Ile Maurice: Route Nicolay - Un bric à broc de toutes les époques pour sauver des choses du feu et de la poubelle

Le temps s'est arrêté en bordure de la route Nicolay, à Sainte-Croix, à dix minutes en voiture de la capitale bouillonnante.

Gramophone, machine à écrire, machines à coudre à pédale, porcelaines, d'extraordinaires sculptures en terre cuite ou en bois de rose (un bois protégé) et statuettes, des pièces de monnaie locales ou pas, une locomotive... Pas moyen de rater ce «musée» d'antiquités à ciel ouvert.

Raymond Mertz, le patron qui y a ouvert boutique il y a quatre mois, n'est pas loin. Ce Belge, installé à Maurice depuis 12 ans, confie d'entrée de jeu qu'il vient de vendre six ou sept karay, dont une de 70 cm de diamètre, une lampe à pétrole, ainsi qu'une machine à aiguille. Tout ça, malgré la pluie, plus tôt dans la journée. À chaque grosse goutte, ce retraité du bâtiment, actuellement brocanteur-antiquaire, est contraint de rentrer ses objets anciens, dont des peintures, à l'intérieur de l'édifice qu'il occupe depuis quatre mois.

À l'intérieur justement du bâtiment de deux pièces, qui a abrité une imprimerie durant les 40 dernières années, place à un véritable fourre-tout où le chineur est roi. Postes de radio, pendules murales, lustres, vases, poteries, faïences, tableaux, disques (allant du rock à la salsa et la rumba), livres, masques de carnaval... la palette d'objets, de diverses époques et civilisations, est très étendue.

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Raymond Mertz, tel un enfant fasciné, a les yeux émerveillés face à un abat-jour en forme de rose, fait entièrement de coquillages. Pour le brocanteur, ce «chef-d'oeuvre réalisé par des gens qui ont de l'or dans les mains est presque trop joli pour vendre». En tout cas, s'il y a une pièce à laquelle il tient beaucoup, c'est sans conteste une lithographie de William Shakespeare à la cour de la reine Elizabeth 1, datant de 200 ans. Une pièce rangée précieusement. De préciser toutefois que quand on aime, on aime tout. «Il faut que ça soit ancien. Je ne fais pas dans du plastique et des objets nouveaux», précise-t-il.

De culture allemande et polyglotte, Raymond Mertz partage que sa quête d'objets anciens l'avait un jour mené à Rivière-Noire, où il est tombé sur un livre de la Seconde Guerre mondiale. «Sur la première de couverture, il y avait un soldat américain devant des panneaux de signalisation, l'un indiquant Malmedy, 8 km, d'où vient ma mère, et l'autre St-Vith, 7 km, d'où vient mon père.

J'en parle et j'ai des frissons en pensant à cette découverte faite à 10 000 kilomètres de chez moi», raconte-t-il, tout ému. Raymond Mertz se reprend et affirme que les objets, qu'il achète et revend tous les jours, «partent comme de petits pains». Son chiffre d'affaires fluctuant peut osciller entre Rs 2 000 et Rs 7 000 par journée. Un objet peut se monnayer de Rs 15 à Rs 15 000. Le gramophone est fixé à Rs 7 000 et la locomotive, à Rs 3 500. En tout cas, qu'un objet parte ou reste, il demeure toujours le bienvenu quelque part.

Sa clientèle émane de toutes les tranches de la population. «Du plus simple ouvrier à des aristocrates», pour reprendre ses termes. Il cite des avocats et des gens bien placés. Il fait, toutefois, bien ressortir qu'il est toujours heureux d'accueillir tout le monde, qu'ils soient chineurs, chercheurs ou historiens, à la recherche d'une pépite. D'ailleurs, cet après-midi-là, un passionné était une énième fois de retour chez le brocanteur. Ce passant, qui, à sa toute première visite, avait été séduit par un coquillage exposé à l'extérieur, avait une nouvelle fois fait toute la route à moto depuis Quatre-Bornes pour dénicher une autre perle rare. Ce jour-là, il est reparti avec une canne ancienne à Rs 250, entre autres.

Une chose est sûre. Raymond Mertz ne compte pas arrêter en si bon chemin ce métier et passe-temps «tellement amusants et imprévisibles avec ce qu'on m'amène chaque jour». Un passe-temps qui lui permet ainsi qu'à ses clients de conjuguer le passé à tous les temps. Après tout, la nostalgie c'est pour toujours.

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