Madagascar: Le mythe du péché originel dans le Vakinankaratra

Dans ses différentes publications sur les croyances et les moeurs malgaches, le pasteur Lars Vig, missionnaire à Masinandraina (1876-1902) près d'Antsirabe, révèle que plusieurs légendes malgaches rappellent les premiers chapitres de la Bible.

Dans ce que l'on appelle alors le Betsileo du Nord (le Vakinankaratra), il cite celle sur " l'arbre feuillu qui poussait dans la cour de l'homme ". C'est l'un des mythes les plus beaux. Il rappelle l'arbre de vie du jardin d'Eden, affirme-t-il. " Dieu avait mis beaucoup d'aliments autour de l'arbre. " Il défend aux hommes d'en manger, mais comme ils le font néanmoins, l'arbre feuillu disparaît. Alors la mort couvre de son voile le monde.

Les hommes cherchent longtemps l'arbre et le découvre près du soleil. Ils mobilisent toutes leurs forces pour ramener sur la terre " l'arbre du charme ", comme il est aussi appelé. Tous leurs efforts sont vains. Ils vont donc à Dieu " et demandèrent humblement et instamment que l'arbre leur soit rendu, afin d'être débarrassés de la mort ". Selon Lars Vig, c'est par les termes employés et par la pensée exprimée dans la prière que les Malgaches se reconnaissent coupables, " mais Dieu refusa de les écouter". Il répond seulement que ce qu'ils demandent, est impossible. " Il n'y avait plus rien d'autre à faire pour l'homme que d'accepter l'inévitable, s'incliner devant le sort." Le missionnaire mentionne que, dans ce mythe, apparaît au final la pensée que c'est Dieu qui, au fond, est cause de la mort. Cependant, Dieu est souverain. Plus que le roi ou le prince, il peut " mettre à mort ou entretenir la vie ". Ainsi, s'il exige la vie d'un homme, le malade ne peut être sauvé que si un autre meurt à sa place. C'est l'idée de substitution dans la religion malgache qui domine dans le culte de taha," caractérisé par un sacrifice sanglant ". Lars Vig l'explique à travers une autre légende.

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" Il était une fois, dit-on, " un homme qui a un fils unique. Un jour, il tombe gravement malade et son père va trouver le saint (ombiasy) pour demander un sikidy . Mais l'ombiasy indique : " Ceci ne vient pas d'une culpabilité terrestre, donc ce n'est pas un cas où je puis intervenir ; c'est une culpabilité aux cieux. Il faut donc vous adresser à Dieu. " L'homme rentre chez lui, raconte à sa femme ce que l' " ombiasy lui suggère et lui dit d'aller afin que notre enfant puisse guérir ". Elle le fait et raconte à Dieu ce qui leur est arrivé. Zanahary lui répond : " Cela est vrai, mais viens tout près de moi, je t'ôterai la vie afin que ton enfant puisse guérir. " Mais la mère rétorque : " Non, je ne puis le supporter, j'aime trop la vie. " Elle rentre et rend compte à son mari.

Quand l'époux entend ce qu'elle a fait, il le lui reproche et part trouver Dieu pour lui dire: " Je m'offre à être tué à la place de mon enfant. Je mourrai, mon enfant vivra." Dieu précise : " Ta tête sera tranchée. " Et le père confirme :

" Même si ma tête est tranchée, Seigneur, j'accepte de mourir. " Alors Dieu le rassure : " Je ne te ferai pas mourir, car je sais que tu aimes ton enfant, même si ce n'est pas toi qui l'as porté pendant dix mois. Bien que tu n'aies pas eu à souffrir pour l'enfant, tu l'aimes plus que sa mère. "

Lars Vig cite alors un dicton issu de ce mythe : " Je mourrai pour mon enfant. " Ou encore : " Faute de la mère, c'est la maladie, faute du père, c'est la mort. "

D'après le missionnaire norvégien, ce que le mythe veut enseigner, n'est pas que la mère a pour son enfant un amour moindre que le père, mais que la " culpabilité aux cieux " qui exige la mort de l'enfant, est une faute du père. Et l'auteur d'ajouter que cette même pensée se retrouve dans la vie des Malgaches. Si un enfant naît avec un mauvais sort, le " mal venant de la mère " peut être enlevé par un acte d'exorcisme : le côté gauche de l'enfant est enduit sept fois de la tête à la plante du pied avec l'écume d'eau sacrée. Ce n'est pas le cas s'il s'agit d'une " culpabilité aux cieux" car alors, un sacrifice est nécessaire.

Autre point sur lequel Lars Vig attire l'attention : le père propose de se substituer à son enfant malade, le plus grand doit se sacrifier pour le plus petit. " Cela s'oppose absolument à ce qui est maintenant l'opinion générale chez les Malgaches (ndlr : sous la monarchie) : l'inférieur doit se sacrifier pour le supérieur ! "

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