Ile Maurice: Soondress Sawmynaden - «Les enseignants ne sont pas des paresseux...»

interview

Il est connu pour sa franchise. Il n'a jamais craint de dire les choses telles qu'elles le sont. Et encore moins aujourd'hui. Soondress Sawmynaden revient, sans détour, sur de nombreux aspects du secteur éducatif, dont les classes de rattrapage, le rapport de l'audit ou encore la drogue dans les écoles...

Le rapport de l'audit est une nouvelle fois accablant pour l'Éducation. Il dénonce accumulations d'eau, infestations de rat et autres bestioles, toilettes en piteux états et travaux inachevés dans certains établissements. Êtes-vous surpris de cela ? Comment est-on arrivé là ?

Surpris ? Pas du tout. Chaque année, c'est la même chanson. Chaque année, les mêmes problèmes sont soulevés dans ce rapport. Aucune mesure n'est prise pour stopper les maldonnes. Par exemple, jusqu'aujourd'hui, il y a un manque accru de personnel. Aucune des quatre zones n'a de directeur permanent. Il y a aussi un manque de coordination. On note une lenteur et une certaine léthargie. Qui plus est, les procédures sont longues et les recteurs ne peuvent rien décider d'eux-mêmes ; il leur faut le feu vert de la zone et la zone celui du ministère de l'Éducation. Il y a tout l'aspect bureaucratique qu'il faut résoudre pour plus d'efficacité. Les écoles sont jolies de l'extérieur mais regorgent de problèmes à l'intérieur qu'il faut absolument traiter.

La semaine dernière la ministre a annoncé huit jours de rattrapage. Est-ce une bonne chose ? À quoi cela va servir ?

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La décision a été annoncée au dernier moment. Les enseignants et les élèves avaient déjà planifié leurs vacances. Certains allaient à l'hôtel, d'autres en voyage, surtout après le Covid-19. Moi, je dis qu'au lieu d'étendre les jours de classe, il fallait un emploi du temps rotatif pour tous les élèves. C'est-à-dire, un emploi du temps classifié comme Jour 1 à Jour 5. Un exemple, il y a eu des pluies torrentielles au Jour 3, un mercredi, à la reprise, jeudi, on enchaîne avec le Jour 3. À ce moment-là, les élèves n'auraient rien perdu et ils auraient couvert tous leurs sujets.

Sachant que plusieurs enseignants ont déjà terminé leur programme du premier trimestre et que les tests sont déjà faits, à quoi vont servir ces trois jours de rattrapage, selon vous ?

Justement, les enseignants ne pourront pas faire grand-chose. Les élèves ont fini leurs assessments et sont en mode relax. Il n'est pas recommandé de débuter les leçons du second trimestre et puis partir en vacances. Ce serait une perte de temps.

Le mauvais temps, il y en aura encore l'année prochaine avec les changements climatiques. Quelle est la solution à long terme ?

L'emploi du temps rotatif. Je ne suis pas pour les cours en ligne, sauf s'il y a le Covid-19 encore une fois. Les cours en ligne et ceux en présentiel ne sont pas pareils. Il faut d'abord former les enseignants à devenir des animateurs pour que les cours en ligne soient efficaces. Il faut aussi leur donner les équipements nécessaires. On ne peut pas leur demander d'utiliser leur propre Internet et électricité contre rien. Ce n'est pas normal.

Les syndicats ont montré leur mécontentement au sujet de ces huit jours de rattrapage, est-ce justifié ? Les enseignants sont-ils des paresseux ?

Les enseignants ne sont pas des paresseux. Ils ont fait leur travail pour la plupart. C'est le ministère qui a pris la mauvaise décision pour ces jours de rattrapage.

Parlons de la drogue dans les écoles. Que pensez-vous de la situation de nos jeunes face à ce fléau ?

La situation est très grave. La drogue est accessible partout. Que ce soit dans les écoles de filles ou de garçons et mêmes dans les académies. Il y a un rajeunissement chez les élèves qui en consomment. Même dans les écoles primaires, il y a eu des cas recensés.

Il est évident que les enseignants ne pourront pas tous les surveiller pendant les heures de classe. Quelle est la solution à ce problème ?

Il ne faut pas sensibiliser les élèves en one-off et puis terminé. Il faut désormais sensibiliser les jeunes en continu. Avoir une équipe dédiée de la police - pas la Special Striking Team (rires) - qui fera des descentes régulières dans les écoles mais impromptues avec des chiens renifleurs. Cela aurait donné un signal fort à tous. Il faut aussi encourager les autres élèves à dénoncer en les protégeant. Comme des whistle-blowers.

Êtes-vous choqué que l'on retrouve même des dealers de drogue parmi les élèves ?

Non, les grands dealers savent amadouer les petits revendeurs en leur offrant des téléphones portables dernier cri ou des mobylettes. Ils savent que c'est facile d'écouler leur stock dans les écoles parmi les jeunes.

Que pensez-vous des cinq crédits pour faire le HSC ?

J'ai toujours été un défenseur des cinq crédits. Ce n'est pas la mer à boire. Il faut que les jeunes arrêtent de perdre leur temps sur les réseaux sociaux. Que les parents assument leurs responsabilités... Puis il faut qu'il y ait moins d'élèves dans une classe, pour plus d'attention de l'enseignant et laisser libre cours aux élèves de choisir les matières qu'ils souhaiteraient faire en grade 10 et 11. Souvent, ils n'arrivent pas à choisir les sujets qu'ils auraient souhaité étudier et les choisissent par dépit, par obligation. Quand j'étais recteur, je laissais toujours à mes élèves ce choix. On a case-to-case basis, on peut décider de laisser monter un élève en grade 12 à condition qu'il reprenne part à l'examen dans la matière ou il n'a pas obtenu de crédit. Par exemple, un élève qui a eu quatre distinctions et manque un crédit. À ce moment-là, oui !

«A notre époque avoir 8 crédits était chose normale. Il n'y avait ni leçons particulières, ni internet.»

Et le nombre de points revus à la baisse pour obtenir un crédit ?

À notre époque avoir 8 crédits était chose normale. Il n'y avait ni leçons particulières, ni Internet. Je pense que tous doivent prendre leurs études au sérieux et avoir une bonne base.

La gratuité du pré-primaire, est-ce une priorité ? Comment trouvez-vous la décision du gouvernement à ce sujet ?

L'idée dans la forme est bonne. Mais tous les enfants auront-ils le même niveau au final ? N'y aura-t-il pas une prolifération d'écoles pré-primaires de haute qualité et payante ? À ce moment-là, il y aura toujours une certaine inégalité. Dans les écoles primaires du gouvernement, les enseignants ont tous plus ou moins le même niveau. Cela sera-t-il le cas pour les enseignants du pré-primaire ? Il faudra les règlementer.

Un mot sur la polémique du collège Royal de Curepipe ?

Étant moi-même un ancien élève du collège Royal de Curepipe, je pense que la polémique est désormais chose du passé et que les élèves ont appris la leçon. Ils doivent aujourd'hui réfléchir aux conséquences de leurs actes avant d'agir. Comment en est-on arrivé là ? Je pense qu'aujourd'hui on a tendance à oublier les valeurs, le respect et le savoir-vivre. Il faut revenir avec un cursus scolaire sur l'honnêteté ou encore le respect, entre autres. Le but ultime ne devrait pas être simplement de fabriquer des lauréats à la pelle.

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