Ile Maurice: L'impact de la dédollarisation sur le commerce local

analyse

L'hégémonie du dollar américain dans les transactions commerciales est sous pression face aux efforts de diversification à l'international.

En effet, si plusieurs États prônaient déjà une dédollarisation, la hausse des taux d'intérêt aux États-Unis post-Covid, son impact sur le dollar et les conséquences sur la valeur des monnaies locales et l'inflation ont ajouté aux arguments encourageant cette diversification des monnaies de réserve pour le commerce international.

De plus, on l'a vu dans le contexte des sanctions contre la Russie, les États-Unis sont tout à fait capables d'imposer un gel des réserves en dollars d'un pays tiers, affectant son économie locale. Cela pourrait encourager de nombreux pays à réduire l'influence du dollar américain sur leur économie locale et à envisager d'autres alternatives ; dans ce cas, le yuan chinois devient un choix tout à fait légitime. À Maurice, avec notre renminbi clearing centre et le projet d'introduction de l'Indian Rupee Vostro, nous sommes aussi appelés, en tant qu'importateur, à avoir notre voix au chapitre sur les modalités des transactions commerciales à l'avenir.

L'actualité autour d'une dédollarisation est dominée par le sommet des BRICS, organisation qui rassemble l'Afrique du Sud, la Chine, le Brésil, la Russie et l'Inde et se tiendra en août prochain. En effet, si le bloc BRICS a déjà dépassé le G7 en termes de contribution au Produit intérieur brut (PIB) mondial, sa voix et son projet commun pour une monnaie de réserve en remplacement du dollar américain ont certainement une force de résonance. Pour le contexte, l'ordre monétaire fondé sur le dollar est déjà remis en question par les efforts de dédollarisation de nombreux autres pays, sans compter l'émergence des monnaies numériques des banques centrales, qui prennent de l'ampleur en Afrique et ailleurs.

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La Chine et l'Inde paient déjà les produits de base russes en renminbi, en roupies indiennes et en dirhams des Émirats arabes unis. Selon Reuters, le Tadjikistan, Cuba, le Luxembourg et le Soudan ont commencé à discuter avec l'Inde de l'utilisation du mécanisme de règlement en roupies indiennes, pour régler leurs transactions. La Chine a, de son côté, encouragé les pays membres du Gulf Cooperation Council à régler leurs transactions en renminbi pour le commerce de pétrole et de gaz naturel.

Justement, le gouvernement saoudien a annoncé qu'il allait commencer à facturer ses exportations de pétrole vers la Chine en renminbi. À ne pas oublier qu'en France, TotalEnergies a complété sa première transaction de GNL libellée en yuans avec le géant des hydrocarbures chinois CNOOC, de même que le Brésil a adopté cette monnaie pour une partie de ses échanges avec la Chine.

Revenons maintenant au contexte mauricien. En 2022, le dollar américain représentait 72,9 % de nos importations et l'euro 19,1 %. Évidemment, si le dollar et l'euro s'apprécient par rapport à la dépréciation de la roupie mauricienne due au contexte local, l'appréciation du dollar avec la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine a également un impact sur l'écart entre la valeur du dollar et celle de la roupie, affectant ainsi notre facture d'importation. Toutefois, il est important de noter que nos importations en 2022 ont été effectuées en premier lieu avec la Chine, suivie de l'Inde en deuxième position, de l'Afrique du Sud, des Émirats arabes unis et de la France. Considérant ce Top 4, utiliser une alternative au dollar américain pour le règlement de nos factures pourrait réduire notre soumission forcée à la volatilité du dollar car, compte tenu de la suprématie actuelle du dollar, le coût de conversion de la roupie en dollar pour un importateur local est élevé.

Aussi, le partenariat entre la Bank of Mauritius et la Bank of China dans l'institution d'un RMB Clearing Centre pourrait jouer un rôle important dans ce mouvement de dédollarisation en Afrique continentale. Évidemment, cela n'est pas si simple, au niveau des exportations ou encore du tourisme où on gagne à trader en euro ou en dollar. L'Europe, le Royaume-Uni et les États-Unis sont aussi des partenaires commerciaux importants, dont la susceptibilité peut avoir un sérieux impact sur notre économie locale.

Finalement, si le monde a su garder l'esprit ouvert pour accueillir l'euro dans les années 2000, nous devrions pouvoir faire de même pour le yuan et la roupie indienne maintenant. Aussi, dans un contexte où l'ordre mondial subit des mutations, il est important que Maurice réfléchisse à ce qui pourrait lui être bénéfique à long terme et à ce qui pourrait être bénéfique à son économie, indépendamment des pressions extérieures. Nous avons aussi le droit de veiller à nos intérêts nationaux.

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