Madagascar: La présidentielle à la merci des Fokontany

C'est en 1996, voilà 27 ans déjà, la première fois que j'ai envoyé une Chronique par le mail d'Internet. Tout au long de ces années, je n'ai eu de cesse de m'émanciper de la «présence physique obligatoire». Mon nomadisme structurel s'épanouissait avec les possibilités, chaque année plus larges, qu'offrait la technologie de pianoter «azerty» sur une plage avant que, d'un seul clic, envoyer la Chronique.

Nous voilà en 2023, mais l'absurde et imposante paperasserie qu'exige la moindre démarche administrative à Madagascar, n'est toujours pas dématérialisée. Il faut encore se rendre dans quelque bureau assiégé par une foule qui serpente dans les escaliers ou fait la queue jusque dans la rue.

C'était le cas, ce 18 avril 2023, quand il m'avait fallu vérifier, parmi les registres déposés au Fokontany (heureusement que nous n'avions plus à réinventer l'ordre alphabétique), l'exactitude des renseignements sur la liste électorale provisoire.

Et alors que l'exemplaire de couleur jaune du document de recensement (article 15 de la loi organique 2018-008 relative au régime général des élections et des référendums) retourné par la CENI, le 16 décembre 2022, ne comportait aucune erreur, voilà que les mentions dans la liste électorale réservaient quelques (mauvaises) surprises. À quel moment du processus, il faut chercher l'erreur ?

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Quand, par exemple, l'Union Européenne, l'USAID, la Norvège, l'Allemagne, la France, la Corée du Sud, la Suisse et l'Australie financent un projet comme SACEM (Soutien Au Cycle Électoral de Madagascar), rendent-ils compte, auprès de leurs contribuables respectifs, comment et pourquoi l'informatisation et la numérisation («créer, à partir d'un document original au format papier, une copie accessible et exploitable en ligne») ne sont toujours pas à l'oeuvre dans l'île lointaine, et exotique, qu'est Madagascar ?

Comme les archives des Domaines peuvent se déchirer fort opportunément pour mieux créer l'incertitude du foncier, les recensements manuscrits peuvent hésiter sur un plein ou un délié (surtout que les copistes modernes ne maîtrisent plus la calligraphie des anciens) pour créer une erreur dont on ne réchappe que par un fastidieux jugement supplétif ou une pénible démarche auprès du tribunal, le jour même d'un scrutin, à moins de se résigner à l'abstention par omission.

Et quand bien même, «nul n'est censé ignorer la loi», personne ne connait la loi-organique 2018-008 relative au régime général des élections et des référendums. Extraits :

Art.7 La liste électorale est un document administratif dressé au niveau de chaque Fokontany ; Art.10 Le Registre électoral national est permanent et public. Il fait l'objet d'une révision annuelle (du 1er décembre au 15 mai de l'année suivante) ; Art.11 La refonte du Registre électoral national est effectuée tous les dix (10) ans ; Art.37 La liste (est) arrêtée provisoirement le 28 février de chaque année.

Post-scriptum : Dans le calendrier, ci-dessous, on peut s'inquiéter du devenir des listes électorales dans les 583 Fokontany d'Ambovombe (au pays du chantier en pointillés de la RN13) quand déjà, dans la Capitale Antananarivo, des gens déclarent ne rien savoir des 20 jours (article 21 de la loi organique 2018-008) pour vérifier la liste électorale (l'avis de dépôt, à l'article 19 de la loi-organique 2018-008, nécessite un précédent voyage au Fokontany).

10 avril 2023 : arrêtage provisoire de la liste électorale

11 au 16 avril 2023 (6 jours) : transmission des listes au niveau des Fokontany

17 avril au 6 mai 2023 (20 jours) : vérification au niveau des Fokontany

7 au 21 mai 2023 (15 jours) : transmission des réclamations

22 au 31 mai 2023 (10 jours) : traitement des réclamations

1er au 9 juin 2023 (9 jours) : impression des listes et acheminement vers les CED (commission électorale au niveau des Districts)

10 juin 2023 : arrêtage définitif et clôture du registre national électoral

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