Afrique de l'Ouest: Le réalisateur ivoirien Henri Duparc à l'honneur à Abidjan

À Abidjan, La Fabrique Culturelle consacre ce mois-ci quatre soirées à une rétrospective des oeuvres de Henri Duparc, figure emblématique du cinéma ivoirien. Avec au menu, les grands classiques : Bal Poussière (1989), Rue Princesse (1993), Caramel (2005) et L'Herbe sauvage (1977)... Retour sur la carrière de l'un des plus grands réalisateurs d'Afrique francophone.

Henri Duparc est né en 1941 en Guinée. Mais c'est la Côte d'Ivoire qu'il a choisie comme patrie d'adoption. De son arrivée à Abidjan en 1967 à sa mort à Paris en 2006, c'est là qu'il a réalisé ses nombreux documentaires, courts et moyens-métrages, un feuilleton et les sept longs-métrages qui ont fait sa gloire... Des comédies irrévérencieuses, dont les répliques sont devenues cultes en Côte d'Ivoire.

Comme ce passage de Bal Poussière, où la nouvelle épouse d'un polygame explique le consentement à son mari :

« Si tu as envie, tu me dis "Belote". Si je veux, je te dis "Rebelote". Mais si je ne veux pas, je dis "Je passe" !

- Ahi !

- Quand on est bien éduqué, c'est comme ça qu'on parle.

- Mais... C'est quelle façon, ça ?

- C'est la nouvelle façon. »

« À partir d'une anecdote, d'une blague, il pouvait soulever un sujet important »

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Car sous leur ton potache, les films de Henri Duparc commentaient en profondeur la société ivoirienne. « Il faisait tout avec humour, se souvient Pacôme Mel, l'un de ses anciens acteurs. On ne savait jamais quand il était sérieux. À partir d'une anecdote, d'une blague, il pouvait soulever un sujet important tel que le viol, la polygamie, le sida, le mariage forcé... C'est lui seul qui avait ce talent-là. Il savait le faire. »

Son épouse et ex-collaboratrice, Henriette Duparc, qui préside aujourd'hui la Fondation Henri Duparc, salue la modernité d'un cinéaste qui a su poser très tôt la question des droits des femmes : « Les femmes ont toujours été à l'honneur dans ses films. Il a abordé tous les combats que pouvait mener une femme moderne dans une société ivoirienne en pleine évolution. Dans tous ses films, d'ailleurs, les femmes prennent leur destin en main. Dans Bal Poussière, Binta, le personnage [principal], quitte [le village], elle dit qu'elle préfère sa liberté à la tradition. »

« Il y a des scènes de nu, bon. Il y a même un journaliste burkinabè qui avait dit à Henri Duparc qu'il avait tourné un film porno, et Duparc lui a répondu qu'il n'avait jamais dû voir de film porno ! Mais c'est vraiment magnifier aussi la beauté de la femme. Du côté du public... Quand le film est sorti pour la première fois, il est allé au Fespaco et il a eu un énorme succès. Un peu moins du côté de certains Occidentaux, qui ne comprenaient pas qu'on puisse vivre une modernité... Je vous donne aussi l'exemple de Rue Princesse, qui a été projeté dans un festival aux États-Unis, et les Américaines noires qui étaient là étaient étonnées de voir que des femmes africaines savaient conduire des voitures ! »

L'oeuvre de Duparc a été récompensée de son vivant au Fespaco, en Europe et même au Canada et aux États-Unis. Et Bal Poussière a remporté en 2021 la palme Cannes Classics. Cette comédie culte a pu être numérisée pour l'occasion, mais la Fondation Henri Duparc tente maintenant de réunir les fonds pour pouvoir numériser l'ensemble de son oeuvre.

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