Sénégal: Bourgade de Vélingara - Bessel, une « belle » au visage balafré

30 Avril 2023

Située à la périphérie de Vélingara-commune (région de Kolda), Bessel, la « belle » (en poulaar) est un tranquille village. Mais, ce coin de Vélingara manque de tout ou presque.

VELINGARA - Bessel, un nom anodin pour certains, mais qui renvoie à la beauté, en langue poulaar. Hameau calme, la localité attire par ses géants bosquets, ses cases en paille, ses bâtiments modernes, ses pistes sablonneuses et ruelles orthogonales où déambulent les piétons. Ici, dans cette contrée au nom chantonnant, les gens vivent en communauté, avec une société riche de ses rites, us et coutumes.

Mais, ce village peulh, l'un des plus anciens de Vélingara (région de Kolda), manque de tout. Ou presque. Pas d'électricité, pas d'eau potable, pas de poste de santé, pas de routes praticables...Ici, c'est le désert.

La belle bourgade offre un visage balafré. Accroché dans son domicile, logé au coeur de la localité, Oumar Baldé, octogénaire, Chef de village, debout sur un grand boubou défraîchi, est un homme affable. Il nous accueille le sourire au bout des lèvres

D'emblée, il rappelle que « même Kérouwane, localité plus éloignée que la nôtre est électrifiée, et l'eau y coule à flots. Mais Bessel est toujours laissé en rade ». Pour régler ces problèmes, des demandes ont été faites auprès des autorités étatiques et locales, mais la situation alarmante persiste encore. « Nous avons un forage qui n'arrose pas tout le village, seuls certains quartiers ont de l'eau, de façon périodique », s'insurge le chef de village.

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Pour ce qui est de l'électricité, « des poteaux ont été installés un peu partout, depuis belle lurette, mais, jusque-là, nous vivons dans les ténèbres. Et nous nous rabattons tous sur l'eau de puits », s'offusque le patriarche.

Pour l'histoire, Oumar Baldé rappelle que le village a été créé par un nommé Samba Lao de l'ethnie peulhe. Mais, présentement beaucoup de communautés y vivent. Ici, « nous existons en famille et nous nous soutenons mutuellement. On ne distingue pas le chrétien du musulman, le peulh du mandingue.

Nous sommes tous unis par les liens de bon voisinage », ajoute le Chef de village. On essaye, renchérit Oumar Baldé, de toujours laver le linge sale en famille et « faisons rarement recours à la justice ou aux forces de l'ordre et de défense ».

Cette après-midi, les funérailles d'une jeune mariée décédée la veille, a plongé le village dans un silence de cimetière. Seul le ronronnement des moteurs de taxi-motos déchirent le calme (in)habituel qui prévaut dans les ruelles escarpées et coins abruptes de Bessel. Les larmes aux yeux, la « belle » pleure la mort de son enfant, partie à la fleur de l'âge.

Santé, émigration, chômage...les grands maux

À Bessel, les femmes du village se démènent pour (sur)vivre. Le courage en bandoulière, elles cultivent la terre. Oumou Baldé, un relais communautaire et porte-voix des femmes du village informe qu'elle font du maraîchage. « Chaque femme tient son petit périmètre et essaye de faire avec ses maigres moyens. Ici, la terre est prometteuse, mais les moyens matériel et financier font défaut », regrette-t-elle.

La santé est aussi un grand corps malade à Bessel. La case de santé est presque vide, et « notre matrone ne vient presque jamais, faute de moyens logistiques et de médicaments. Malheureusement, tous nos malades sont contraints d'avaler des kilomètres pour rejoindre l'hôpital de Vélingara », déplore Oumou Baldé. Plus dommage encore, poursuit-elle, les femmes enceintes son évacuées par charrette ou à moto vers le district sanitaire de Vélingara.

Secrétaire général de l'Association des jeunes pour le développement de Bessel, créée en 2022, Harouna Baldé, 37 ans, a la tâche de manager ses congénères, pour entrevoir enfin des lendemains meilleurs. Une responsabilité qu'il porte fièrement sur ses frêles épaules. Les jeunes du village, souligne-t-il, veulent travailler, mais « il n'y a rien à faire à part les taxis-motos ». Une situation qui a poussé certains à entreprendre l'émigration irrégulière. Ainsi, beaucoup de nos camarades sont décédés dans le désert libyen ou noyés dans les eaux de la Méditerranée », dénonce Harouna Baldé.

Des émigrés clandestins ont laissé des femmes et des enfants sans nouvelles, avoue-t-il. Le plus cocasse, « certaines familles croient fermement que leurs enfants sont toujours vivants, alors que d'autres ont déjà fait le deuil », renseigne le Sg de l'association des jeunes. Une situation qui rend davantage hideux Bessel.

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