Mali: Des experts de l'ONU fustigent la persistance de l'esclavage par ascendance

Le Mali a interdit l'esclavage en 1905, mais certaines personnes sont toujours considérées comme des esclaves en raison de leurs liens avec leurs ancêtres réduits en esclavage.

L'esclavage par ascendance et la violence qui en résulte, perpétrée par des supposés « nobles » ou « maîtres » contre des personnes nées en situation d'esclavage, persistent au Mali, ont déclaré lundi des experts indépendant de l'ONU, exhortant aux autorités de Bamako à « adopter sans délai une législation pour criminaliser l'esclavage dans le pays ».

Selon les experts, l'esclavage par l'ascendance serait répandu dans les régions du centre et du nord du pays, notamment à Tombouctou, Gao et Kidal.

Cette pratique néfaste entraînerait également le déplacement de centaines de personnes et de communautés entières, qui n'ont aucun espoir de retourner dans leurs collectivités d'origine par crainte d'être attaquées, ont déclaré Tomoya Obokata, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d'esclavage et Alioune Tine, l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Mali.

Les deux experts ont cité l'exemple de la région de Kayes, au Mali, où de violents affrontements ont fait des blessés et contraint des personnes à fuir leurs domiciles.

« Rien ne peut justifier l'esclavage, qu'il s'agisse de culture, de tradition ou de religion », ont affirmé M. Obokata et M. Tine, relevant que « continuer à soutenir l'esclavage au 21ème siècle contredit les engagements répétés des autorités maliennes à respecter, protéger et mettre en oeuvre les droits de l'homme pour tous et toutes ».

200.000 Maliens vivent sous le contrôle direct de leurs « maîtres »

Selon la Commission nationale des droits de l'homme du Mali (CNDH), il n'existe pas de données sur le nombre de victimes de l'esclavage par ascendance dans le pays.

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Au moins 800.000 personnes sont considérées comme nées en esclavage, dont environ 200.000 vivent sous le contrôle direct de leurs « maîtres ».

Toutefois, certaines organisations estiment qu'au moins 800.000 personnes sont considérées comme nées en esclavage, dont environ 200.000 vivent sous le contrôle direct de leurs « maîtres ».

Les experts ont reconnu les efforts importants déployés par les autorités maliennes, en particulier le Ministère de la justice et les autorités judiciaires, pour mettre fin à l'impunité dans les cas d'esclavage par ascendance. Ils se sont félicités de la condamnation de plusieurs personnes pour de tels crimes lors d'une session spéciale de la Cour d'assises de Kayes tenue du 27 février au 17 mars, 2023.

« Le gouvernement dans son ensemble doit agir et la criminalisation de l'esclavage doit être une priorité », ont fait valoir les experts.

« Les 'maîtres' d'esclaves doivent répondre de leurs actes, indemniser les victimes et les rétablir dans leurs droits et leur dignité », ont-ils ajouté, soulignant le rôle que peuvent jouer des leaders communautaires et religieux pour l'éradication de l'esclavage par ascendance.

Dans une étude récente, la Commission nationale des droits de l'homme du Mali a détaillé les violations des droits de l'homme et atteintes à ces droits liées à l'esclavage par ascendance, citant des actes de violence, des agressions, la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Les experts veulent une loi spécifique criminalisant l'esclavage

Le document fait état des humiliations publiques, des insultes, des intimidations, des séquestrations et des viols commis quotidiennement par les « maîtres » à l'encontre des « esclaves ».

L'étude a également détaillé certaines atteintes comme le refus d'accès aux services sociaux de base (notamment les infrastructures d'approvisionnement en eau telles que les pompes ou les puits, les écoles, les infrastructures sportives et sanitaires), et le refus d'accès aux commerces ou aux champs.

Selon les experts indépendants de l'ONU, les personnes ou les communautés qui résistent à l'esclavage sont souvent soumises à un isolement physique ou social et à des restrictions de mouvement de la part de leurs « maîtres ».

« Certaines violations des droits humains et atteintes à ces droits commises dans le contexte de l'esclavage par ascendance pourraient constituer des infractions relevant du Code pénal malien, mais pas toutes », ont déclaré les experts.

« Une loi spécifique criminalisant l'esclavage par ascendance faciliterait la poursuite des individus responsables et augmenterait la protection des victimes », ont-ils ajouté.

La mise en oeuvre des recommandations formulées lors du dialogue interactif sur le Mali en mars 2023 et l'examen périodique universel du Mali en mai sont l'occasion pour le pays d'adopter immédiatement une législation spécifique criminalisant l'esclavage.

« Le Mali est le seul pays de la région du Sahel à ne pas disposer d'une telle législation », ont regretté les experts indépendants onusiens.

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