Congo-Kinshasa: Bukavu - Entre hausse des prix et craintes d'infiltrations

21 Février 2023

Les habitants de Bukavu subissent à leur tour la hausse des prix des produits alimentaires et les autorités craignent également des infiltrations des rebelles du M23.

La population du Sud-Kivu est en train d'être touchée à son tour par la violence qui endeuille le Nord-Kivu. Le récent accrochage entre l'armée congolaise et rwandaise au poste frontière de Rusizi a entrainé une nouvelle crispation dont les conséquences se font sentir à Bukavu. Désormais, les bars et restaurants de la ville devront fermer à 22h. Par ailleurs, les prix des produits alimentaires augmentent.

Ici au marché de Nyawera, les vendeurs font face à la rareté des produits en provenance du Nord-Kivu tels les haricots, les pommes de terre ou les oignons. Et la vente n'est pas facile car elle s'accompagne de longues discussions entre vendeuses et clients autour du prix de ces denrées alimentaires.

"L'an passé, on achetait un sac de 60 kilos de pommes de terre provenant de Goma à 65 dollars américains mais ces derniers temps, on l'achète à 110 dollars. En tout cas c'est compliqué. On ne sait plus comment faire. C'est cette activité qui permet de payer des études à nos enfants" explique Marline Bigarura, mère de deux enfants, et vendeuse de frites à base de pommes de terre.

Des craintes

Outre la vie chère, les craintes de possibles infiltrations de rebelles du M23 au Sud-Kivu a poussé les autorités municipales de la ville de Bukavu à ordonner la fermeture des bars et restaurants à partir de 22 heures.

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"La mairie a pris des mesures en rapport avec la fermeture des bistrots, des Nganda, des terrasses à partir de 22 heures. Les motivations ne sont rien d'autres que d'ordre sécuritaire. Nous devons privilégier la sécurité des personnes et tout contrevenant à cette mesure sera passible des sanctions" assure Augustin Bigirimana le maire adjoint de la ville de Bukavu.

Une décision qui fait toutefois fait des mécontents. "Cette situation vient nous déséquilibrer vraiment. Dans ce sens que nous nous commençons l'activité à 18h. Alors que nous savons qu'à Bukavu, la population vit au jour le jour. Le client se réveille d'abord pour aller chercher ce que les enfants vont manger à la maison et puis quand il rentre à 18 heures, c'est là qu'il va se détendre et se déstresser. Aujourd'hui, nous sommes en train de voir un client qui consommait cinq à six bouteilles, de bière n'en prendre qu'une seule et rentrer à la maison parce qu'on va fermer. Pour nous, on ne comprend plus " se plaint Jean-Paul Akonkwa, tenancier du Nganda "Rapide Food" en commune de Bagira. Selon lui, la mesure déstabilise les bars et surtout les boites de nuits.

Paulin Bishakabalya, le responsable de l'hôtel-restaurant Exodus, déplore pour sa part l'absence de mesures d'accompagnement d'une telle décision.

" Une telle décision qui nous prive d'un chiffre d'affaires devrait être accompagnée par des mesures du gouvernement pour éviter que nous puissions sombrer avec notre business. Mais ce n'est pas le cas. On prend une décision sans penser aux mesures de compensation, par exemple fiscales, en disant que le manque à gagner va être couvert par la réduction des taxes ou de la fiscalité. C'est vraiment une mesure qui nous frappe " précise-t-il.

Des soutiens

La Ligue des consommateurs des services en RDC soutient pourtant cette mesure et appelle les consommateurs au patriotisme. Selon Mizo Kabare, président de la Ligue des consommateurs au Sud-Kivu, les citoyens ont " des droits mais il y a toujours des limites, surtout en cas de problèmes ou de guerre". Il assure que "l'Etat peut lever une option et restreindre un peu ces droits et libertés pour permettre aux forces de sécurité de se déployer et faire correctement leur travail parce qu'au moins là, ils savent que tout le monde se trouve à la maison et ceux qui se retrouveraient dehors pourraient être considérés comme suspects. C'est une mesure donc sécuritaire et ça va de soi que nous puissions comprendre cela".

Avec la hausse des prix des denrées alimentaires et l'incertitude sur la fin de la guerre au Nord-Kivu, la psychose s'installe petit à petit à Bukavu, amplifiée par les rumeurs sur les réseaux sociaux.

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