Afrique de l'Est: Violences dans la province d'Amhara, en Ethiopie

Une carte de l'Éthiopie, montrant les États régionaux du Tigré, d'Amhara et d'Afar.

Les autorités locales craignent que le démantèlement des "forces spéciales" régionales n'affaiblissent la province.

Depuis plusieurs jours, les tensions sont vives dans la région d'Amhara, dans le nord de l'Ethiopie : des manifestations antigouvernementales ont éclaté notamment à Bahir Dar, la capitale administrative de la région, pour protester contre le processus d'intégration des "forces spéciales régionales" dans l'armée fédérale ou la police.

Désarmement et intégration des paramilitaires

Le processus lancé jeudi dernier prévoit le désarmement puis l'intégration des "forces spéciales" à l'armée ou la police fédérales. Ces" forces spéciales" sont en fait des groupes paramilitaires établis par certains des onze Etats régionaux de l'Ethiopie, en-dehors de tout cadre légal.

Pendant la guerre dans le Tigré, entre 2020 et 2022, ces "forces spéciales" amhara ont été des alliées précieuses de l'armée éthiopienne. Elles comptent plusieurs dizaines de milliers d'hommes, bien équipés et bien entraînés.

Mais leur désarmement et leur intégration dans l'armée régulière font craindre aux autorités provinciales de rendre les régions plus vulnérables aux attaques lancées par les régions voisines - dont le Tigré, dans le cas de l'Amhara qui se sent menacée malgré l'accord de novembre dernier, signé à Pretoria avec les forces tigréennes du TPLF.

D'où les manifestations de ces derniers jours.

Une accalmie fragile

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Dans la région d'Ataye et de Jile, des manifestations ont eu lieu aussi. Eshetu, un témoin oculaire, relate des heurts survenus entre militants Amhara et Oromo. "Les forces de défense nous ont tous immobilisés, dit-il à la DW. (...) Nous n'avons jamais rien vu de tel auparavant. Sans discrimination, elles nous défendent contre le désir envahissant des militants Amhara et Oromo."

A Bahir Dar, capitale administrative de la province d'Amhara, des protestataires ont bloqué des routes et brûlé des pneus. Des heurts ont éclaté, dimanche, entre des membres des forces spéciales et de la milice d'autodéfense amhara des Fano d'un côté et des soldats de l'armée fédérale de l'autre.

Dimanche, deux employés du Catholic Relief Services, une Ong catholique américaine, ont été tués. Et trois hommes sont morts, lundi, tués dans une explosion. A Gondar, dans le centre, la Croix rouge éthiopienne signale qu'une sage-femme a été blessée par balle.

Les violences ont cessé mais le calme reste précaire, comme le montre ce commentaire de ce chef des militants Fanos après les heurts entre la milice et les forces de défense nationale: "Nous avons un cessez-le-feu. C'est réglé. Nous allons négocier par le biais d'une médiation arbitrale. Les anciens et les pères de l'église ont également été impliqués, mais nous tenons à remercier les habitants de la ville de Kobo, ils ont été extraordinaires."

Mesures de restriction dans les villes

Depuis lundi, un couvre-feu est en vigueur dans les grandes villes de la province amhara : Bahir Dar, Gondar, Dessié.

Un habitant de Dessié témoigne au micro d'Alemnew Mekonnen, correspondant de la DW, des troubles survenus dans sa ville en début de semaine: "Il y a eu des tirs occasionnels dans la matinée, je pense pour disperser [les manifestants]. Aujourd'hui, les tirs ont cessé mais les routes sont toujours fermées."

Certains véhicules ne peuvent plus rouler la nuit. Les bars, les discothèques doivent fermer leurs portes à 21 heures. Et les grèves sont interdites. Toute réunion doit être signalée aux autorités.

La province d'Amhara est inaccessible depuis plusieurs jours, les télécommunications très perturbées.

A cause de ces violences, depuis vendredi dernier, le Programme alimentaire mondial (PAM) a suspendu la distribution de l'aide dans la région d'Amhara.

Le ministère allemand des Affaires étrangères préconise d'ailleurs d'éviter tout déplacement dans la zone tout comme dans d'autres provinces et les régions frontalières avec le Kenya ou le Soudan.

Abiy Ahmed ne plie pas

Le chef du gouvernement considère le démantèlement des "forces spéciales" comme nécessaire pour accentuer l'unité du pays.

Dans une déclaration publiée sur son compte Twitter dimanche, Abiy Ahmed avait reconnu que "l'Éthiopie avait rencontré des difficultés... en relation avec les forces spéciales régionales", soulignant l'existence de postes de contrôle illégaux, de contrebande et de banditisme.

Le Premier ministre a assuré que le gouvernement "essaierait de convaincre et d'expliquer (la décision) à ceux qui s'opposent sans comprendre" mais il averti également que "des mesures répressives seront prises à l'encontre de ceux qui jouent délibérément un rôle destructeur".

Malgré ses déclarations, le mécontentement ne faiblit pas. Sur les réseaux sociaux, des hashtags comme " #AmharaResistance" ont déjà fait leur apparition.

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