Maroc: El Kébir Hannou, Directeur du Pôle développement local du Maroc - « Les microcrédits, censés accompagner l'entrepreneuriat, appliquent des charges élevées »

interview

Directeur du Pôle développement local à l'Agence de développement de la région orientale du Maroc, établissement public sous la tutelle du Chef de Gouvernement, M. Hannou a participé au Forum de l'économie sociale et solidaire dans la capitale sénégalaise. Dans cet entretien, il revient sur les défis de l'entrepreneuriat, les voies et moyens de le développer et beaucoup d'autres questions.

Vous venez de participer au Forum de l'économie sociale et solidaire. Que peut-on retenir de votre participation ?

Dans notre agence, nos activités sont transversales ; on touche à tous les secteurs. Elle a été créée, en 2006, dans le sillage d'une initiative royale de développement. De l'élaboration des études spécifiques à la réalisation de projets dans la maîtrise d'ouvrages, notre agence est au coeur. Nous avons la charge de développer des projets agricoles, industriels, maritimes et plus particulièrement mettre en oeuvre un marketing territorial pour créer une certaine synergie avec les régions du pays.

Nous avons réussi à convaincre pas mal de personnes à investir dans la région pour des partenariats gagnant-gagnant en leur facilitant le foncier, à condition qu'ils investissent et créent des emplois. Nous travaillons également sur l'intelligence territoriale et économique en donnant notre expérience à certains pays. Nous avons été récemment sollicités par une agence de développement de la région de Kaolack pour développer notre coopération, pour accompagner, favoriser l'échange et former les cadres de cette agence.

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Pour ce qui est du Forum proprement dit, une forte délégation marocaine s'est déplacée pour présenter notre expérience en matière de développement économique et social à nos amis et frères africains et étrangers, et en même temps nous imprégner des success-stories. Nous avons eu l'honneur d'assister à la cérémonie d'ouverture présidée par le Président de la République qui a fait un discours magistral sur la promotion de l'économie sociale et solidaire, notamment avec la création d'un Ministère de la Microfinance et de l'Économie sociale et solidaire. Nous avons aussi suivi l'allocution du maire de Dakar, Barthélémy Dias, qui a lancé d'importants messages pour les jeunes et les femmes afin de développer des activités économiques et sociales. Cette classe-là est parfois marginalisée par les banques.

L'État doit y remédier en apportant des financements pour cette couche de la population, afin qu'elle transforme ses idées de projets et microprojets en des activités formelles dans un futur immédiat. Et là, le Maroc a franchi des étapes et nous avons des expériences dans plusieurs provinces pour accompagner principalement les jeunes diplômés chômeurs pour qu'ils trouvent des emplois. Nous comptons également accompagner les femmes du monde rural pour qu'elles soient autonomes.

Sur quels leviers devrait-on s'appuyer pour relever ces défis ?

Je compte beaucoup sur les jeunes qui constituent une frange importante de la population dans la région. Le cursus universitaire en Afrique est un peu traditionnel. La plupart de nos jeunes choisissent des disciplines littéraires totalement inadaptées aux besoins du marché. Il y en a qui cherchent l'informatique, des disciplines de pointe, mais la majorité est obligée de faire une Faculté pour y obtenir des diplômes qui ne facilitent pas leur insertion. Donc, ils perdent trois à quatre années, mais n'arrivent pas à obtenir des emplois. Nous sommes dans ce cas, obligés de les recycler avec d'autres formations afin de les adapter aux nouvelles activités demandées par le marché.

Aujourd'hui, nous nous devons d'être aux côtés de ces jeunes, quelle que soit la situation. Nous devons les aider, les coacher et les appuyer, afin qu'ils entreprennent et expriment leur potentiel, parce que l'Administration ne peut pas recevoir tout le monde. La seule solution est d'avoir l'esprit entrepreneurial. La situation actuelle nous oblige à orienter nos jeunes vers l'entrepreneuriat.

Au Sénégal, il y a eu cette dynamique, mais elle s'est heurtée aux problèmes de financement. Les systèmes financiers décentralisés prêtent, par exemple, à des taux élevés. Quelle doit être la solution ?

Nous avons fait le diagnostic. Au départ, j'ai organisé des ateliers et des caravanes en milieu rural. Je me suis mis à table avec ces jeunes-là. La vérité, c'est que les microcrédits, censés accompagner les jeunes éjectés du système bancaire, appliquent des charges élevées. C'est en moyenne 18 % par an. C'est excessif. Mais, nous avons essayé d'y trouver des solutions. Dans un premier temps, nous avons créé un fonds de revolving sans intérêt. On a accordé à une coopérative ou à une association un montant, par exemple, de 20 millions d'euros. Ainsi, 19 % sont réservés au renforcement des capacités et 10 % au fonctionnement de cette association qui gère ce fonds. Le reste, on le donne aux porteurs de projet.

Pourtant beaucoup estiment que l'aspect financier est le principal blocage à l'essor de l'entrepreneuriat ?

L'approche financière n'est pas la plus importante. Ceux qui pensent que la question du financement est un frein n'ont pas compris. Le plus important, c'est de connaitre son milieu ; il n'y a pas de recette miracle. Il faut adapter chaque secteur à ses moyens et réalités. Par exemple, quelqu'un qui vit en milieu urbain qui vous dit qu'il veut investir dans l'élevage de vaches alors qu'il n'a jamais été en milieu rural, il faut le dissuader. Il est important de comprendre le secteur dans lequel vous investissez et adapter chaque secteur à ses réalités.

Est-ce que vous avez exploré des pistes de collaboration ?

C'est notre première mission à Dakar. Nous avons entamé des discussions et nous voulons partager notre expérience et notre expertise. Nous voulons aussi apprendre du Sénégal. Il faut qu'on renforce le lien de coopération. Nous appuyons aussi les lauréats des grandes écoles. De même, nous faisons des concours de projets et nous les finançons. Nous nous occupons aussi des projets d'associations d'enfants qui ont des besoins spécifiques.

Propos recueillis par Oumar FÉDIOR

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