Madagascar: De la lutte estudiantine

Dans un article de 2005 intitulé " Être étudiant en métropole à l'avènement de l'indépendance : l'Association des étudiants d'origine malgache de 1947 à 1960 ", Rajaonah Faranirina parle de l'importance de la lutte estudiantine dans la période de la décolonisation. Comme tous les autres pays d'Afrique, les univer­sitaires étaient les fers de lance de la lutte pour l'indépendance. Pour le cas malgache, l'Association des étudiants d'origine malgache (AEOM) fondée à Paris en 1934 devient, juste après la Seconde Guerre mondiale jusqu'à l'accession de Madagascar à l'indépendance en 1960, la principale organisation anticolonialiste malgache de France.

" L'AEOM suit la dynamique des mouve­ments en faveur de l'émancipation des colonies. De cette expérience, émerge la figure de l'étudiant militant. Les membres actifs de l'AEOM apparaissent comme des intellectuels protestataires, en investissant l'espace public colonial par des actions difficiles à mener dans leur pays depuis l'insurrection de 1947. Aussi, en dépit de leur relative jeunesse, certains de leurs aînés à Madagascar les considèrent comme des passeurs entre l'île et la métropole, voire l'étranger en général. Leur identité s'est construite dans ce sens, grâce à leur instruction et à leur ouverture à de nouvelles idées qui n'excluent pas l'attache­ment de leurs ancêtres, d'autant plus fort qu'on en est éloigné. Certains des anciens adhérents joueront en outre un rôle politique à Madagascar, comme Philibert Tsiranana. "

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Par la suite, notamment durant la révolution de 1972, les forces estudiantines ont joué un rôle majeur pour revendiquer ce que les chercheurs appellent " l'autre indépendance ". En effet, le pseudo indépendance inachevée de 1960 a laissé de multiples pays africains dont Madagascar dans un système où " Le parti au pouvoir est issu des élites coloniales tandis que la vie politique, sociale et culturelle de la Grande Île reste étroitement liée à l'influence et à l'interventionnisme de la France à travers les accords de coopération, comme l'illustre la situation de l'enseignement supérieur " dixit Françoise Blum son article intitulé " Mada­gascar 1972 : l'autre indépendance. Une révolution contre les accords de coopé­ration". Des écoles et des universités naissent le mouvement de contestation qui sera par la suite approprié par le reste de la population aboutissant à la naissance de la deuxième République.

Connaitre l'histoire d'un pays permet de ne pas faire les mêmes erreurs. Dans le monde comme en Afrique, les luttes estudiantines modèlent la société. Les universitaires sont formés pour questionner le monde pour apporter de nouvelles idées et d'amorcer des change­ments. L'exemple du mouvement sudafricain " Fees must Fall " nous le démontre. Les ma­nifes­tations dans les universités sud-africaines n'ont pas commencé soudainement en 2015 avec ce mouvement.

Les clivages de l'apartheid ont laissé un système de discrimination dans lequel les établissements les plus pauvres qui accueillent presque exclusivement des étudiants noirs. Des protestations régulières se tiennent depuis 1994. Mais leurs actions de protestation ont été largement ignorées et n'ont souvent pas fait les gros titres au-delà des journaux régionaux jusqu'au jour où cela a éclaté avec une ampleur jamais égalée.

Les responsables de l'éducation à Mada­gascar doivent, aujourd'hui plus que jamais, faire preuve d'audace et d'ouverture d'esprit. Cela signifie également qu'ils doivent être ouverts à la remise en question de leur propre management et aux défis posés par le contexte de délabrement chronique des études supérieures. Il faut penser différemment par rapport aux défis de notre temps car l'histoire a montré autant durant la déco­lonisation, l'indépendance comme actuellement qu'un bras de fer à tort avec la force estudiantine peut mener au déclin d'un pouvoir en place.

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