Afrique: Au Soudan, l'incertitude persiste au quatrième jour des combats entre armée et paramilitaires

Les affrontements continuent au Soudan pour le quatrième jour de suite, entre l'armée nationale dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide (FSR), puissante milice paramilitaire avec à sa tête le général Hemedti. Le bilan est incertain : 185 morts et 1 800 blessés selon l'ONU, 144 morts et 1 400 blessés d'après le comité central des médecins soudanais.

Sur place, la situation est toujours très confuse. Impossible de dire qui a pris le dessus. À Khartoum, siège du pouvoir, il y a toujours des combats de rues, des bombardements aériens des forces nationales sur les paramilitaires.

Des témoins parlent d'hommes armés circulant dans des voitures sans plaques, de civils menacés par des miliciens les dépouillant, exigeant de l'eau, un abri, ou encore expulsant les habitants.

La propagande bat son plein. Les Forces de soutien rapide (FSR) revendiquent la prise du siège des médias publics, ainsi que de l'aéroport de Méroé, plus au Nord. L'armée, elle, assure tenir son quartier général. La situation n'est pas bonne. L'armée contrôle la ville mais les FSR sont postées autour d'El Fasher. Depuis 11h ce matin, on n'a pas entendu de tirs.

Ici, au campus universitaire, nous sommes plus de 200 étudiants. Il n'y a plus d'électricité. Les militaires sont venus nous voir pour nous demander de rester à l'abri. Mais ça fait plus de quatre jours qu'on est cloîtrés sans rien. Nous avons besoin d'aide, besoin de retourner dans nos familles. Mais personne ne nous aide. Hier mes frères sont sortis chercher à manger. Mais toute la ville est cloîtrée. Les marchés et boutiques sont fermés. Ils n'ont rien trouvé. Moi, je n'ai pas mangé depuis deux jours.

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On peut boire et dans notre chambre nous avons un peu de sucre. On mélange ça avec de l'eau et on boit. Beaucoup d'étudiants ont profité de l'accalmie pour partir. Ils voulaient rentrer chez eux. Mais la situation est tellement mauvaise. Les combats ont cessé depuis 3 ou 4 heures. Certains sont partis, mais on n'a plus de nouvelles d'eux. Moi je crains que les combats ne reprennent vite.

Le témoignage d'un étudiant à El Fasher, dans le Darfour-Nord, à l'Ouest du Soudan

Sébastien Németh

Les humanitaires dénoncent des pillages. Organisations non-gouvernementales et agences ont pour la plupart suspendu leurs activités. La Croix-Rouge et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont demandé aux belligérants de garantir l'accès aux personnes dans le besoin.

Le Comité des médecins parle d'au moins 16 hôpitaux hors service dans le pays, après avoir été touchés par des roquettes, des pannes de courant ou le manque de matériel. Ce matin, les luttes ont continué. C'était avant 5h et ça a duré trois heures, sans cesse. Donc, on a mis tous les matelas pour se séparer des fenêtres. Mais ça ne rassure pas quand on a deux enfants et quand on sait que, si jamais on est blessé, on n'a pas accès aux hôpitaux. Parce que, en fait, on ne peut pas sortir du tout de la maison.

Parce que, vraisemblablement, les forces - je ne peux pas vous dire lesquelles - tirent dans tout ce qu'il bouge. On connaît aussi des gens qui n'ont plus rien à manger, mais on ne peut pas les aider, parce qu'on ne peut pas sortir de chez nous. Par exemple, je connais une famille locale qui n'a acheté que du lait pour ses quatre enfants à prix exorbitants.

Mais les militaires, qui sont habitués à lutter, ne vont pas dire : "OK, là, on va s'arrêter." Ce n'est pas pour ça qu'ils ont commencé tout ça. Donc, moi, j'espère d'abord pouvoir être évacuée avec ma famille le plus vite possible, je n'attends que ça. Mais, pour l'instant, ce n'est pas possible parce qu'il faut qu'on ait le minimum de conditions pour une opération comme ça.

Maria Levcenko, expatriée, habite à Khartoum depuis deux ans et demi

Amélie Tulet

Côté diplomatie, la communauté internationale pousse pour un dialogue, tout en s'insurgeant après l'attaque de ses représentants.

Acte « irresponsable »

Un convoi diplomatique américain a été visé ce 17 avril par des tirs, sans faire de victime. Un acte « irresponsable », a déclaré Anthony Blinken.

Le secrétaire d'État américain s'est entretenu avec les deux généraux rivaux. Il a appelé à une cessation immédiate des violences et à la reprise des pourparlers.

L'ambassadeur européen a, lui, été agressé dans sa résidence dans la capitale. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell a dénoncé une « violation flagrante de la convention de Genève », insistant sur l'urgence d'un cessez-le-feu et d'une pause humanitaire. Mais les deux camps restent quasi inflexibles.

Le général Abdel Fattah al-Burhan a pris un décret pour dissoudre les FSR, les considérant comme une « force rebelle ». Il s'est dit ouvert à une négociation, mais la diplomatie soudanaise évoque dans le même temps une crise interne devant être réglée par les Soudanais.

Le général Hemedti accuse, lui, l'armée d'avoir violé la trêve et de bombarder les civils. Il réaffirme toutefois son accord pour un cessez-le-feu de 24h.

L'Égypte se penche sur ses militaires prisonniers au Soudan et ses milliers de ressortissants dans ce pays L'Égypte est de plus en plus préoccupée par la détérioration de la situation au Soudan. Le 17 avril 2023, le président al-Sissi a convoqué le Conseil suprême des forces armées pour discuter de la question et des mesures à prendre.

Au terme de la réunion avec le Conseil qui regroupe les chefs de toutes les branches de l'armée, le président Abdel Fattah al-Sissi a proposé la médiation de l'Égypte et a affirmé la neutralité de son pays, inique notre correspondant Alexandre Buccianti.

La préoccupation immédiate des autorités du Caire concerne le sort de dizaines de militaires égyptiens faits prisonniers par les Forces de soutien rapide (FSR) soudanaises qui les ont accusés d'être des « envahisseurs ».

Les Égyptiens participaient avec des Mig 29 à des manoeuvres conjointes avec l'armée de l'air soudanaise. Le général Hemedti, chef des FSR, a déclaré que les Égyptiens n'étaient pas détenus. Mais, pour le moment, on n'a toujours pas de leurs nouvelles.

Le nombre d'Égyptiens au Soudan est estimé à plus de 100 000

L'Égypte examine aussi la possibilité d'évacuer les Égyptiens du Soudan, en cas de détérioration accrue. Une tâche qui risque d'être titanesque puisque le nombre d'Égyptiens au Soudan est estimé à plus de 100 000. Certaines estimations montent même à un demi-million.

Jusqu'en 2022, il n'y avait pas de visas entre l'Égypte et le Soudan et donc très peu d'enregistrements auprès des consulats de la part de centaines de milliers de personnes qui circulaient dans les deux sens.

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