélection nationale, c'est tout un pays ".

Mais depuis bientôt 2 ans qu'elle seconde Mame Moussa Cissé et après des débuts relativement difficiles, Soukèye Cissé a appris à gérer le stress et la pression. Surtout qu'en plus, il lui fallait concilier ses tâches de coach et ses responsabilités de femme mariée. " Heureusement que j'ai un mari compréhensif qui me soutient beaucoup ", soutient celle pour qui le football a toujours été une passion. Elle a également eu la chance d'avoir une mère ancienne basketteuse et un papa ancien footballeur et entraineur et d'avoir grandi " dans un milieu où mes frères ne parlaient que de football ". Seule fille de la famille et ayant grandi dans une caserne militaire, Soukèye Cissé révèle qu'elle ne sortait que pour aller à l'école ou pour jouer au football devant la maison. Et à partir du moment où elle avait de bonnes notes à l'école, ses parents qui étaient ses premiers " avocats " face aux reproches du voisinage ne la privaient guère de s'adonner à son activité favorite. Son papa l'accompagnait même parfois aux entrainements et, au besoin, lui refilait des conseils.

Professeur d'Eps dans un lycée de Keur Massar, Soukèye Cissé ne regrette pas d'avoir tracé le chemin qui lui plaisait. Avec son mentor Mame Moussa Cissé, elle estime être à la tête d'une " équipe soudée et motivée, qui croit en ses capacités de réussir quelque chose de grand ". Il ne fait aucun doute dans sa tête que les " Lionnes ", " ses " filles, peuvent bien se comporter aux barrages et se qualifier à la Coupe du monde 2023 de football.

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Et pourquoi pas une Can féminine au Sénégal ?

Dix ans après la Guinée équatoriale d'où il était revenu avec 0 point, le Sénégal a renoué, en 2022, avec la Can féminine de football. Et cette fois, les " Lionnes " qui étaient parties pour " redécouvrir la compétition " ont fait nettement plus en se hissant en quarts de finale et en se qualifiant pour les barrages qui donnent sur la prochaine Coupe du monde en Nouvelle-Zélande. Pour l'entraineur national, Mame Moussa Cissé, l'objectif principal, le mois prochain, à Auckland, sera de se donner les moyens de rester en contact avec l'Afrique et de se projeter vers la prochaine Can. Et à celle-ci, il s'agira de confirmer la bonne prestation de la précédente. Après quoi, " demander l'organisation de la suivante au Sénégal pour se donner plus de chances de la remporter ", selon le coach des " Lionnes ".

Pour lui, actuellement qu'on parle d'accueillir la Can des garçons, " ce sera beaucoup plus facile d'organiser celle des filles ". Tel est le sens du processus de détection et de formation qu'il a mis sur 4 ans : donner à ses protégées l'opportunité de jouer 3 voire 4 Can, pour faire disparaître le " problème émotionnel " qui les avait handicapées en juillet au Maroc ; et se mettre en situation de s'imposer à domicile. Car, d'après Mame Moussa Cissé, on a trop tôt voulu faire porter des responsabilités à certaines de ses joueuses. " Or, les Safiétou Sagna et Awa Diakhaté sont encore jeunes ; elles n'ont que 24 ans et viennent à peine d'intégrer des clubs en France ". À titre de comparaison, il rappelle même que les Sadio Mané et Gana Guèye ont capitalisé plusieurs Can avant d'arriver à ce niveau et d'avoir le statut qui est le leur en équipe nationale A. " On est encore dans en phase d'apprentissage et si l'on joue de grandes compétitions rapprochées, l'équipe va grandir ". Et sera suffisamment mûre pour s'imposer à domicile si l'occasion lui est donnée d'accueillir la Can sur ses terres.

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Oumar Diallo, préparateur des gardiennes de but

" J'étais un peu traumatisé quand j'ai débarqué ici "

Lorsqu'il a débarqué dans la Tanière des " Lionnes " du football juste avant la dernière Can en 2022, Oumar Diallo avoue qu'il était " un peu traumatisé, dépaysé ". Lui, le portier de l'équipe nationale lors de la Can 2000 au Nigeria et doublure de Tony Sylva à la Can suivante en 2002 au Mali et en 2004 en Tunisie comme lors de la première participation du Sénégal au Mondial, en Corée du Sud et au Japon (2002), n'avait jusqu'alors été préparateur que de gardiens de but. À l'institut Diambars, avec l'équipe nationale locale sous Moustapha Seck, puis chez les U23 avec feu Joseph Koto. Jamais préparateur de gardiennes de but.

Lorsque, donc, il a pris le relais de Gaspard Gomis, blessé, il n'a cependant pas tardé à s'adapter. " En tant que sportif, et en bon professionnel, je me suis très vite mis dans le bain. Il m'arrive même de dire " il " en parlant d'une fille, tant je ne fais plus attention au genre ", témoigne Oumar Diallo. Sauf, peut-être, lors de la dernière ... Tabaski qui a trouvé l'équipe au Maroc, lors de la Can où les " Lionnes " avaient été jusqu'en quarts de finale. " Là, plaisante-t-il, elles s'étaient comportées en vraies femmes pour cuisiner et bien fêter l'évènement ".

" Sinon, c'est la même technique, le même but, le même football ; même s'il y a une différence dans l'intensité, la vitesse et la charge ", selon l'ancien portier de Khouribga (Maroc). Avec quatre gardiennes de but sous ses ordres au Centre d'Excellence Caf Youssoupha Ndiaye de Guéréo sur la Petite Côte où l'équipe prépare les barrages qualificatifs à la Coupe du monde " Nouvelle-Zélande - Australie 2023 ", Oumar Diallo loue " l'implication, la discipline et le goût du travail bien fait " de ses protégées et, plus généralement, de l'ensemble des 26 filles en regroupement. " Certes, il y a de rares fois quelques caprices de filles, surtout après le choix de celles qui vont jouer, mais au plan du comportement, il n'y a rien à relever ", ajoute-t-il.

Pour Oumar Diallo, la belle ambiance en regroupement est propice au travail de qualité. Et il ne doute pas que " si les filles restent sur leur lancée de la Can 2023, elles peuvent s'illustrer aux barrages et se qualifier pour la Coupe du monde ".

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