Madagascar: La révolte de 1917 à Ejeda contre les Français

Après la prise et le débroussaillage de la citadelle d'Ambohitsy dans l'Extrême-Sud de l'Ile, des patrouilles françaises fouillent toute la région. D'après Maurice Gontard, certains rebelles, se voyant dans l'impossibilité de résister à la pression des gardes, font leur soumission et rendent leurs armes (lire précédentes Notes). « Un village complice, son chef en tête, vient s'acquitter de ses impôts de 1915.

D'autres membres de la bande sont arrêtés par surprise ou après de véritables escarmouches qui font une nouvelle victime dans le service d'ordre.» Au total, du 5 février au 2 mars, 147 personnes sont arrêtées. Un rapport adressé fin avril au ministère des Colonies, chiffre le bétail récupéré à 1512 boeufs et 285 moutons.

Le butin comporte aussi huit fusils à pierre, 154 sagaies et des munitions. Dans ces opérations également, six rebelles sont tués. Par arrêté du 21 février 1916, deux postes provisoires sont créés à Kokomba et Tsimilofo afin de multiplier les patrouilles et d'augmenter la surveillance. L'enquête révèle que l'agitation du Sud est sans rapport soit avec les Allemands soit avec la société secrète Vy-Vato-Sakelika.

A l'origine, c'est une simple affaire de vol de boeufs qui s'étend et s'aggrave par l'inaction de l'Administration. À la tête du réseau de brigands se trouve un certain Beantanana, vieillard du village d'Ankilifanelo qui organise les expéditions, choisit leurs effectifs et place à leur tête des hommes audacieux. Les troupeaux volés sont ensuite conduits à Ambohitsy où s'effectue le partage. Dès le 26 janvier 1916, le chef de la province de Tolagnaro, Béreni, peut rassurer le gouverneur général:

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« Tout danger révolte doit être écarté. Situation reste grave, mais uniquement due actes brigandages... Vous répète que nous n'avons affaire qu'à des bandits et non à des rebelles. » Ce qui ne sera pas le cas, dix-huit mois plus tard, quand de nouveaux incidents éclatent dans l'Extrême-Sud, dans une région voisine. Plus précisément à Ejeda, à l'ouest du Menarandra dans la province de Toliara.

En octobre 1917, le gouverneur général reçoit un télégramme qui annonce « que Tsibasy, ex-gouverneur d'Ejeda révoqué à la suite d'un vol de boeufs, a, par l'intermédiaire de son petit-fils Imbola, convoqué les six notables les plus âgés de chaque groupe ethnique des Maroseranana, sous prétexte d'évoquer les ancêtres royaux ».

Tous répondent immédiatement et six cents indigènes environ les accompagnent à Ejeda. Lorsqu'ils sont réunis, « Tsibasy se fait apporter de l'eau sacrée afin de se purifier et d'effacer, aux yeux de ses compatriotes, la tare que lui a imprimée le métier de bourjane (travailleur journalier) auquel il s'est soumis pour gagner sa vie ».

Puis Tsibasy tient ces propos : « Notre ancêtre, le Mpanjaka Andriambonarivo, est apparu à mon neveu, Imbola ; il vous demande de mettre les Vazaha à la porte du pays mahafaly qui doit être à nouveau gouverné par moi. N'êtes-vous pas fatigués de payer l'impôt et de faire les routes ?» Les jours suivants, ses partisans sortent et affûtent leurs sagaies, se rassemblent. Les femmes et les jeunes arborent le fil en sautoir, c'est-à-dire l'insigne de la guerre. Après de nouvelles exhortations, il est décidé d'aller « mettre le feu au poste, de se saisir des Vazaha, de les couper en morceaux et les faire rôtir ».

Ces mouvements suspects alertent les Européens. Le garde principal Thouverez, chef de poste d'Ejeda, en tournée dans le Nord, reçoit de sa femme une lettre alarmante sur les faits et gestes de Tsibasy et l'agitation qui couve. Il convoque Tsibasy et son neveu Ravelana, chef du village d'Anivorano, qu'il suppose être les instigateurs du mouvement.

Ils viennent accompagnés de seize chefs de village et d'une foule armée de sagaies évaluée à quatre cents ou cinq cents personnes. Thouverez, prévoyant l'attaque, rassemble les gardes, leur ordonne de prendre la position de tirer à genoux, fusil chargé, culasse ouverte. « Il s'avance alors vers les manifestants, les harangue, les somme de se disperser et leur signifie qu'en cas de refus, il emploierait les grands moyens. »

Après un instant d'hésitation, les rebelles s'arrêtent. Il reprend sa harangue, demande aux insurgés de déposer leurs sagaies, puis fait procéder à l'arrestation de Tsibasy et de trois de ses neveux. Pour lui prêter main forte, l'Administration envoie, fin octobre, à Ejeda le lieutenant qui commande le poste d'Ampanihy avec vingt tirailleurs.

De nouvelles arrestations sont opérées. Thouverez qui connait bien la région, voit à la base de cette agitation un certain Speyer, « aventurier besogneux, frère de sang de Tsibasy et désireux de voir l'autorité française recourir à ses services ». Cette fois-ci, il s'agit bien d'une révolte contre la domination française.

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