Cameroun: Assassinat du journaliste camerounais Martinez Zogo - Triple arrestation matinale

C'est vraiment ce qu'on appelle être cueilli au saut du lit.

En effet, hier lundi 6 février 2023, dès potron-minet, les fins limiers de la police et de la gendarmerie ont procédé à des arrestations dans le cadre de l'assassinat du journaliste camerounais, Martinez Zogo.

Une pêche au gros qui a permis de harponner trois personnes, et pas n'importe lesquelles, actuellement au frais dans les locaux du secrétariat d'Etat à la défense (SED).

Il s'agit de Jean-Pierre Amougou Belinga, Bruno Bidjang, et Raymond Thomas Etoundi Nsoe.

Pour ceux qui ne les connaîtraient pas, sachez que Jean-Pierre Amougou Belinga est un influent homme d'affaires qui trône à la tête de plusieurs groupes d'entreprises dans les secteurs de la banque, des finances, des assurances, de l'immobilier, de l'enseignement supérieur privé et des médias.

Anciennement journaliste dans les années 90, très proche des sommités de l'Etat, son nom est régulièrement cité comme le ou l'un des commanditaires du meurtre de Martinez Zogo.

Directeur général de la chaîne de média Belinga, Bruno Bidjang est réputé être l'homme de confiance pour ne pas dire l'homme de main de Belinga.

Quant à Raymond Thomas Etoundi Nsoe, ancien commandant de la garde présidentielle, colonel à la retraite, il est le beau-père de Jean-Pierre Amougou Belinga.

L'on assiste donc à un tournant majeur dans les investigations sur la mort tragique de Martinez Zogo, directeur général de la radio privée " Amplitude ". Animateur vedette de l'émission " Embouteillage, il était connu pour ses dénonciations sans concession des faits de corruption et d'affairisme au Cameroun.

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Enlevé le 17 janvier dernier, Arsène Salomon Mbaini Zogo, de son vrai nom, a été retrouvé mort cinq jours après, le cadavre mutilé et jeté en état de décomposition. Les importantes traces de sévices sur son corps témoignent des graves tortures qu'il a subies.

Un drame qui rappelle aux Burkinabè le martyre du directeur de publication de " L'Indépendant ", Norbert Zongo, assassiné puis réduit en cendre dans son véhicule le 13 décembre 1998.

Alors que le " dossier Norbert Zongo " peine à connaître une issue judiciaire vingt-cinq ans après la commission des faits, celui de Martinez Zogo semble connaître un bien autre sort avec cette triple interpellation de suspects moins d'un mois après le meurtre.

On ne peut donc que se féliciter de cette célérité dans le traitement de l'affaire, même si les personnes arrêtées restent jusque-là de présumés coupables.

Toutefois la question qui mérite d'être posée est de savoir si la bande à Belinga constitue le vrai cerveau de cet odieux crime ou tout simplement elle n'est que le maillon faible d'une chaîne criminelle qu'il faut sacrifier pour sauver de prestigieuses têtes.

Quoi qu'il en soit, il faut que toute la lumière soit faite afin que tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin dans cette affaire répondent de leurs actes.

Ce sera le pas décisif vers la création de conditions à la liberté de presse sans laquelle toutes les autres libertés sont vaines.

En tout état de cause, le sort réservé à Martinez Zogo est symptomatique d'un environnement sociopolitique favorable à une telle atrocité innommable qui sonne comme un message adressé à tous ceux qui empêchent de détourner en rond.

Dans ce pays de Paul Biya, véritable " démocrature ", où le roi fainéant nourrit des velléités de succession dynastiques au profit de son fils Franck et encouragé en cela par une cour de dévots accrochés à des privilèges indus, émettre une voix dissidente relève de la gageure.

Rien d'étonnant donc que le Cameroun soit l'un des pays les plus dangereux pour l'exercice du métier de journaliste.

En atteste l'enlèvement par des inconnus puis la découverte le 3 février dernier du corps sans vie du journaliste le Révèrent Père Jean-Jacques Ola Bébé. Il s'était lui aussi fait connaître par ses critiques acerbes contre la mal gouvernance au sommet de l'Etat.

Bien avant cela, c'est le journaliste anglophone, Samuel Wazizi, qui a trouvé la mort dans des circonstances non élucidées après dix mois de détention.

Espérons que le peuple camerounais saura faire preuve de solidarité avec les journalistes déterminés à engager des actions afin que l'assassinat de Martinez Zogo soit le crime de trop.

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