Afrique: Le lucratif commerce du transport des migrants au Niger

En dépit de son interdiction en 2015, le transport des migrants est une activité génératrice de revenus à Agadez, au grand dam des migrants subsahariens.

En mai 2015 le gouvernement nigérien faisait adopter un texte interdisant le trafic illicite de personnes migrantes. Les contrevenants risquent depuis "de un à 30 ans de prison", "des amendes de 3 à 30 millions de francs CFA (4.500 à 45.000 euros)" ainsi que "la confiscation" de leurs véhicules.

Mais l'adoption de cette loi n'a pas mis fin à ce trafic, même si le voyage est devenu plus cher et plus dangereux. En témoigne par exemple Issoufou, la vingtaine, originaire de Côte d'Ivoire. Il est coincé à Agadez depuis des mois. "Le problème que j'ai : je n'ai pas d'argent", confie-t-il au micro de la DW. "J'attends toujours pour continuer mon chemin, on m'a volé en venant ici, on m'a pris toutes mes affaires." Il raconte son calvaire, entre l'envie du retour et celle de continuer son chemin de migration. "Retourner dans son pays d'origine, ce serait un échec. L'interdiction légale des transports nous touche aussi. Dans les ghettos, nous sommes menacés par des jeunes ou par la police. Les jeunes sont agressifs, nous volent souvent, ils nous insultent. Ils disent : vous n'êtes pas les bienvenus ici, retournez d'où vous venez."

Commerce lucratif

En dépit de l'interdiction du transport des migrants, le commerce est toujours lucratif assure Amadou Amarou, le secrétaire général de l'association des "ex-prestations", ceux qui organisaient autrefois les transports de migrants. Selon lui, "cela a réduit le chômage." Il raconte avoir géré de cinq à six voitures. "Chacune des camionnettes m'a rapporté trois, quatre, voire 5 millions de FCFA - près de 5000 euros. Et tous ceux qui travaillaient autour de ce trafic étaient sur une liste, nous avions une liste et des cahiers indiquant qui était payé."

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Difficile "reconversion"

L'interdiction du transport des migrants a des conséquences économiques importantes déplore même Wadel Abubakar du conseil des jeunes de la région d'Agadez. Il explique que des milliers de jeunes étaient employés. "Les chauffeurs étaient des jeunes d'Agadez, dont certains conduisaient les migrants jusqu'à Tripoli. Malheureusement, cela est désormais interdit. La plupart des gens se tournent désormais vers l'orpaillage clandestin. Mais pour cela aussi, ils ont besoin d'argent et de moyens. Et comme ils n'ont pas ces moyens, beaucoup de ces jeunes ont rejoint les rangs des bandits. Ils attaquent les gens qui reviennent de Libye, les commerçants, ils leur prennent tous leurs biens. Ils tuent même parfois. On peut mourir pour un téléphone. Et tout cela est la conséquence de cette loi".

Wadel Abubakar assure que le conseil des jeunes continue de sensibiliser les jeunes sur le fait qu'il est possible de gagner de l'argent avec d'autres emplois que ceux dans le transport de migrants. "Le problème : les autres emplois ne sont pas aussi lucratifs que le trafic lié aux migrants", conclut-il.

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