Afrique Centrale: Dans l'Est de la RDC, le déboisement, cause principale des inondations meurtrières

Dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), près de dix jours après les inondations dans le territoire de Kalehe, le bilan n'est pas encore définitif : 438 habitants sont décédés selon les autorités. Mais des centaines, voire des milliers de personnes, sont encore portées disparues. Ces glissements de terrain, survenus le 4 mai 2023, ne sont toutefois pas les premiers dans la région. Explications.

Les pertes en vie humaine et les destructions de maisons ou de champs se produisent quasiment à chaque saison des pluies dans cette région de la République démocratique du Congo (RDC). Déjà, en 2014, d'importants éboulements de terrain avaient provoqué la disparition de plusieurs centaines de personnes, à Rambira, un village à proximité de la zone qui est touchée aujourd'hui.

« Les hauts plateaux de Kalehe sont déboisés sans songer au reboisement »

Il s'agit donc d'une région à risques, liée à la géographie locale. La zone sinistrée est à proximité de ce que l'on appelle les hauts plateaux de Kalehe, des montagnes ou des collines en contre-bas desquels se trouvent des villages situés au bord du lac Kivu. Ces montagnes et ces collines étaient autrefois des forêts.

Mais, aujourd'hui, il ne reste presque plus d'arbres, comme l'explique Chance Muhindo Kafunga, coordinateur de l'ONG Environnement sans frontières. Pour lui, cette catastrophe naturelle est la conséquence d'un déboisement massif : « Les hauts plateaux de Kalehe sont déboisés sans songer au reboisement. Nous-mêmes, nous avons produit plus de 270 000 plantules que nous avons distribué gratuitement à la population. Mais quand on part sur le terrain, on observe qu'il y a eu reboisement sur la partie littorale mais dans la partie hauts plateaux, rien n'a été fait. Pourquoi ? Parce qu'ils ont seulement préféré les Calliandra, les Leucaena. Ce sont des plantules qui sont considérés comme un fourrage pour les bétails au lieu de planter des arbres et des arbustes. »

%

Une région essentiellement peuplée d'éleveurs et d'agriculteurs

Cette région est en effet essentiellement peuplée d'éleveurs et d'agriculteurs. Population dont le nombre ne fait par ailleurs qu'augmenter. D'autant que le territoire de Kalehe est aussi souvent une terre d'accueil pour les déplacés. Ces derniers mois, des habitants du Nord-Kivu fuyant les combats entre l'armée et les rebelles du M23 s'y sont réfugiés. En 1994, après le génocide au Rwanda, de nombreux réfugiés sont venus s'y installer.

Cette densité de population accentue donc la pression sur les sols : il faut toujours défricher plus de parcelles pour nourrir cette population. En outre, le bois est utilisé pour fabriquer le célèbre makala, ce qui veut dire « charbon » en swahili. Un charbon qui est utilisé pour cuisiner, faute d'électricité ou de gaz dans la zone.

Quand il pleut, plus rien n'empêche l'eau et les roches de dévaler les pentes

Dans le territoire de Kalehe, les pluies sont fortes et les rivières débordent régulièrement de leur lit. Quand il pleut, depuis le sommet des montagnes jusqu'au bord du lac Kivu, là où se trouvent les habitations, il n'y a plus rien pour empêcher l'eau et les roches de dévaler la pente et donc d'arriver jusqu'au village et de faire des dégâts.

Ce phénomène est bien connu des chercheurs qui tentent d'alerter les habitants. Il y a parfois des sensibilisations pour convaincre les gens de ne pas s'installer dans ces zones. Il y a même des réglementations mais qui ne sont pas toujours respectées reconnait Archimède Karehbwa, l'administrateur adjoint du territoire : « Malgré ce que nous avons connu comme drame, ça a dépassé même les réglementations. Parce que si vous voyez la rivière, disons par exemple à Bushushu [un village très touché par les inondations, Ndlr], vous pouvez voir que c'est situé loin, loin de la population. La rivière est partie au-delà de la réglementation. »

De fait, l'ampleur de la catastrophe a déjoué les pronostics et est probablement l'une des plus importantes qu'ait connu l'est de la RDC.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.