Maroc: Abdellatif Jouahri - Les conditions monétaires demeurent accommodantes

Le wali de Bank Al-Maghrib au symposium du CDS sur "L'investissement et le rôle de l'Etat territorial"

L'économie nationale est désormais appelée à évoluer dans un contexte international difficile et incertain, a déclaré le wali de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri, constatant que l'espoir nourri au lendemain de la crise pandémique s'est rapidement dissipé après le rebond enregistré en 2021.

A l'échelle mondiale, " le décalage entre les rythmes de reprise de la demande après la levée des restrictions sanitaires et de l'offre, ainsi que les difficultés logistiques se sont traduits par des perturbations des chaînes d'approvisionnement et une flambée des prix ", a-t-il fait remarquer lors du symposium organisé par le Conseil du développement et de la solidarité (CDS) qui s'est tenu récemment sur le thème " L'investissement et le rôle de l'Etat territorial ".

L'inflation, qui s'est rapidement accélérée pour atteindre des niveaux jamais enregistrés depuis des décennies, " s'est avérée plus forte et plus durable qu'initialement prévu, amenant les Banques centrales à entamer un mouvement de resserrements monétaires rapides et qui furent largement synchronisés ", a poursuivi Abdellatif Jouahri dans une allocution prononcée à cette occasion.

Au regard de l'accélération de l'inflation, la Banque a augmenté son taux directeur à deux reprises depuis septembre dernier

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Durcissement des conditions de financement, sortie de capitaux de certains pays émergents, montée des risques pesant sur la stabilité financière et affaiblissement sensible de l'activité économique et de ses perspectives se trouvent parmi les conséquences les plus importantes qu'il énumérera.

Même si l'inflation baisse aujourd'hui et les prémices d'un retournement apparaissent, " les risques demeurent toutefois élevés en lien avec l'enlisement et un éventuel élargissement du conflit en Ukraine, ainsi que la persistance des niveaux élevés de l'inflation ", a prévenu le wali de Bank Al-Maghrib.

Selon son analyse, " les resserrements monétaires décélèrent certes, mais devraient se poursuivre et en conséquence les taux d'intérêt resteraient encore élevés. A cela s'ajoutent les séquelles des crises successives dont notamment l'amenuisement des marges budgétaires des gouvernements et la forte aggravation de l'endettement tant public que privé. "

Rappelant qu'au niveau national, au regard de l'accélération de l'inflation, la Banque centrale a procédé ces derniers mois à l'augmentation à deux reprises de son taux directeur depuis septembre dernier.

Il s'agit certes d'actions de resserrement, "mais il faudrait souligner que les conditions monétaires restent largement accommodantes. Avec un taux directeur à 2,5% à fin 2022 et une inflation à 6,6% en moyenne sur l'année, les taux d'intérêt ressortent négatifs en termes réels ", a soutenu Abdellatif Jouahri affirmant que BAM assure un suivi étroit à travers un ensemble d'enquêtes et de reportings réguliers, mais aussi un dialogue permanent avec le système bancaire. Question de veiller à une meilleure transmission des décisions de cette institution publique.

Dans le même objectif, la Banque centrale suit " les conditions de crédit à travers deux reportings trimestriels, l'un sur les taux débiteurs, l'autre sur les conditions d'offre et l'évolution de la demande ", a-t-il expliqué. Et d'ajouter qu'elle veille à une concurrence saine entre les banques et a instauré de nombreuses directives dans ce sens, portant, en particulier, sur la mobilité et la mainlevée.

Au cours de son intervention, le wali de Bank Al-Maghrib a également annoncé que la Banque est en train de finaliser avec le GPBM (Groupement professionnel des banques du Maroc) un comparateur des conditions tarifaires pour davantage de transparence, expliquant que l'institution essaie à travers toutes ces actions de pousser vers un changement de culture pour que la banque finance plutôt le projet que la personne.

Ce travail est cependant loin d'être facile, car les difficultés sont nombreuses. Elles sont " liées notamment à l'insuffisance de la transparence financière et à la qualité de l'entrepreneuriat en particulier pour les TPE, mais aussi à la complexité des procédures judiciaires et aux délais de recouvrement des créances ", a-t-il fait savoir.

L'occasion de rappeler que le taux de ces créances qui sont en souffrance a atteint à fin décembre 8,4% globalement et 11,7% pour les entreprises privées, sachant qu'il était à des niveaux inférieurs à 5% en 2011.

Ayant opté pour une démarche basée sur la gradualité, la souplesse, la concertation et l'étude d'impact, la Banque travaille à transposer les resserrements réglementaires et prudentiels auxquels font face les systèmes financiers notamment bancaires à travers le monde depuis la crise financière de 2008.

C'est dans cette même optique que l'institution œuvre pour le rapprochement banques/entreprises pour une meilleure compréhension des positions mutuelles.

Abdellatif Jouahri rappelle à ce titre que la Banque a pris l'initiative d'organiser une première réunion tripartite BAM-CGEM-GPBM en 2016 et une deuxième tenue en 2019.

Comme il l'a souligné, la première a débouché sur plusieurs engagements des parties prenantes et un mémorandum adressé au chef du gouvernement, tandis que la deuxième a permis de dresser le bilan des actions engagées et d'examiner de nouvelles mesures pour améliorer le financement des entreprises.

Ajoutons que la Banque centrale a également réuni l'année dernière le GPBM avec la Commission des finances et du développement économique au sein de la Chambre des représentants, puis avec la même Commission relevant de la Chambre des conseillers pour un dialogue qui s'est avéré encore difficile mais de moins en moins conflictuel.

Avant de conclure sur ces points que Bank Al-Maghrib " contribue à l'élaboration et à la mise en œuvre des réformes visant l'approfondissement du système financier et l'amélioration de l'environnement des affaires ".

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