Ile Maurice: Philippe Hao Thyn Voon, président du COM - "Le CIO est allergique aux lois sportives du pays"

12 Février 2023
interview

Le président du Comité olympique mauricien (COM), Philippe Hao Thyn Voon, revient, à travers l'interview qui suit, sur les nombreuses échéances sportives qui rythmeront l'année 2023. A propos des Jeux des îles de Madagascar, notre interlocuteur estime que la survie de cet événement quadriennal se jouera dans quelques mois. Il confie avoir rencontré ses homologues réunionnais pour décanter la situation et propose le dialogue pour régler le conflit entre la MFA et le ministère de l'Autonomisation de la jeunesse, des Sports et des Loisirs. Le cas du nageur Bradley Vincent et la démission d'Aline Li de la Fédération mauricienne de natation (FMN) est aussi abordé.

Quels sont les objectifs du Comité olympique mauricien pour 2023 ?

Comme c'est toujours le cas, nous avons un calendrier d'activités bien étoffé. Je vais citer quelques-uns à l'instar des Jeux de plage qui auront lieu en Tunisie en juin. C'est un rendez-vous important car elle servira de qualification pour les World Beach Games qu'abritera Bali deux mois après. Environ 200 pays sont attendus pour cet événement. Nous aurons aussi les Commonwealth Youth Games à Trinité et Tobago et, bien-sûr, les Jeux des îles. Vers juin ou juillet, la Fédération internationale de gymnastique organise une compétition de gymnastique rythmique sur notre sol. C'est un événement important pour nous car la FIG fera un important don d'équipements à Maurice.

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Qu'en est-il au niveau de l'administration ?

Nous avons approché le Comité international olympique afin de bénéficier d'un soutien dans l'organisation des administration courses. Des cours pour entraîneurs sont aussi à l'agenda et il y a déjà trois fédérations qui ont manifesté leur intérêt à y prendre part. Il ne faut pas oublier les JO de 2024. Les organisateurs accueilleront en juillet les chefs de mission au cours d'un atelier de travail. Aline Li et Hedley Han assisteront à ce séminaire.

Le Conseil international des Jeux effectuera une deuxième visite à Madagascar en avril après celle de décembre. Qu'espérez-vous voir là-bas cette fois ?

Dans l'immédiat, il est important de savoir que Maurice, les Seychelles et La Réunion ont tout récemment envoyé une lettre commune au Comité olympique malgache. Il y a une question très simple dans cette lettre : les Jeux auront-ils lieu oui ou non ? Nous avons accordé un délai de dix jours afin que les autorités malgaches puissent nous répondre. Cette lettre est motivée par le fait qu'il y a trop d'échos dans les médias concernant la capacité de Madagascar d'organiser les Jeux dans quelques mois. Comme toujours, je suis très inquiet. Toutes les conditions doivent être respectées pour accueillir nos athlètes. Je ne veux pas qu'il y ait le moindre souci au niveau de la santé ou de la sécurité une fois là-bas, par exemple.

Et si Madagascar offre toutes les garanties lorsque le délai expirera ?

Madagascar ne doit pas oublier qu'il y aura plus de 4 000 personnes à cet événement. Si nous nous y rendons en avril, je m'attends à voir tous les travaux concernant la construction et la rénovation des sites déjà bouclés. Le comité d'organisation devra aussi nous indiquer clairement où seront logées les différentes délégations. Le transport des athlètes, l'hygiène et la nourriture seront aussi les critères que devront satisfaire les organisateurs.

Des retards dans les travaux, cela ne date pas d'hier. Maurice avait aussi été à la traîne en 2019. Alors pourquoi le cas de Madagascar suscite-t-il autant d'inquiétude ?

Les Jeux des îles reposent sur la coopération entre le gouvernement et le Comité olympique. L'Etat finance et le Comité olympique s'occupe de l'aspect technique. Ce qui se passe à Madagascar, c'est que nous voyons le président du COM être en course à la présidentielle. Il va défier le président en place alors que Madagascar élira un nouveau gouvernement juste après les JIOI 2023. Ce sont des adversaires politiques et c'est normal que les Jeux en souffrent. Chacun aura quelque chose à gagner si les Jeux ont lieu ou pas.

Selon votre analyse, vous estimez que le gouvernement malgache, dirigé par Andry Rajoelina, cherche délibérément à boycotter les Jeux ?

Je ne vais pas m'aventurer jusque-là. Cela peut aller dans l'autre sens aussi. Le plus important, selon moi, c'est que le gouvernement et le Comité olympique malgache travaillent ensemble. Au cas contraire, ce sont les athlètes et les dirigeants qui en souffriront. Je vais vous dire quelque chose et cela peut paraître invraisemblable. Je me suis rendu à La Réunion la semaine dernière avec Hedley Han (Ndlr : secrétaire général du COM). Nous avons été reçus par les membres du Comité régional olympique et sportif (CROS). Les discussions ont bien évidemment tourné autour des JIOI et nous avons émis l'hypothèse que Maurice et La Réunion abritent chacun quatre disciplines pour les JIOI 2023. Les Seychelles pourront accueillir deux disciplines. Nous voulons à tout prix sauver les JIOI et cela pourra même passer par des Jeux éclatés. Mais je pense que cela signera surtout la fin des JIOI.

Pourquoi ne pas reporter l'événement tout simplement ?

Oui, cela a aussi été étudié. Mais notre Charte nous interdit d'organiser les Jeux durant une année olympique. Donc on peut déjà éliminer 2024. En 2025, il y aura un nouveau gouvernement à Madagascar. Est-ce qu'il aura l'envie ou l'intérêt d'organiser les Jeux ? Peut-être que sa politique sera d'accorder la priorité au développement économique ou à la santé.

Au niveau local, c'est surtout le conflit entre la Mauritius Football Association et le ministère de l'Autonomisation de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs - alimenté par la Sports Act 2016 - qui monopolise l'attention. Quelle lecture faites-vous de la situation ?

Je suis cette situation de très près. Me basant sur mon expérience, je dirai qu'il faut trouver un consensus avant tout. Les deux instances doivent reculer d'un pas et mettre leur ego de côté. Il n'y a qu'une clause dans la Sports Act 2016 qui bloque la situation. J'ai connu cette situation également. Devanand Ritoo était alors le ministre des Sports. A l'époque, une clause de la Sports Act stipulait qu'il revenait au ministère de reconnaître l'existence d'une fédération nouvellement créée et cela en dépit du fait que le COM et la Fédération internationale aient au préalable déjà donné leur avis. Nous n'avions pas lâché l'affaire et le CIO de même que l'ACNOA avaient dépêché leurs représentants pour s'enquérir de la situation. Pour en revenir au football, je ne pense pas que quelques-uns vont protester si le ministère accorde une dérogation à la MFA.

Le secrétaire général de la MFA a déclaré dans nos colonnes que la Charte olympique serait bafouée si la MFA se soumet à la Sports Act 2016. Quel est votre avis ?

Il a raison. C'est un fait que cette instance a toujours eu à cœur l'intérêt des fédérations sportives. Le CIO est allergique aux lois sportives du pays et cela ne concerne pas seulement Maurice. Beaucoup de gouvernements pensent que s'ils financent les fédérations, ils ont aussi le droit de les diriger. A moins qu'il y ait une malversation au niveau des finances, ils ne peuvent pas interférer.

Ces derniers mois, le COM a essuyé de nombreuses critiques pour la façon dont il a géré l'affaire Bradley Vincent. Dites-nous une fois pour toutes. Comptez-vous revoir la peine infligée au nageur ?

Les gens doivent savoir que c'est un comité disciplinaire qui a pris la décision de suspendre Bradley Vincent. A l'origine, cette instance avait préconisé cinq années de suspension. Au niveau du COM, nous avons alors pris la décision de réduire cette peine de deux ans. Plusieurs médias ont soutenu qu'il fallait réduire encore cette peine. A mon niveau j'ai dit que j'étais disposé à rencontrer le nageur. J'ai finalement reçu la visite d'un huissier pour une comparution en cour. Cette même cour a ensuite trouvé que Bradley Vincent a sauté une étape et qu'il aurait dû référer l'affaire au Tribunal arbitral du sport. Cette affaire suit son cours désormais et je ne peux pas revoir la peine du nageur tant que l'affaire n'est pas entendue.

C'est Aline Li (Ndlr : responsable de l'équipe féminine de Maurice au Jeux du Commonwealth) qui avait rapporté les faits. Elle a, depuis, démissionné de la Fédération mauricienne de natation mais a gardé son poste au COM...

Il n'est écrit nulle part qu'elle doit automatiquement démissionner du COM puisqu'elle ne fait partie d'aucune fédération. Il y a eu plusieurs exemples dans le passé à l'instar de Prem Jodha qui n'avait pas été élu au sein du comité directeur de la MFA et qui a pourtant complété son mandat au sein du COM.

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