Ile Maurice: Économie - Perspectives 2023

Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, constate un "feel-good factor" dans le pays. Il en a fait part dans son message de fin d'année. Ressentez-vous ce sentiment de bien-être ?

Si le Premier ministre le dit, ça doit être vrai. Je pense à ce fameux humoriste français, Louis de Funès, qui, dans un de ses sketchs, affirmait exactement ceci, par rapport à un de ses personnages : s'il affirme un fait, c'est sûrement vrai. Cela dit, s'il y a un feel-good factor, nous devons tous éviter de sombrer dans l'euphorie du temps présent. La tentation du court terme nous guette tous.

Il y a le Mauricien tout court, ragaillardi par les espèces sonnantes et trébuchantes provenant de son boni de fin d'année, qui préfère ne pas penser à la fin de janvier. Tout comme le business- man qui court après les quick-wins et le rehaussement de la valeur de ses actions à la Bourse, sans se soucier si son entre- prise a un avenir prometteur. Et le politicien qui distribue des prébendes aux chers électeurs, qu'importe si la dette publique enfle. Le moyen et le long terme, on verra cela plus tard !

Le pays aborde 2023 avec les risques d'une nouvelle récession dans la zone euro et au Royaume-Uni, doublés d'un ralentissement économique aux États-Unis. Les institutions financières internationales et des économistes indépendants ont déjà tiré la sonnette d'alarme. Estimez-vous que l'économie mauricienne est suffisamment immunisée contre les effets négatifs d'une nouvelle récession ?

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Par définition, Maurice n'est pas immunisé contre les méfaits d'une récession mondiale. La stagflation des années 70 nous guette, c'est-à-dire, un ralentissement de l'activité économique (stagnation), accompagnée d'une hausse des prix (inflation). Celle-ci est largement due à la désorganisation de l'acheminement des marchandises à travers les océans, à la suite du Covid ; celle-là prend sa source dans un ralentissement de la croissance qui s'annonce aux États-Unis et dans des pays européens. Nos industries d'exportation sont ainsi exposées à une baisse de la demande pour leurs marchandises et/ou leurs services.

D'une manière plus générale, quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels l'économie est confrontée aujourd'hui ?

La population mauricienne, dans son ensemble, doit relever deux types de défis dans la conjoncture présente. Le premier est celui d'un réveil par rapport aux effets du Covid, lesquels sont malheureusement prolongés par les conséquences du conflit russo-ukrainien. Dans son ensemble, la population a, depuis 40 ans, pris l'habitude d'une croissance économique annuelle, de sorte que le gâteau à partager grossissait ainsi que la part de chacun. Le Covid a brutalement arrêté ce processus. Il nous revient donc de le relancer en nous mettant sérieusement au travail, ce qui, en termes économiques, signifie accroître notre productivité : celle des pouvoirs politiques à travers une gouvernance efficace ; celle des entreprises à travers un déploiement rationnel de leurs ressources managériales et financières ; et enfin celle de la population, dans son ensemble, à travers un réel effort de se ressaisir au travail, au lieu de se plaindre et de mendier l'aide des pouvoirs publics.

Le deuxième défi découle du premier, c'est celui de la mise en œuvre de toutes nos ressources naturelles. Vous l'avez deviné, il s'agit de l'exploitation rationnelle des millions de kilomètres carrés maritimes, mis à notre disposition par les Nations unies. Vivement que l'économie bleue soit enfin une réalité, et non pas seulement une ligne ajoutée à nos secteurs d'activités dans le tableau compilé par Statistics Mauritius, lequel révèle d'ailleurs l'insignifiance de ce secteur dans notre pays. Et que, parallèlement, dans ce même tableau, le secteur agricole, dans son ensemble, prenne une courbe ascendante, pour diminuer, de manière significative, la dépendance de notre pays des produits importés pour l'alimentation locale, des touristes, des riches étrangers ayant choisi de jouir de leur retraite chez nous et des travailleurs venus y gagner leur vie.

Officiellement, le pays est à moins de deux ans de la prochaine échéance électorale. Ne pensez-vous que la tentation pourrait être forte chez nos dirigeants de reléguer l'économie au second plan au profit de mesures sociales fortement électoralistes pour amadouer la population et gagner sa confiance ?

J'ai, en fait, déjà répondu à votre question ci-dessus, lorsque j'ai évoqué les dangers de succomber à la tentation du court terme pour récolter des gains immédiats, aux dépens de bénéfices solides et durables dans le moyen et le long terme. Ce type de tentations ne concerne pas seulement les hommes politiques. S'il est vrai qu'ils peuvent être tentés par la célèbre exclamation de Louis XIV, "après moi, le déluge", il faut aussi rappeler l'attitude des électeurs qui ne recherchent que leurs gains immédiats et personnels lorsqu'ils inscrivent leurs votes, sans tenir compte des possibles conséquences négatives à moyen et long termes. Ce n'est jamais facile de choisir entre Charybde et Scylla.

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