Afrique: Babacar Samb, ancien Ambassadeur du Sénégal en Égypte - « Les pays africains doivent s'impliquer pour assurer une transition démocratique au Soudan »

La crise qui prévaut au Soudan préoccupe la communauté internationale en raison des enjeux géostratégiques qui s'y greffent. Mais pour le Professeur Babacar Samb, ancien ambassadeur du Sénégal en Égypte et ancien chef du département Arabe de l'Ucad, les États africains doivent se mettre en première ligne pour faciliter la transition démocratique, gage de stabilité institutionnelle du pays.

Terrain de violentes tensions, depuis le 15 avril dernier, le Soudan cristallise toutes les attentions et suscite des inquiétudes de la communauté internationale. Le pays, qui traverse une crise économique et politique depuis le renversement du régime d'Oumar El Bechir, est aux prises à des contestations populaires et des affrontements entre forces soudanaises.

Selon le Professeur Babacar Samb, ancien ambassadeur du Sénégal en Égypte, des mesures idoines doivent être prises pour éviter que cette situation ne dégénère, surtout qu'elle a dépassé le stade de crise. Les États africains sont aussi invités à réagir pour faciliter une transition démocratique au Soudan.

« Le pays est actuellement le théâtre d'une guerre entre l'armée et les paramilitaires. Ses origines remontent à la création des milices au Darfour. Ils disposaient d'une grande autonomie. Le Président soudanais, El Béchir, les avait installés pour contrer les révoltes, mais cela s'est retourné contre lui en 2019. Ces milices ont été à l'origine de sa chute. Le Gouvernement, chargé d'assurer par la suite la transition, a subi un coup d'État militaire en octobre 2021. Il est question de voir maintenant comment gérer cette transition suite au déclenchement des hostilités entre l'armée conduite par le Général Abdel Fatah El Burqan et les forces de soutien rapides pilotées par le Général Mohamed Hamdan Dagolo », souligne cet ancien chef du département Arabe de l'Ucad.

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Pour autant, il estime que les pays africains, qui tiennent à relever des défis de paix et de sécurité, gagneraient à jouer un rôle constructif dans la recherche de solutions. « La transition démocratique est un peu affectée par cette crise. Je pense que tous les pays africains doivent soutenir le Soudan. Les organisations sous régionales doivent être aussi à l'avant-garde. On a l'impression que ce sont les puissances étrangères qui s'impliquent chaque fois dans la résolution des crises qui secouent des pays africains. Ces derniers doivent se mettre en première ligne pour soutenir le processus démocratique », souligne-t-il.

Multiplier les actions concertées

Pour l'universitaire, des actions concertées doivent être multipliées pour éviter des situations d'extrême vulnérabilité. « Si des mesures idoines ne sont pas prises, estime-t-il, pour assurer une transition démocratique apaisée, on peut craindre l'éclatement de la rébellion avec comme conséquences des violences endémiques. Cela rendra le soudan ingouvernable. Les pays africains doivent travailler au renforcement de ce dialogue et à la création d'une synergie d'actions. C'est surtout valable pour les pays frontaliers. Il faut éviter des divisions sur le plan régional ».

Selon cet ancien ambassadeur du Sénégal en Égypte, il urge de définir des mécanismes pour bien conduire la transition. « Si elle échoue, cela va saper les principes d'un État national centralisé ou conduire à une nouvelle répartition. La solution d'un état fédéral avec une dose d'autonomie pour Darfour peut aussi permettre d'éviter des violences et des divisions ethniques », souligne-t-il.

La signature d'une troisième trêve peut aider à percevoir le bout du tunnel dans la mesure où la situation est actuellement calamiteuse, selon M. Samb. Toutefois, il y a lieu de retenir que la crise ne risque pas d'affecter les économies africaines. « Elle ne peut pas avoir d'impact direct et durable sur les économies africaines. Le Soudan est un grand producteur agricole, il pouvait être le grenier de l'Afrique, mais les échanges commerciaux sont faibles. C'est sur le plan sécuritaire que cette crise pourrait fragiliser l'Afrique, cette instabilité institutionnelle peut avoir des répercussions sur le Soudan du Sud, la Centrafrique ou des pays proches de la zone de turbulences », soutient le Professeur Samb.

Des impacts en Égypte et dans les pays limitrophes

Si la crise perdure au Soudan, ce sont au moins 800.000 réfugiés qui seront enregistrés dans les semaines à venir, selon le Professeur Babacar Samb, chercheur à l'Ifan. Il indique que 100.000 personnes ont fui, pour l'heure, le Soudan pour l'Égypte et le Tchad, mais des estimations annoncent l'enregistrement de 800.000 réfugiés dans les semaines à venir. « Si cela dégénère, il faut s'attendre à des velléités de rébellion, des protestations populaires continuent à fuser à cause de la vie chère. Le Soudan est un pays multiethnique, multiconfessionnel. Des migrants soudanais auront l'Égypte comme destination privilégiée en raison des liens étroits et particuliers entre ces deux pays », soutient-il. Le pays, longtemps ravagé par des guerres civiles, a été sevré d'assistance financière par ses partenaires depuis le renversement du régime d'Oumar El Béchir. Les États-Unis lui ont aussi infligé des sanctions économiques. M. BOCOUM

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