Sénégal: Cheikh Omar Gaye, DG de l'Anaser - ' Les données sont cruciales dans la gestion de la sécurité routière '

Mise en place il y a un an, l'Agence nationale de la sécurité routière (Anaser) a pour mission, entre autres, de réduire les accidents graves et mortels de 50 % d'ici 2030.

Si elle compte s'appuyer sur la stratégie nationale de la sécurité routière en cours d'élaboration pour y arriver, elle entend aussi s'inspirer des bonnes pratiques dans la sous-région et ailleurs. C'est toute la pertinence du 1er Congrès sous-régional sur les données de mortalité routière qui s'est tenue début mars, à Dakar. Le Directeur général de l'Anaser, Cheikh Omar Gaye, en détaille les enjeux dans cet entretien.

Vous avez organisé début mars, le 1er Congrès régional sur les données de la mortalité routière à Dakar. Quel est le sens de la tenue de cette rencontre ?

Avec la création de l'Anaser et l'élaboration de la stratégie nationale de la sécurité routière en cours, on a jugé nécessaire de s'attaquer à la gestion des données qui sont un outil d'aide à la décision. Toute politique ou stratégie viable doit être assise sur des statistiques fiables. C'est pourquoi, en collaboration avec l'Organisation mondiale de la Santé et la Banque Mondiale, nous avons décidé, pour une première activité d'envergure de l'Anaser, d'organiser ce congrès régional pour harmoniser et échanger des expériences sur les bonnes pratiques en matière de systèmes d'informations sur les transports et sur la sécurité routière en générale mais aussi sur les données d'accidents et les données de mortalité routière.

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En quoi dans ce que vous faites les données routières sont-elles si importantes ?

Les données routières sont importantes dans la mesure où, pour lutter contre l'insécurité routière, il y a trois à quatre facteurs qui entrent en jeu. L'infrastructure routière en soi : leur recensement, leur qualité, l'identification des points accidentogènes, la proposition de mesures de correction en relation avec les structures en charge de la gestion des routes. Il nous faut donc ces données pour quantifier et évaluer le besoin. Pour les véhicules, il faut un système performant de contrôle technique et pour juger de cette performance-là on a besoin de statistiques. Si on a le nombre d'accidents, de décès et de victimes, on peut mesurer ce qu'on appelle " la gravité de l'accident ", mesurer aussi le taux d'accidents aux 100.000 km, bref ces indicateurs permettent de voir la performance du réseau routier, la performance du système de transports et la performance de la modernisation du système des secteurs des transports.

Vu la complexité de l'organisation du secteur des transports au Sénégal, est-il facile d'avoir des données fiables ?

Il est possible d'avoir des données fiables comme l'ont réussi d'autres pays. Pour les accidents, nous avons beaucoup de service pourvoyeurs de données : les sapeurs-pompiers, la police, la gendarmerie pour lesquelles il y a une coordination assurée par le Commandement territorial qui centralise au niveau de la région et fait les remontées au Ministère des Transports et l'Anaser pour la compilation et l'agrégation définitif. Pour les autres sources, c'est le suivi des données sanitaires. C'est un vrai problème dans toute la sous-région. A la survenance d'un accident, une semaine après, on n'a plus de visibilité sur les patients, sur les victimes hospitalisées. On va intégrer les informations sanitaires dans une base de données appelée "Bulletin d'analyse des accidents corporels" qui se veut une application intégrée, inclusive mais aussi très performante qui aura un interphasage avec tous les services pourvoyeurs de données (Police, Gendarmerie, Les Sapeurs-pompiers, la Direction des Transports routiers, l'Ageroute...). C'est ce qui a motivé la tenue de cette rencontre. On veut échanger, voir ce qui se fait de mieux dans la sous-région et ailleurs.

L'Anaser est une structure jeune, née il y a seulement un an. Et cette année, le Sénégal a connu le pire accident de son histoire avec le drame de Sikilo. Peut-on en déduire que cet accident, hélas, montre toute la pertinence de la mise en place de l'Anaser ?

Ça le justifie à suffisance. Pour l'historique, c'est en 2009 que l'Uemoa a sorti une directive pour demander à ses Etats membres de mettre en place des structures autonomes de gestion de la sécurité routière. L'essentiel des pays de la zone l'ont créée depuis lors. Le Sénégal a trainé les pieds. La Cedeao a rebondi sur cette directive, l'Union africaine la mise en charte et l'Onu aussi l'a réaffirmé à travers la Déclaration de la décennie 2021-2030. Donc le Sénégal a créé l'Anaser pour répondre à l'appel de la communauté internationale en termes de dispositif institutionnel. Ensuite, la création de l'Anaser se justifie par l'émiettement des responsabilités en matière d'intervention sur la sécurité routière. Il était utile d'avoir une entité qui coordonne et fédère toutes ces interventions.

Pourquoi le Sénégal avait tardé à mettre en place cette structure ?

Pour le Sénégal, le processus de mise en place a démarré en 2016. Il fallait étudier le contexte et toutes les interventions avant d'y arriver. L'objectif étant d'avoir une structure pérenne et assez solide. Cela nous a pris beaucoup de temps dans la réflexion et dans l'ancrage institutionnel ainsi que pour le mode de gouvernance et la nature de l'entité.

Vous avez parlé d'une stratégie nationale en cours pour réduire de 50% les accidents mortels à l'horizon 2030. Comment y arriver ?

Il faut rappeler qu'il y avait déjà une première décennie mondiale (2011-2020) qui était un engagement de toute la communauté internationale. A travers cette décennie mondiale, il a été demandé à tous les pays du monde de mettre en place des stratégies et des plans d'actions de lutte contre l'insécurité routière sur les dix ans. La première Stratégie nationale de sécurité routière a été adoptée en juin 2012 avec le Président Macky Sall. Cette stratégie a été arrimée sur les 5 piliers de la décennie : des véhicules sûrs, des infrastructures sûres, la sécurité des usagers, le traitement post-accident et la gestion des données d'accidents. Nous avons déjà fait une évaluation de cette décennie avant de définir la nouvelle stratégie qui n'est, en réalité, qu'une mise à jour de la stratégie passée. Le paradigme a changé sur beaucoup de domaines surtout au Sénégal avec le développement des autoroutes, des transports de masse avec l'introduction du Ter et du Brt.

Cela implique la prise en charge de nouvelles types de signalisation, de la grande vitesse ferroviaire et de beaucoup d'autres aspects impliqués par la mise en place de ces aspects. La Stratégie va intégrer l'éducation à la sécurité routière avec l'introduction de modules d'apprentissage à la sécurité routière dans les curricula de l'enseignement depuis le préscolaire, l'élémentaire et le moyen-secondaire. Cela va permettre de l'inculquer dès le bas-âge à l'école. Dans les structures qui sont préposées à former les futurs détenteurs de permis, nous allons insister sur des modules uniques et harmonisés sur la sécurité routière.

La Stratégie va aussi mettre l'accent sur l'intensification du contrôle routier avec la mise en place de la dématérialisation des amendes forfaitaires mais aussi l'introduction de la vidéo verbalisation comme cela se fait en Europe. Sur le contrôle technique des véhicules, la Stratégie va permettre de mailler le territoire national en centres de contrôle technique modernes comme ce qu'il y a à Dakar, en plus de la politique de rajeunissement du parc automobile avec le programme de renouvellement qui recoupe avec les 23 mesures prises pour lutter contre l'insécurité routière. Sur la banque de données des accidents, il faut une application intégrée et une application même citoyenne. Vous êtes témoin d'un accident, vous pouvez entrer dans l'application, filmer et envoyer et ainsi toute la chaine, le commandement territorial, la police, tout le monde est alerté.

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