Ile Maurice: Dangers en mer - Pourquoi tous ces drames

Trois noyés au Morne samedi. En décembre, le corps d'un pêcheur de 39 ans était déchiqueté par un requin. La mer a été le théâtre de plusieurs drames récents. Peut-on les éviter ?

Tragique sortie en mer au Morne pour trois Mauriciens samedi. Richard Ng Ye Lim, Steve Fok Chak et François Soobrayen se sont noyés alors qu'ils se trouvaient à six passagers sur une embarcation malmenée par de fortes vagues. Si trois ont pu être sauvés, les trois autres rallongent la liste des noyades. Ces situations préoccupent les opérateurs d'activités marines. À quoi attribue-t-on ces drames ?

Karl Lamarque, président de l'Association des pêcheurs professionnels et de plaisance de l'Ouest, estime qu'il faut redoubler de vigilance en mer. "Le réseau routier est plus stable et comprend des indications du Code de la route. Mais en mer, rien n'est fixe. Les conditions changent systématiquement." D'ailleurs, des changements drastiques venant du réchauffement climatique sont observés en mer. Quand elle est houleuse, il vaut mieux redoubler de prudence, ne pas se risquer ou attendre une accalmie. "Quand on traverse une passe, on attend habituellement la septième vague jusqu'à l'embellie. Certaines zones, comme des passes, sont dépourvues de leur profondeur d'origine. Ces changements peuvent être dangereux", précise-t-il.

Pour revenir aux "passes", Antonio Lamarque, pêcheur depuis une quarantaine d'années, appelle à considérer des voies alternatives. À l'exemple de celle de Rivière-Noire, plus profonde et accessible en temps houleux. Il constate des changements dans la mer. "La façon dont on 'lisait' la mer autrefois est totalement différente aujourd'hui. L'océan devient imprévisible. Certains endroits sont sujets à une accumulation de sable qui modifie la profondeur. Les contre-courants influent sur les vagues qui seront alors plus grosses. Aujourd'hui, on croit qu'on peut traverser mais à la sortie, on peut être piégé par ces fortes houles."

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Depuis une quinzaine d'années, la mer change et avec le réchauffement climatique, la situation ne va pas s'améliorer. Comment éviter cette dégradation ? Il faudrait que les autorités restaurent la profondeur initiale des passes pour un meilleur contrôle des houles. Pour les nageurs, il suggère la surveillance fréquente des garde-côtes et des drapeaux indicateurs de l'état de la mer, comme le rouge pour interdire l'accès et le bleu pour l'autoriser.

Vassen Kauppaymuthoo, ingénieur environnemental, estime que la mer est sauvage et vaste. Les océans recouvrent 71 % de la surface de la terre et ont une profondeur moyenne de 3 800 mètres soit plus de 1 000 étages. "Seule la partie supérieure est éclairée, soit 200 mètres sur les 3 800 mètres. Les océans emmagasinent une énergie gigantesque sous forme de chaleur ou de vagues qui définissent notre climat et sont le moteur des cyclones. De plus, ils produisent plus de 80 % de l'oxygène que nous respirons et abritent plus de 90 % de la vie de notre planète. Pourtant nos connaissances se limitent à 10 %", souligne-t-il. Quand nous nous aventurons en mer, nous devons faire face aux éléments : vagues, courants, animaux marins, donc un milieu difficile pour les humains. L'eau est salée et la force des vagues peut briser des bateaux. De plus, les activités humaines agissent sur les écosystèmes, détruisant la biodiversité et attirant des espèces dangereuses vers nos côtes, comme les requins après l'installation de fermes aquacoles.

Comment éviter ces risques ? "La qualité de notre embarcation est cruciale : c'est notre radeau de vie et toute défaillance peut nous coûter cher. Le premier élément de sécurité en mer est le bateau, son moteur et des équipements de sécurité comme les gilets de sauvetage et extincteurs. C'est la raison du fitness certificate après inspection, sans lequel les bateaux ne peuvent prendre la mer. Cependant, il subsiste le problème des bateaux et kayaks amateurs non immatriculés qui sortent loin en mer." Hormis l'équipement, il y a l'aspect humain : responsabilités du skipper, comportement des passagers, alcool à bord, etc.

Une défaillance peut être fatale, une prise de risques, un touriste qui a trop bu et qui tombe à l'eau, rappelle Vassen Kauppaymuthoo. Il faut y ajouter le comportement de propriétaires de bateaux ou skippers qui utilisent la mer comme piste de course, mettant en danger baigneurs et autres utilisateurs. "Ce problème doit être réglé par de strictes limitations de vitesse dans les lagons et les passes."

Face à la puissance de l'océan imprévisible, il faut éviter les risques et ne pas sortir ou prendre une passe ou une vague si le temps est défavorable ou si la mer est agitée. Il recommande un système de météo marine plus efficace où les utilisateurs de bateaux pourront se renseigner avant de prendre la mer. Un code de conduite en mer est aussi indiqué, selon lui.

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