Sénégal: Nago Seck, journaliste sénégalais vivant en France - « Avec Mamadou Konté, Ibrahima Sylla, nous avons contribué à lancer la musique africaine... »

interview

En compagnie de Sylvie Clairefeuille, son épouse et binôme dans ses rencontres musicales, à travers des radios de la diaspora, l'espace Sarabaa qu'ils avaient ouvert, le site afrisson.com, les expositions et ouvrages sur les musiciens africains, le journaliste et réalisateur sénégalais, Nago Seck est passé à notre Rédaction au Soleil partager quelques souvenirs de ses années parisiennes. L'époque où les musiques africaines commençaient à conquérir le monde à partir de la capitale française...

Comment êtes-vous venu dans la musique ?

En fait, disons que je suis né dans la musique. Je suis d'une famille de joueurs de Kora, mais aussi de Sabar. Mon grand-père et homonyme Nago Guèye, le père de ma mère, était un joueur de Kora, un Gawlo, il venait du Gabou, en Gambie. Tous ses ancêtres aussi jouaient la Kora ; il a d'ailleurs joué en 1931 à l'Exposition coloniale à la Porte Dorée, à Paris. À la suite de cela, il a joué à la cour d'Angleterre, au Brésil, en Argentine, etc. Il impliquait sa famille dans ces activités. Donc, je suis né dedans et quand j'étais enfant, à l'âge de 5 ans, le premier cadeau que j'ai eu c'était une percussion. En quittant la Côte d'Ivoire, parce que je suis né là-bas, quand je suis arrivé à Dakar, le premier cadeau que j'ai eu c'était un petit Sabar.

C'était en quelle année ?

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Je suis né en 1952. Ma famille est revenue ici quand mon père était gravement malade. Nous sommes rentrés avec la famille de Côte d'Ivoire. Voilà donc, comme je disais, je suis né dans la musique et très jeune, mon oncle qui jouait à l'Ensemble instrumental traditionnel de Sorano, m'amenait avec lui dans le cadre de ses prestations. J'étais avec les musiciens, et le dimanche, j'étais avec mon grand-père Bouna Basse qui animait les arènes sénégalaises...

Comment vous vous êtes retrouvé en France ?

Après mes études à Dakar, je suis allé pour la fac, j'étais à la faculté de Vincennes. J'ai commencé par l'Electronique pour ensuite faire du Tourisme international à Toulouse. Arrivé à Toulouse, il y avait le patron d'une discothèque qui s'appelle le Wassoulou qui cherchait un disque-jockey pour sa boîte de nuit. Voilà et c'est comme ça que je suis de devenu Dj. Donc, j'ai commencé à être disque-Jockey dans les boîtes de nuit africaines. Au Wassoulou, venaient tous les étudiants africains, etc. Je suis resté à Toulouse jusqu'en 1982 avant de revenir à Paris. Voilà revenu à Paris, c'était le mouvement en 82, l'avènement de la Gauche au pouvoir les premières radios libres. Il y avait des amis, et mon cousin à moi Abdoul Karim Guèye, qui était dans une radio, la radio Tomate, m'a dit « comme tu as beaucoup de disques, tu peux faire quelque chose ».

Et c'est certainement là que vous avez connu les musiciens africains, sénégalais, tous ces musiciens que l'on voit dans vos albums de photos souvenirs ?

Certains musiciens, je les connaissais depuis le Sénégal. Par exemple, mon oncle Mamadou Guèye, commissaire divisionnaire, était affecté en Casamance, mon frère était dans la même classe que les Touré Kunda... À Dakar, j'allais au Sahel pour apprendre la batterie, donc j'y ai connu les Idrissa Diop, entre autres. Avec ces musiciens, nous nous sommes retrouvés à Paris. Nous étions devenus des frères. J'étais dans les radios, ils se confiaient à moi... À la radio, je les invitais dans mes émissions. D'autres musiciens, je les ai connus quand Mamadou Konté m'a contacté pour travailler avec lui à Africa Fête, lors de la venue en France de Youssou Ndour en 1984. Je me suis occupé de la promo de Youssou Ndour. C'est en organisant aussi des concerts que j'ai connu cette génération de musiciens. Par la suite, des groupes, en tant que journaliste sénégalais, avaient confiance en moi. Ils voulaient que je sois leur manager.

C'est parti comme ça. Du coup, j'ai travaillé avec Manu Dibango, Salif Keita, Mory Kanté. Ils ont vu en moi un frère journaliste qui s'intéresse à la musique, on avait des affinités. Avec Mory Kanté, c'était la kora du fait que mon grand-père jouait la kora ; ça nous a vraiment uni. Et d'ailleurs, c'est lui qui est sur la couverture de notre livre sur les musiciens africains. Comme les musiciens avaient confiance en moi, ils venaient à la maison. On était frères, tout le monde défilait chez moi, tous les musiciens de toutes les nationalités étaient devenus des frères.

Comment avez-vous connu votre compagne Sylvie Clairefeuille, avec qui vous faites ce travail ?

On était étudiant à Toulouse tous les deux. Par la suite, elle avait créé un club de jazz. Arrivée à Paris, comme j'étais dans les radios, elle m'a dit qu'elle voulait faire de la radio... Nous étions très proches, et nous sommes devenus même un couple, avec des enfants qui ont 30 ans maintenant. Nous avions décidé de travailler en binôme. Elle s'intéressait à la musique, elle était déjà dans le jazz. Aussi, elle a voulu en savoir sur la musique africaine ; ça l'intéressait et tous les deux, on se retrouvait à faire des films ensemble et à écrire des livres, faire des expositions.

Vous avez également connu Ibrahima Sylla créateur du célèbre label panafricain « Syllart » à l'époque en France...

Ibrahima était un bon petit frère et on habitait presque côte à côte, ici, à Dakar. Moi, comme j'ai grandi à l'avenue Faidherbe, et lui aussi au Plateau où ses parents avaient un immeuble pas loin de la caserne des pompiers. Quand on s'est retrouvé à Paris, je faisais de la radio et je faisais la promo des sorties de disques et par la suite, il m'a demandé d'écrire pour les jackets des disques de son label et c'était traduit en anglais par Sylvie, parce que Sylvie a été professeur d'anglais avant de rester dans la musique. Voilà Ibrahima, c'était en quelque sorte un petit frère à moi.

Quels sont les artistes musiciens qui vous ont marqué durant ces années 80 en France ?

Avec Africa Fête à partir de 1992, on a fait les premiers grands concerts. C'est là qu'est parti le mouvement qu'on appelle la musique afro, c'est parti de France. Et parmi ces nombreux artistes africains rencontrés et qui m'ont marqué, je dirais Manu Dibango parce que c'est une des personnes qui nous ont marqué dans notre jeunesse. Mais également Myriam Makeba que j'ai connue, parce que j'étais président du jury de présélection des Kora Awards en Afrique du Sud et dans la finale nous étions ensemble, on a eu un très bon feeling. Autre artiste qui m'a beaucoup marqué aussi, je dirais ma rencontre avec Michael Jackson justement en Afrique du Sud. Ça m'a marqué, parce que nous avions pu discuter un peu. J'avais trouvé que c'était un humaniste aussi, il en savait sur les problèmes que rencontre l'Afrique. Des musiciens comme Baaba Maal, Ismaïla Lô, Kiné Lam, Ray Lema, entre autres, m'ont marqué.

Parlez-nous de votre expérience avec l'édition, Afrisson, l'espace Sarabaa...

Après notre livre sur « 100 ans de musique africaine », on a commencé à créer un site internet afrisson.com pour essayer d'expliquer d'une manière encyclopédique mais aussi pédagogique les outils qui concernent les musiques africaines aussi bien au niveau de l'industrie musicale qu'au niveau des artistes, des labels en Afrique méconnus dans le monde, etc. On s'est dit pourquoi ne pas ouvrir un espace où l'on pourrait parler de tout cela. Ça, c'était un rêve en moi. Le bon Dieu a fait qu'on a pu le réaliser avec nos propres moyens en empruntant aux banques, on n'avait pas de subventions. Voilà, ce n'était pas que la musique, c'était aussi la culture africaine. C'était des conférences-débats, avec de grandes personnalités comme Joseph Ki-Zerbo, mais aussi du théâtre, du cinéma, notamment les films qui étaient censurés en France, on les a passés avec des débats. Donc Sarabaa c'était disons un espace culturel dédié aux cultures africaines. L'aventure a duré de 2008 à 2014 quand je suis tombé malade. Je peux le dire, parce que j'ai eu le cancer. Je suis toujours sous chimio.

Comment voyez-vous la nouvelle génération de musiciens sénégalais ?

La plupart des jeunes musiciens ont fait des études par rapport à leurs aînés, donc ils connaissent bien les outils des nouvelles technologies qu'ils utilisent à merveille. Beaucoup n'ont plus besoin de maisons de disques pour se faire connaître. Beaucoup n'ont plus besoin de managers, de producteurs, etc. Ils sont leur propre manager et leur propre organisateur d'événements. Il y a beaucoup de jeunes qui organisent leurs propres concerts à Bercy, au Zénith à Paris, à l'Olympia, etc. Et ce que je remarque, c'est au niveau musical, ils ont compris qu'il fallait créer des styles nouveaux. Qu'ils puissent être écoutés dans le monde entier, voilà parce que les jeunes ont besoin de danser, de bouger, de montrer les cultures urbaines africaines....

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