Maroc: A Antakya après le séisme Quand il faut tout laisser derrière soi

Bilal Jawir termine d'entasser les affaires de la famille dans la camionnette, prêt à quitter Antakya, sa ville effondrée par le violent séisme du 6 février

"Nous n'avons pas de travail, pas de vie, comment pourrions-nous revenir vivre ici?" lâche-t-il. "Ca fait mal au cœur".

La maison de Bilal est toujours debout, mais est-elle assez fiable pour y demeurer? Avec sa femme et ses deux filles, il a trouvé refuge sous les orangers qui jouxtent leur propriété.

Comme lui, des millions des personnes dont les localités ont été touchées mais les maisons épargnées sont confrontées à ce dilemme: faut-il tenter de rentrer chez soi ou partir s'installer ailleurs.

Plus de 44.000 personnes ont trouvé la mort dans cette catastrophe qui a frappé le sud de la Turquie et la Syrie.

"C'est dur de partir, on a énormément de souvenirs ici, mes filles sont nées ici, on s'est marié ici", soupire cet ouvrier du bâtiment en arrimant solidement son chargement.

Bilal Jawir va se rendre chez son oncle Hadi, 63 ans, à Adana, à moins de 200 km plus au nord, épargnée par la secousse de 7,8.

Dans la rue, ses voisins se préparent à faire de même. Adnan et sa fille Dilay chargent de gros sacs de vêtements à bord du pick-up.

"Nous n'avons aucune idée de ce qu'il adviendra de la maison, si elle sera détruite", indique Adnan qui refuse de donner son nom complet.

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Comme la famille Jawir, il refuse de spéculer sur la solidité de son immeuble et des fondations.

Contemplant sa cuisine, la mère de Dilay se lamente sur les verres et la vaisselle cassée qui jonchent le sol. "Je n'ai plus rien à sauver ici", dit-elle.

Réveillés par la secousse qui a frappé à 4H00 du matin, la famille s'est jetée au dehors en pyjama. Elle va maintenant emménager dans un appartement à Mersin, sur la côte, à 270 kilomètres d'Antakya.

Une rue plus loin, une voiture blanche a été complètement aplatie par les chutes des bâtiment tout autour et se retrouve ensevelie sous les décombres et les derniers restes de vie quotidienne.

Au milieu du désastre, certains ne perdent toutefois pas le sens des affaires.

Ainsi, un conducteur d'engin élévateur, accouru du nord de la ville, indique à l'AFP qu'il a relevé ses tarifs à 75 euros de l'heure et facture 47 euros par déménageur et par camion, pendant que sa plate-forme, hissée jusqu'au cinquième étage, redescend un tapis, des cadres de photos et un batteur de cuisine manuel.

"Nous avons augmenté nos prix à cause du danger", justifie l'entrepreneur qui se garde de donner son nom.

Dans la vieille ville, l'opticien Cuneyt Eroglu, 45 ans, dont la famille s'est sortie saine et sauve du séisme, fouille le chaos de sa boutique et tente d'en rire.

"Madame Hacer, si vous m'entendez, vos lunettes sont prêtes" dit-il en mettant de côté les paquets sortis de la poussière qui enveloppe le bâtiment de pierre de l'époque ottomane.

"ON va rester vivre ici" affirme-t-il, en racontant qu'avoir retrouvé son diplôme du lycée lui a procuré ue vraie joie.

Contrairement à de nombreuses autres artères, la rue devant sa boutique a été déblayée des murs effondrés et fers à béton tordus qui l'encombraient.

Pour le moment M. Eroglu et les siens vivent sous une tente dans un village proche d'Antakya.

"Partir c'est facile, mais rester, c'est important" tranche-t-il. "Moi je veux vivre ici pour le restant de mes jours".

"Après tout, cette ville a été détruite dix-sept fois dans son histoire, nous la construirons une dix-huitième".

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