Maroc: Le gouvernement daigne enfin avouer la flambée des prix

Des justifications à l' eau de rose

"Mobiliser les différents départements pour renforcer le contrôle du marché; procéder à des visites de terrain afin de "suivre de près" les différentes chaînes de production et de commercialisation; mobiliser les comités de suivi régionaux ainsi que la Commission interministérielle chargée du contrôle, du suivi des prix et de la situation d'approvisionnement du marché national", c'est ce qui ressort du dernier Conseil de gouvernement, pour lutter contre la hausse des prix des produits alimentaires. Selon le chef de l'Exécutif, il est temps "d'accroître la mobilisation et la vigilance pour faire face à la flambée des prix". Toutefois, le communiqué de presse du gouvernement relatif à cette réunion ne révèle pas tout et passe sous silence certains aspects ou vérités qui dérangent ou qui sont jugés inutiles.

Causes

D'abord, concernant les causes de cette flambée des prix. Pour le chef de l'Exécutif, elle est due aux facteurs météorologiques, "essentiellement la vague de froid que connaît notre pays" et aux effets du contexte international marqué par la guerre en mer Noire. Et qu'en est-il des causes internes notamment la spéculation ? Pourquoi Akhannouch n'ose-t-il pas parler de fraude, de monopolisation, de spéculation ou de manipulation des prix ? Comment explique-t-il que le prix des tomates, à titre d'exemple, passe de 1,60 DH à sa sortie des fermes et atteint 15 DH dans les marchés ? Pourquoi n'a-t-il pas le courage de déclarer que cette situation est due à la déficience des mécanismes de contrôle et à la faillite de la loi n° 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence et qu'aujourd'hui, aucune instance ne contrôle l'évolution des prix ou la qualité des produits ?

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Timing

Ensuite, au niveau du timing. En effet, nombreux sont ceux qui se demandent pourquoi le gouvernement a observé le silence tout ce temps là alors que la flambée des prix ne date pas d'hier et remonte aux mois suivant le déclenchement de la guerre en mer Noire. En effet, et de l'aveu du ministère de l'Intérieur, datant de mai 2022, le nombre des visites effectuées par les commissions de contrôle des prix a augmenté de 80% au cours des cinq derniers mois, marquées par une hausse des prix de plusieurs produits. A noter que le nombre d'affaires renvoyées devant les tribunaux a aussi augmenté de 70%. Pourquoi donc fallait-il attendre cette période qui précède le mois de Ramadan pour se mobiliser et pourquoi le gouvernement rend les contrôles des prix une activité occasionnelle et réactive ?

Efficacité

Autres questions et non des moindres, faut-il s'attendre à grand-chose des visites de terrain et de la mobilisation des comités de suivi régionaux et de la Commission interministérielle chargée du contrôle, du suivi des prix et de la situation d'approvisionnement du marché national ? En effet, ces instances sont déjà mobilisées mais leur effet laisse à désirer vu la faiblesse de leur marge de manœuvre et leur incapacité à couvrir l'ensemble du territoire national. Leur travail consiste souvent à identifier des contraventions relatives aux prix et à la qualité qui font l'objet de procès-verbaux soumis, par la suite, aux tribunaux compétents. A souligner que la fixation des prix des produits ne relève pas de leur compétence.

Même le Conseil de la concurrence semble incapable de changer le cours de l'évolution vertigineuse des prix. Il se contente souvent de rappeler à qui veut l'entendre que les prix des biens, produits et services sont déterminés par les mécanismes de la libre concurrence, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, et ce conformément à l'article 2 de la loi n° 104.12 sur la liberté des prix et la concurrence. Et ajoute que "tous les accords, alliances explicites ou implicites, ou directives destinés à influencer la formation des prix, soit en les augmentant ou en les baissant, sont interdits, et ce sous quelque forme que ce soit, notamment par le biais d'une fixation conjointe de prix de gros ou de détail, d'échange d'informations ou de coordination concernant le niveau et la proportion de leur hausse ou de leur baisse, ou à travers la détermination du niveau de la marge bénéficiaire applicable, de la composition des prix, de la fixation d'un prix de référence ou une structure de prix de référence unifiés entre un groupe d'acteurs, ou la pratique du stockage clandestin, à leur initiative ou sous le contrôle de leur association professionnelle ou syndicale". Des propos qui tombent souvent dans les oreilles d'un sourd comme en attestent les prix pratiqués dans les marchés.

Réalité

La réalité au Maroc, comme l'indiquent plusieurs économistes, est que la liberté des prix et de la concurrence se fait à l'opposé des règles de l'art. D'autant que le contrôle des instances de tutelle reste insuffisant faute de moyens et d'agents censés faire les contrôles. Sans parler des associations chargées de défendre les consommateurs qui ont les mains liées et leur marge de manœuvre est fortement étroite vu les contraintes juridiques et financières qui planent sur leur travail. Bref, le marché national reste non structuré selon les règles de l'offre et de la demande et manque de transparence des prix. Il est souvent dominé par les spéculateurs et les rentiers.

Les prix des viandes rouges commenceront à baisser progressivement avant Ramadan

Parole de ministre

Le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohammed Sadiki, a affirmé, vendredi à Rabat, que la hausse des prix des viandes rouges, enregistrée récemment, est "passagère" et les prix commenceront à baisser progressivement avant le mois de Ramadan.

Les prix des viandes rouges ont connu une hausse causée par des perturbations de la chaîne de viandes, induites par les effets de la pandémie et la sécheresse, ce qui a impacté l'approvisionnement des marchés en quantités suffisantes et, du coup, provoqué la hausse des prix, a expliqué M. Sadiki dans une déclaration à la presse à l'occasion d'une réunion tenue avec la Fédération interprofessionnelle des viandes rouges (FIVIAR).

A cet égard, le ministre a assuré que les prix devraient se stabiliser pour retrouver leurs niveaux d'avant crise, soulignant que le gouvernement a pris des mesures importantes pour faire baisser les prix, dont la suppression des taxes de douanes, la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ainsi que l'encouragement de la procédure d'importation des bovins destinés à l'abattage de l'Europe et de l'Amérique latine.

Il a, en outre, fait savoir que l'importation des bovins destinés à l'abattage permettrait de préserver les bovins du pays pour rééquilibrer la chaîne du cheptel national et garantir ainsi le retour des prix à leur niveau normal. Le ministre a également relevé que les importations de bovins a commencé depuis 3 jours, notant que les prix commencent à baisser d'environ 3 à 5 dirhams depuis ces derniers jours, notamment sur les marchés de Casablanca.

Cette baisse se poursuivra jusqu'à ce que les prix retrouvent leur niveau, a-t-il fait remarquer, ajoutant que le but de la réunion avec la FIVIAR est de mettre en œuvre ces mesures prises par le gouvernement, en vue de rééquilibrer cette chaîne, dans laquelle nous avons atteint l'auto-suffisance.

Pour sa part, le président de la FIVIAR, M'hammed Karimine, a fait savoir que le Plan Maroc Vert (PMV) a permis de garantir l'auto-suffisance en matière de production des viandes rouges. Ledit plan a aussi permis de passer d'une production de 450.000 tonnes par an à 606.000 tonnes annuellement, et ce grâce à un fort soutien de l'Etat dans l'amélioration de la race et de la productivité, ainsi que l'accompagnement des agriculteurs, a précisé M. Karimine. Et de poursuivre qu'actuellement, nous faisons face à un problème de hausse des prix, qui résulte de la succession de crises, notamment le Covid-19 et les effets des conflits géopolitiques, ayant entraîné la hausse des prix du fourrage entrant dans la production de viandes rouges.

Pour remédier à cette situation, M. Karimine a fait remarquer que le ministère a veillé au soutien des éleveurs et des agriculteurs, notant que la Fédération a accepté l'importation de bovins pour protéger le cheptel national et le pouvoir d'achat du citoyen.

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