Madagascar: Électrikité pour tous - De gros challenges en perspective

Une grande partie des ménages de la Grande Île n'a pas encore accès à l'électricité et bon nombre de localités, même dans les zones urbaines, ne sont pas éclairées. Pour le ministère de l'Énergie et des Hydrocarbures (MEH), département désormais piloté par Soloniaina Andriamanampisoa, Madagascar doit faire un grand saut quantitatif, mais aussi qualitatif, pour renverser la tendance car, sans un large accès des populations à l'électricité, point de développement ni de sécurité.

De grands défis attendent donc les responsables. Le 24 février dernier, Soloniaina Andriamanampisoa, en lançant officiellement le projet baptisé " Fenoy jiro ny elakelatrano " qui prévoit l'installation de 10 000 lampes Cobra dans les ruelles (500 km) des grandes villes de Madagascar, a donné les premiers éclairages sur la stratégie qu'il compte mener pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la vision présidentielle " Électricité pour tous ". Le membre du gouvernement a ainsi indiqué que plus de cinq millions de ménages ne disposent pas encore d'éclairage en milieu rural. Et pour que cela change, divers programmes sont lancés à l'instar du dispositif mis en place pour que ces ménages puissent acquérir des kits solaires, à travers une formule de vente location qui ne nécessite que le paiement de 5 000 ariary par mois durant un an et demi.

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L'objectif est ambitieux car il s'agit de doter, dans une première phase du programme, un million de kits solaires à un million de ménages ruraux qui n'ont pas accès aux services de la Jirama. " Le bien-être de la population, le développement inclusif et l'instauration d'une sécurité durable sont nos priorités ", a aussi déclaré le ministre l'Énergie et des Hydrocarbures avant de noter que, concernant les lampes Cobra, ils seront installés sur les poteaux ou sur des propriétés privées qui bénéficieront d'une remise de 20 000 ariary par mois sur leur facture d'électricité.

Dans le programme à court terme du MEH figure aussi le projet d'amélioration de l'octroi des " branchements mora " aux foyers les plus vulnérables cette année. L'objectif de ce projet est d'enregistrer dès cette année 500 branchements à prix réduit par jour. " Les ménages ne paieront que 30 000 ariary pour avoir un kit prépayé. Le permis de construire n'est plus une exigence si la maison est enregistrée auprès du Fokontany. 100 000 " branchements mora " et 170 000 kits ont déjà été commandés pour cette année ", a-t-on aussi fait savoir.

Concernant l'installation des centrales électriques, le ministre Soloniaina Andriamanampisoa a laissé entendre que 36 districts sont au programme d'ici à la fin du mois d'août 2023. Par ailleurs, le ministre envisage la révision du Code de l'Électricité (Codelec) et l'amélioration de la gouvernance et de la performance de l'Agence de Développement de l'Électrification Rurale (ADER). On sait également que des projets d'envergure menés avec les Partenaires Techniques et Financiers devraient s'accélérer, à l'image du programme DECIM qui allie connectivité numérique et développement énergétique. Rappelons que peu avant de prendre les commandes du MEH, Soloniaina Andriamanampisoa a fait partie de la délégation venue au Rwanda avec une équipe de la Banque Mondiale dans le cadre de la coopération Sud-Sud dans le secteur de l'énergie. L'objectif de cette visite d'échanges et d'imprégnation est d'augmen­ter le taux d'accès à l'électricité à Madagascar.

Autoroute de l'électricité

L'autre grand challenge du MEH est la réalisation du vaste projet d'interconnexion des réseaux de distribution d'électricité. C'est dans ce cadre qu'a été officialisée cette semaine la mise en oeuvre du plan de l'interconnexion Antananarivo-Antsirabe. " Le plan du réseau d'interconnexion reliant Antananarivo et Antsirabe, prévu dans le cadre du Projet de Renforcement et d'interconnexion des Réseaux de Transport d'Énergie Électrique à Madagascar (PRIRTEM II) prévoit une ligne de transport électrique, longue de 135km partant de Behenjy jusqu'à Vinaninkarena Antsirabe, reliée par une ligne de transformation installée à Antanifotsy ", a-t-on fait savoir.

En outre, ce projet permettra l'électrification de 19 villages des communes de Soanindrariny d'Ambohidranandriana d'Ambatomena et d'Ambohimiarivo. Ces villages sont tous situés sur le trajet du réseau et seront dans la foulée électrifiés grâce à une nouvelle capacité de 300 MW. La date du début des travaux n'a pas encore été annoncée, mais la mise en place des lignes et des postes de transformation serait prévue avant la fin de cette année 2023.

à savoir que le projet PRIRTEM II, dont la Banque africaine de développement est le premier contributeur financier, prévoit aussi l'acheminement de l'énergie

produite par le barrage hydroélectrique de Sahofika. Le financement dudit barrage, à hauteur de 900 millions d'euros, dont 30 millions d'euros de la part de l'État malagasy et 13 millions d'euros remis à titre de don par l'Union européenne, est en cours de discussion selon toujours le ministre Soloniaina Andriamanampisoa qui a tenu aussi à souligner qu'à terme, les réseaux électriques d'Antananarivo, Toamasina et Antsirabe seront interconnectés.

Options d'électrification géospatiale

Du côté du ministère de l'Economie et des Finances, on note que la mise en place de cette " autoroute de l'électricité " constitue la 2ème priorité de l'État malagasy dans le cadre du programme " Énergie pour tous ". Et ce département de préciser que " le PRIRTEM II est une ligne d'interconnexion de 220 kV à double ternes de 135 km, d'une capacité de 300 MW, entre les postes de Tana Sud III (Behenjy) et Vinaninkarena, via le poste d'Antanifotsy, et qui profitera à plus de 42 000 habitants ".

La volonté affichée du gouvernement et de ses partenaires de privilégier une nouvelle approche de l'électrification est aussi à souligner. Une disposition au changement précédée par un état des lieux et une mise en lumière des principaux obstacles institutionnels, opérationnels, financiers et techniques à surmonter. Selon la Banque Mondiale, une étude s'est penchée sur la stratégie et les principaux objectifs de l'électrification, ainsi que les domaines dans lesquels les modalités hors réseau devraient être considérées comme des alternatives au réseau national.

C'est ainsi qu'un rapport sur le développement de l'analyse des options d'électrification géospatiale au moindre coût, pour un déploiement sur réseau et hors réseau, a été produit. L'étude menée dans ce sens s'est appuyée sur diverses données pour fournir spécifiquement un plan national de déploiement de l'électrification géospatiale, afin d'accélérer l'accès à un service énergétique viable aux populations par une combinaison optimisée de modalités de fourniture de services électriques.

De ce rapport est sorti un programme qui comprend les connexions au réseau lorsque celles-ci constituent l'alternative la moins coûteuse et les connexions hors réseau (y compris les mini et micro-réseaux, ainsi que les solutions autonomes) dans les zones où la densité de population, la demande locale ou le positionnement géospatial des établissements font de ces solutions

l'option la plus abordable. Ce programme détermine les zones de déploiement spécifiques pour les technologies de réseau et hors réseau sur la base d'un règlement par règlement, en tenant compte des cadres politiques existants, de la démographie et des facteurs de coût, le nombre de connexions requises par modalité de livraison, jusqu'en 2035, et les budgets d'investissement nationaux et régionaux pour les objectifs fixés.

Énergie verte à moindre coût

Le plaidoyer présidentiel

Le président de la République, Andry Rajoelina, a assisté dernièrement au 36ème Sommet des chefs d'État et de Gouvernement de l'Union Africaine. En marge de cette rencontre d'Addis-Abeba, le Président malgache a participé à une table ronde sur la sécurisation de l'accès universel à l'énergie en Afrique, organisée conjointement par l'Union des Comores, la Commission de l'Union Africaine et la Banque Mondiale. Il était aussi question de l'accélération de la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) et du marché unique africain de l'électricité." Madagascar et le Président Andry Rajoelina étaient particulièrement à l'honneur lors de cette réunion de haut niveau. Ce dernier est parvenu à obtenir l'adhésion des participants à ses propo­sitions, notamment de la part du Docteur Amani Abou-Zeid, Haut Conseiller en charge des infrastructures et de l'énergie au sein de l'Union Africaine, de Victoria Kwakwa, Vice-présidente de la Banque mondiale en charge de l'Afrique australe, ainsi que Ousmane Diagana, Vice-président en charge de l'Afrique occidentale et centrale ", a rapporté dans un communiqué la Présidence de la République.Il a aussi été indiqué qu'actuellement, 600 millions d'Africains n'ont pas accès à l'énergie, soit 40% de l'ensemble de la population du Continent. Pourtant, l'Afrique regorge de ressources pouvant être transformées en énergie. Pour ce qui est de Madagascar, le pays produit seulement 500 à 600 MW d'électricité pour 26 millions d'habitants. Ce qui est insuffisant. Le chef de l'État malgache a ainsi incité ainsi les dirigeants africains à accélérer le développement en utilisant les ressources hydrauliques, solaires et éoliennes et en maitrisant les coûts de production de ces énergies vertes. " Il faut réduire la dépendance aux énergies fossiles et favoriser les autres sources d'énergies qui sont moins chères comme les barrages hydroélectriques ", a-t-il soutenu tout en expliquant que le coût de l'énergie est plus cher à Madagascar et dans d'autres pays en développement par rapport aux autres régions du monde. Et le chef de l'État de noter qu'à Madagascar, le choix s'est porté sur la promotion des parcs solaires. " Pour les 119 districts, cette année, l'État va investir pour 50MW d'énergie solaire dans 36 villes. Et dans les années à venir, Madagascar atteindra à 100% des districts qui seront électrifiés à travers les parcs solaires ".

Pour rattraper le retard de développement surtout en matière énergétique, Andry Rajoelina a aussi fait savoir que Madagascar, en collaboration avec la Banque mondiale, met en oeuvre un programme de distribution de kits solaires au profit de la population. " Nous voulons être un des pays modèles sur le continent africain. Notre objectif est de vulgariser les kits solaires. Ce sont 2 millions de foyers qui vont être dotés de kits solaires dans tout Madagascar. Nous allons également doubler notre production en hydroélectrique pour atteindre les 1000 MW dans 5 ans ". Le président de la République malgache qui a rappelé que l'amélioration de l'accès à l'énergie est un facteur primordial pour développer l'Afrique.

VERBATIM

Ministre de l'Énergie et des Hydrocarbures

" Le programme visant l'accès à l'électricité pour tous constitue une priorité absolue pour le Président de la République, le gouvernement et le ministère de l'Énergie et des Hydrocarbures.

Et je suis résolument optimisme quant à la possibilité de réaliser dans les délais impartis le projet présidentiel de doubler la production nationale d'électricité d'ici 2028, ainsi que l'accès à moindre coût de l'énergie à 70% de la population par la transition énergétique. Le ministère que je dirige s'attèle à encourager les initiatives pour l'installation à travers le pays des panneaux solaires et les autres plateformes de production d'électricité. Rappelons que seul 3% du potentiel répertorié de l'hydroélectricité est exploité pour le moment à Madagascar ".

Coordonnateur du projet PRIRTEM

" Sur le plan technique, la seconde phase du Projet de Renforcement et d'interconnexion des Réseaux de Transport d'Énergie Électrique à Madagascar (PRIRTEM) permettra notamment aux deux régions (Analamanga et Vakinankaratra) d'échanger de l'énergie, ce qui peut combler le déficit de production en réponse aux besoins toujours en augmentation. Il vise à élargir la couverture en termes de réseaux, d'améliorer l'accès du grand nombre à l'électricité. Tout va s'étendre sur 60 mois. De nombreux villages vont en bénéficier. La centrale de Sahofika qui peut produire 192 kilowatts, extensible à 300, peut devenir la plaque tournante de cette interconnexion ".

Le secteur de l'électricité en chiffres

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