Cameroun: L'inoxydable Maurice Kamto

Maurice Kamto.
analyse

L'opposant camerounais, Maurice Kamto, signe son retour sur la scène politique. L'ancien allié du président Paul Biya a tenu, le 6 mai dernier à Yaoundé, un meeting pour le moins historique. Il n'avait plus eu l'opportunité d'haranguer des foules depuis ses déboires à la présidentielle de 2018. Le maitre à penser du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) a été autorisé à rassembler ses partisans, mais il n'a pas ménagé les autorités. Kamto est resté fidèle à lui-même.

Il n'a pas fait dans la langue de bois. L'avocat de 69 ans s'est livré à l'exercice dans lequel il se sent le plus à l'aise : critiquer le régime de Paul Biya. Kamto a descendu en flamme la gouvernance de celui que les Camerounais surnomment « l'homme-lion », au pouvoir depuis 1982. Il a fustigé l'inflation généralisée, le tribalisme, l'impunité et la corruption au sommet de l'Etat et divers autres maux qui minent son pays. L'opposant a saisi l'occasion pour appeler à la libération des militants du MRC détenus dans les prisons de Yaoundé et Douala.

Pour lui, les intéressés sont des « otages du pouvoir », sinon ils n'ont rien à faire en prison. Kamto a fait le procès du régime Biya comme à l'accoutumée, dans les morts durs habituels. Alors qu'il se repositionne sur l'échiquier politique, l'opposant n'a pas changé d'un iota dans sa manière d'agir. A telle enseigne qu'on se demande s'il ne va pas se mettre de nouveau à dos le pouvoir en place, qui n'aime pas les voix discordantes. Le président du MRC, lui-même, le sait mieux que quiconque.

A l'issue de la présidentielle de 2018, à laquelle il avait été deuxième avec 14, 23 % des voix, Kamto ne s'était pas avoué vaincu, allant jusqu'à s'autoproclamer vainqueur de l'élection. Droit dans ses bottes, le candidat du MRC à la présidentielle avait échoué à obtenir un recomptage et s'était entêté à organiser des marches dites « pacifiques » pour réclamer le pouvoir. Ces manifestations avaient malheureusement dégénéré et conduit à l'arrestation de Kamto, en janvier 2019, pour des faits de présomption de destruction de biens publics, de rébellion et d'hostilité à la patrie.

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Libéré selon certaines indiscrétions grâce à l'intervention du président français, Emmanuel Macron, Kamto avait encore eu maille à partir avec les autorités camerounaises à la faveur des manifestations du 22 septembre 2020 contre le régime Biya. Sa résidence avait été momentanément mise sous blocus par les forces de l'ordre. Kamto n'est pas en odeur de sainteté avec les dirigeants de son pays.

Sa dernière sortie pourrait raviver les inimitiés, surtout que les gouvernants ne se sont pas opposés à la tenue de son meeting de « come-back ». A vouloir tirer à bout portant sur le régime Biya, il pourrait s'attirer à nouveau la foudre des barons du pays et compromettre ses ambitions politiques. Kamto, on le présume, a dans son viseur, la présidentielle de 2025 et il doit se donner les moyens d'y participer sereinement et espérer sortir vainqueur des urnes. Ce qui n'est pas gagné d'avance.

Si sa candidature venait à être actée, le patron du MRC devrait affronter Biya ou son dauphin (son fils Franck serait pressenti), à moins d'un cas de force majeure. Le chef de l'Etat camerounais garde, pour l'instant, le mystère sur sa candidature à un nième mandat, mais il est fort probable qu'il soit en lice. C'est le contraire qui va surprendre.

Vaincre « Papa Biya » ou son successeur au cas échéant, dans un pays qui semble se complaire dans sa gestion des affaires publiques, ne sera pas une mince affaire. Le chef de l'Etat camerounais s'appuie sur un système politico-administratif et militaire coulé au béton pour être invincible.

Ce réseau devrait logiquement profiter à son dauphin, en cas de renonciation à un nouveau mandat. Kamto et les autres opposants, qui aspirent à s'asseoir sur le fauteuil présidentiel en ont conscience et devront batailler ferme pour changer les mentalités et pourquoi pas, le cours des événements. Un pouvoir n'est jamais assez fort pour le demeurer éternellement...

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