Afrique: [FESPACO] ' Doxandem, Les Chasseurs de rêves ', de Saliou Sarr Alibeta - La folie de rêver pour s'accomplir

Inscrit dans la compétition officielle de la section Documentaire long-métrage, "Doxandem, les chasseurs de rêves" de Saliou Sarr " Alibeta " donne une vision dégagée et inspirante de la migration. Ici, la folie est salvatrice. Tout le contraire de celle déshumanisante qui sévit dans certains pays d'accueil ou de transit.

"Doxandem, les chasseurs de rêves", film documentaire de 88 minutes projeté lundi au Canal Olympia de Pissy (Ouaga), raconte l'histoire d'un homme qui s'est efficacement nourri à la sève d'aventures humaines et d'expériences de vie. C'est un homme qui a failli louper son rêve d'accomplissement à 3052 kilomètres près, avant de connaître un regain qui lui sera à même de dégager un chemin des possibles pour sa communauté. C'est un récit de vie qui se veut inspirante à plusieurs égards.

L'auteur du documentaire propose un regard nouveau, franc et introspectif de la migration. Là où l'index accusateur est presque toujours pointé vers l'Occident (ou quelque pays d'accueil), Saliou Waa Guendoum Sarr alias Alibéta interroge le "doxandem" (aventurier) sur ce qu'il a appris de son périple et comment ses expériences de vie peuvent ou doivent être fécondes à sa communauté.

Ce film expose un travail de construction sociale dans une terre de migrations et d'espace de liens humains. Une nouvelle communauté se forme avec un esprit nouveau et novateur forgé par divers facteurs de migration : retour au bercail, aller-retours, reniement du chez-soi, recherche intérieure du chez-soi, et les différentes manières de voyager aussi.

En cela, Alibéta filme la parole ; ce qui fait partie des premières acceptions du cinéma documentaire. "Doxandem, les chasseurs de rêves" donne des nouvelles. Ces nouvelles différentes de l'information, comme le souligne Sellou Diallo, formateur en cinéma documentaire à l'Université Gaston Berger de Saint-Louis. Ces nouvelles sont portées par ceux qui ont vécu les expériences. Ils disent ce qui se passe, et ce qui s'est passé, mais sans autant insister sur comment ça doit se passer prochainement. Ils installent des lumières et des espoirs. De son propos militant, le film met en lumière et défend le droit fondamental de la circulation de l'homme à travers le monde, son grand domicile.

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Les aventures naissent des folies. L'image du fou qui survole le film est pertinent. Celui-là semble porter la contradiction aux certitudes de sa communauté, mais il entend pourtant les pousser à une réflexion profonde et à se réaliser. Le fou est le plus grand "doxandem" (aventurier) qui passe partout, voit tout, dit tout, observe sans être dérangé, engrange des connaissances et construit ses maximes. Il est à l'école de la vie.

Alibéta pense par ailleurs que chaque société a besoin de fous. "Le fou permet de connaître la loi, de distinguer la justice, de rectifier les codes, et est aussi le reflet de nos peurs et le guide de nos aspirations", affirme Alibéta. Tout est donc dans cette folie, ces rêves et les conditions de bien réaliser leur fructueux accomplissement. Le film est aussi saisissant pour sa musique, conçue par Alibéta lui-même (aussi auteur et compositeur) et Ibaaku.

"Bantú Mama" refait le cycle historique

"Bantú Mama" est un autre film du jour qui nous entretient de la migration avec une beauté fantasmante. Le film de 77 minutes, réalisé par le Dominicain Ivan Hererra, est en compétition officielle pour l'Etalon d'or de Yennenga du meilleur long-métrage fiction.

Cette oeuvre est un trompe-l'oeil. D'un rythme pour une large part soporifique, le film se révèle toutefois renversant à sa fin. Le choc et la surprise agréable ont été les choses les mieux partagées, avant-hier, à la sortie de la salle du Ciné Burkina, à presque une heure du matin. Ce public était secoué de voir refaire le cycle de l'histoire de la traite esclavagiste noire, et de reconsidérer "de visu" l'eldorado.

La référence est déjà notable. Les Bantous sont des peuples migrants par excellence, avec une pratique mûre de plus de cinq siècles. Leurs flux sont souvent causés, au-delà d'une habitude inculquée, par des raisons ou faits conjoncturels crispants. Ainsi, de l'Afrique centrale, cette population de plus de 300 millions d'hommes se trouve disséminée dans le monde. Leur organisation matrilinéaire explique peut-être le choix de l'actrice principale, femme seule et mystérieuse qui cherche à dorer son confort fragile et finit par se donner un sens. Son évolution rappelle par ailleurs ce devoir de transmission porté par l'exécutrice du testament naturel et social.

La philosophie du Bantou résiderait dans sa force. Cette force qui peut quelquefois s'égarer, mais est tôt ou tard retrouvée et toujours transmise. C'est cette culture portée en son sang et ses moeurs par le migrant qui le rattache à ses origines, lui fait garder les liens et le tracasse de l'idée d'un retour. Aujourd'hui, le principe du village planétaire facilite cette communication. À ce propos, le film est aussi une ode à l'humanité, ainsi qu'à l'union des coeurs et esprits africains. Emma est métisse, s'agace dans un Hexagone économique frigide et repoussant, sourit dans les chaleureuses Antilles malgré les soubresauts, et se libère aux eaux de ses sources. D'ailleurs, l'actrice paraît plonger dans un lac de jouvence à chaque étape du voyage. Comment seraient-ils, elle et son peuple, s'ils n'étaient jamais partis ?

(envoyé spécial à Ouagadougou)

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