Madagascar: Les raisons d'une religion d'État en Imerina

Les protestants se plaignent de leur situation, mais leurs premiers envoyés, les Langa et les Escande, ont fait ce qu'ils ont pu pour la rendre telle qu'elle. Il était évident que, du jour où on ne les protègerait plus au détriment des autres sectes, ils péricliteraient. "

Pour un chroniqueur français, qui préserve son anonymat, la " politique libérale et impartiale " suivie par le général Joseph Gallieni, consiste à n'afficher aucun " esprit de chapelle " pas plus dans un sens que dans un autre, dans les relations officielles avec la population locale.

Le gouverneur général tient également à accorder à toutes les religions, à toutes les confessions une protection égale. Il est logique, estime le chroniqueur, si cette politique a pour résultat " l'atrophie du protestantisme dont la seule force avait été jusque-là d'être une religion d'État ".

Aux premières années de la colonisation, pour les Français, les Malgaches n'ont, en principe, aucune religion, nonobstant celle des coutumes. Mais pour les Européens, en général, celles-ci se caractérisent, entre autres, " par la superstition et la sorcellerie ". Le chroniqueur français argumente par une preuve qu'il tire de l'insurrection des Menalamba, dont " la caractéristique était un retour aux vieilles coutumes ".

Il évoque aussi la déclaration comme religion d'État à Madagascar du protestantisme et les raisons du Premier ministre Rainilaiarivony à inciter la reine Ranavalona II à se convertir au christianisme.

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D'après le journaliste, ce n'est nullement pour faire plaisir aux Anglais, comme on le laisse souvent entendre. En fait, écrit-il, il agit ainsi pour détacher la reine du vieux parti conservateur. En effet, il indispose ce dernier en s'emparant du pouvoir alors qu'il est un simple hova, " de la classe des simples gens libres ". Aussi, pense le chroniqueur, en faisant de la reine une protestante, " il comptait, en cas de révolution, s'appuyer sur les Anglais qui avaient promis leur concours ".

De plus, l'idée de Rainilai­arivony repose aussi sur un fait. Pour obéir aux traditions, les fortes têtes du parti conservateur imiteraient la reine. Ainsi, grâce au nouveau culte, ils perdraient peu à peu les vieux préjugés dont, par sa situation, il peut être la victime. Selon le chroniqueur français, ce fait apparait nettement dans un document sur la relation du dernier voyage sur la côte de Rasoherina qui quitte la capitale, le 20 juin 1867.

Le journaliste français reprend alors les premières phrases du document. " La reine de Madagas­car Rasoherimanjaka et tous les sujets qu'elle avait désignés pour l'accompagner à Andevoranto se mirent en route le jeudi, dans la deuxième période d'Alahamady, à 8 heures et demie du matin. En quittant son palais, elle entra à Mahitsy (Mahitsielafanjaka, la case d'Andrianampoinimerina). Elle en sortit pour aller prier les Sept tombeaux (ceux des anciens rois appelés le Fitomiandalana), puis à celui de Radama Ier. En quittant ce dernier, elle alla faire ses dévotions près de Kelimalaza et de Rafantaka. "

Ces idoles royales ont donc encore conservé toute leur puissance avec leurs propres cases et leurs prêtres, dans l'enceinte même du Rova. C'est pourquoi la reine n'ose pas entreprendre un voyage sans d'abord se les rendre favorables.

Toujours dans ce document, quelques lignes plus loin, on peut lire : " En arrivant à Ambohimanambola, elle fit un détour et quitta la route de Tamatave pour aller visiter l'autel de Kelimalaza. Elle pria Rasamo, le grand prêtre, fit le kabary dans les formes voulues, puis elle continua sa route. " Autrement dit, elle n'ose pas passer à proximité de la localité consacrée à l'idole sans s'y arrêter. " Telles étaient, en 1867, les idées de la reine de Madagascar, du Premier ministre qui l'accompagnait et de toute sa Cour. "

Cependant, juste avant sa mort, Rasoherimanjaka reçoit in extremis des mains de Jean Laborde l'extrême-onction, faisant réellement d'elle la première Reine chrétienne de Madagascar, mais de confession catholique.

Moins de deux ans plus tard, en février 1869, Rainilaiarivony et la nouvelle reine, Ranavalona II sont baptisés par des Métho­distes. Car le Premier ministre peut se rendre compte pendant tout le règne de Rasoherina, de la situation des esprits parmi les Andriana, chefs des serfs. Et dès que Rasoherina tourne le dos en avril 1868, il constitue l'Église d'État en décembre de la même année.

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