Congo-Kinshasa: Une offensive qui fait des dégâts

Le M23 affirme avoir le soutien des Congolais tutsis déplacés, mais la réalité est plus complexe.

En République démocratique du Congo, les affrontements entre le M23 et les FARDC, l'armée congolaise, continuent de faire des victimes mais aussi des déplacés. Des déplacés qui trouvent souvent refuge dans les pays voisins, comme l'Ouganda ou encore le Rwanda. Selon l'Agence des Nations unies pour les réfugiés, ils seraient plus de 72.000 réfugiés venus de RDC à avoir trouvé refuge au Rwanda, dont beaucoup de Tutsis congolais.

Des facteurs politiques, ethniques, économiques et militaires... autant de raisons qui ont poussé de nombreux Congolais à fuir leur foyer en quête de sécurité. Dans l'est du pays, ce sont surtout les attaques de groupes armés qui poussent de plus en plus de personnes vers l'exil.

Une identité remise en question

"On peut parler aujourd'hui de personnes qui, par la suite des multiples guerres qu'on a connues au Congo depuis 1994, se sentent en insécurité par rapport à leur morphologie...", le chercheur congolais Patrick Mboyo revient ainsi sur le profil de ces déplacés et fait référence aux Congolais tutsis ou Congolais rwandophones. Des populations d'expression rwandaise que les frontières coloniales ont placées du côté du Congo belge en 1885 et qui ont acquis la nationalité congolaise à l'accession du pays à l'indépendance, en 1960.

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Mais l'identité congolaise de ces rwandophones est souvent remise en question par d'autres communautés.Ainsi, plusieurs rébellions ont au cours de l'histoire récente du pays prétendu vouloir défendre cette minorité. C'était le cas de l'AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) qui avait renversé le général Mobutu, du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), et aujourd'hui du M23.

Pour certains membres de cette communauté ayant fui la RDC pour le Rwanda pourtant, des offensives militaires comme celle que mène actuellement le M23 ne font qu'aggraver la discrimination qu'ils subissent et prolonger leur exil.

Un retour impossible

John, dont le nom a été modifié pour des raisons de sécurité, est réfugié au Rwanda. Selon lui, l'enrôlement dans les rangs du M23 est le seul soutien que certains membres de la communauté peuvent apporter à cette organisation.

En effet, étant des déplacés, ils n'ont pas de moyens financiers à offrir. Quand on lui parle de retour en RDC, il estime que c'est impossible.

"Nous nous sommes déplacés en 1998. Lors de la première guerre de l'AFDL, nous avons été attaqués par les Maï Maï et les FDLR. Nous sommes passés par le Burundi puis le Rwanda. Les gens du M23, ce sont nos frères. Parmi nous, il y en a qui n'ont pas suivi le chemin de l'école et donc ils ont pris les armes (...). Toute la partie est dirigée par les FDLR et quelques commandants des FRDC. Si tu rentres on te tue, on pille tes biens, c'est ça le problème" a raconté à la DW, le jeune homme.

Des dizaines de groupes armés demeurent actifs dans le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et dans l'Ituri. Mais Patrick Mboyo estime que l'insécurité n'est pas l'unique raison du non-retour en RDC des déplacés, en l'occurrence ceux de la communauté rwandophone.

Selon lui "le Congo est un agrégat de communautés qui ont accepté de vivre ensemble depuis 1885 (...) Pourquoi est-ce que ce sont toujours les mêmes populations qui vont toujours dans un même pays, le Rwanda, et ça fait 20 ans que ça dure? Cela montre qu'il y a un problème."

Outre l'insécurité, certains déplacés évoquent d'autres raisons de ne pas retourner en RDC, comme l'absence de justice pour les crimes commis durant des années dans l'est du pays, les conflits fonciers et l'hostilité des autres communautés.

Et puis il y a aussi le fait que certains sont soit nés en exil, soit arrivés très jeunes, souvent sans leurs parents, dans des pays d'accueil comme le Rwanda. Pour eux, retourner en RDC n'est pas évident car ils n'y ont pas ou très peu de repères.

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