Ile Maurice: Crime contre l'humanité envers les Chagossiens - Postures de trois gouvernements

17 Février 2023

Question de méthodologie. Avant de rendre publiques ses dénonciations de crime contre l'humanité commis par le Royaume-Uni et les ÉtatsUnis envers les Chagossiens, Human Rights Watch (HRW) a cherché des réponses auprès des trois gouvernements concernés: mauricien, britannique et américain.

Le 7 décembre 2022, HRW a envoyé un condensé des conclusions du rapport aux autorités. Ainsi qu'un questionnaire détaillé. Les réponses édifiantes sont en annexe du rapport intitulé That's when the nightmare started UK and US forced displacement of the Chagossians and ongoing colonial crimes. Elles en disent long sur la posture des uns et des autres alors que depuis novembre 2022, des négociations sont en cours entre Maurice et le Royaume-Uni au sujet de l'exercice de la souveraineté sur les Chagos.

C'est pas nous

Les Américains ont répondu un jour après les Britanniques, le 24 janvier 2023. Douze questions leur ont été adressées par HRW. Parmi : combien coûte annuellement la base de Diego Garcia au gouvernement américain ? Quelle est la position des États-Unis sur l'emploi des Chagossiens sur la base ? En trois paragraphes, l'"Assitant Secretary for Democracy, Human Rights and Labor" dit seulement que les États-Unis reconnaisent les problèmes auxquels font face les Chagossiens. "We appreciate the United Kingdom's efforts to improve the livelihoods of Chagossians wherever they live." Et que les États-Unis restent engagés en faveur de la promotion des droits humains.

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Heritage visits" en pause

Le Royaume-Uni a répondu le 23 janvier dernier, par la voix de Lord Goldsmith, ministre d'État des Territoires d'outre-mer, du Commonwealth, de l'Énergie, du climat et de l'Environnement. Le relevé des projets financés par le Chagossian Support Package, créé en 2016 pour "améliorer la vie des Chagossiens là où ils vivent" indique que les heritage visits sont en pause. Il s'agit de courts séjours financés par les Britanniques pour les natifs et les descendants de Chagossiens dans l'archipel.

Le Chagossian Support Package est un fonds de 40 millions de livres sterling sur 10 ans. De cette somme, 574 809 livres sterling (plus de Rs 31 millions) ont servi à payer les voyages. Est-ce l'effet du voyage à Blenheim Reef organisé par Maurice, il y a un an ?

Une série d'autres actions sont "closed", comme les cours d'anglais du British Council, et les cours en entrepreneuriat et l'organisation d'activités culturelles pour les Chagossiens à Maurice.

Par contre, le programme d'allocation de bourses à des Chagossiens qui étudient à la Middlesex University (Mauritius) est ouvert. Le fonds prévu pour cet item entre novembre 2022 à mars 2024 est de 130 000 livres sterling. Mais pas un penny n'a été dépensé pour l'heure.

"Ce sont les britanniques qui doivent réparation"

Maurice a été le premier à répondre à HRW, le 10 janvier dernier. Maurice accepte-t-il que le droit de retour des Chagossiens, où qu'ils soient dans le monde, fasse partie des réparations dues ? Pour l'État mauricien, "comme les Chagossiens ont été déplacés de force par les Britanniques, ce sont eux qui doivent réparation aux Chagossiens". Maurice rappelle son engagé par écrit à la cour internationale de justice depuis septembre 2018.

HRW a aussi voulu savoir si la somme reçue des Britanniques en compensation pour les Chagossiens, leur a été accordée. Maurice a répondu en détail. La Grande-Bretagne a donné Rs 8,6 millions en 1973 pour l'installation des Chagossiens. Initialement, pour financer la "construction de maisons et d'abris pour l'élevage de porcs. Mais les Chagossiens n'étaient pas satisfaits des mesures proposées". Après la visite d'un conseiller du ministère britannique du Développement outre-mer, début 1976, Rs 750 000 furent utilisées pour former les Chagossiens sans emploi et Rs 75 000 pour un travailleur social qui aiderait ceux en difficulté. En décembre 1976, des représentants des Chagossiens ont demandé que l'argent leur soit distribué en espèces. "En mars 1978, une compensation de Rs 9,8 millions (NdlR : avec les intérêts sur la somme initiale) est payée. Il reste alors Rs 1,3 million." En 1981, l'État mauricien avance Rs 3,5 millions aux Chagossiens qui n'ont rien reçu. Lors d'un accord signé en 1982 entre Maurice et la Grande-Bretagne, les Britanniques ont payé Rs 75,8 millions. L'Ilois Trust Fund, mis en place pour gérer cette somme, enregistre 1 344 Chagossiens (1 202 adultes, 142 mineurs). En janvier 1983, l'Inde fait don de Rs 1,1 million. "Des compensations ont été payées de décembre 1982 à août 1983 et en décembre 1986. La somme totale par Chagossien adulte est de Rs 60 122 et Rs 30 061 par enfant."

Chagossiens de Maurice et des Seychelles : Pas exactement le même combat

Même terre, pas le même air. Qu'ils soient à Maurice ou aux Seychelles, les Chagossiens ont des points de vues sensiblement différents sur leur avenir. C'est ce qui ressort après la participation de Pierre Prosper, président du Chagossian Committee des Seychelles, et d'Olivier Bancoult, leader du Groupe Réfugiés Chagos, au lancement du rapport de Human Rights Watch. C'était le mercredi 15 février dernier, avec la publication du document accusant le Royaume Uni et les États-Unis de crime contre l'humanité à l'égard des Chagossien.

C'est virtuellement que Pierre Prosper s'est exprimé. En soulignant que les Chagossiens aux Seychelles n'ont "jamais touché la moindre compensation financière", contrairement à ceux déplacés à Maurice. Il mentionne le nom d'une des leurs, "décédée l'an dernier. Elle a vécu dans une pauvreté extrême et est morte dans une pauvreté extrême".

À propos des négociations actuellement en cours entre Maurice et la Grande-Bretagne, Pierre Prosper regrète que, Maurice, "n'a jamais montré le moindre intérêt pour que nos aspirations soient prises en compte". Il va jusqu'à proposer la tenue d'un référendum pour que personne ne soit oublié.

Réagissant à ces propos, Olivier Bancoult affirme qu'il partage dans l'ensemble l'opinion de Pierre Prosper, sauf pour ce qui concerne l'organisation d'un référendum. "Je ne crois pas qu'un référendum soit plus important que l'autodétermination".

Olivier Bancoult répète qu'il est primordial que les Chagossiens soient inclus dans les négociations. "Je peux dire qu'il y a une ligne de communication entre les deux gouvernements. Nous avons été invités à rencontrer le Premier ministre, Pravind Jugnauth. Il nous a donné l'assurance que les négociations sont au stade de discussions sur la souveraineté. Aussitôt que cela portera sur des questions qui concernent les habitants, nous serons pris en compte". Le leader du GRC a affirmé : "nous avons eu la garantie que l'État mauricien va soutenir le relogement aux Chagos, y compris à Diego Garcia."

S'agissant des groupements chagossiens pro-britaniques qui appellent à l'arrêt des négociations, Olivier Bancoult souligne : "D'un côté nous disons que nous voulons prendre part aux négociations, d'un autre côté qu'il faut stopper les negociations. Pa make sense. Il faut se décider." Il rappelle que pendant 50 ans, le gouvernement britannique a refusé de négocier. "Aujourd'hui il a ouvert les négociations parcequ'il est blâmé au niveau international. Prenons en considération ses propositions. Lés nou get enn kou."

Olivier Bancoult a ajouté qu'un webinar s'est récemment déroulé, regroupant divers parties prenantes. "J'ai demandé à Goldsmith (NdlR, Lord Goldsmith, minister of state for Overseas Territories, Commonwealth, Energy, Climate & Environment) si les britanniques vont soutenir le relogement aux Chagos, y compris à Diego Garcia. Mo pankor gagn okenn repons. Mo ankor pe atann"

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