Soudan: L'ONU s'«inquiète» de possibles «crimes contre l'humanité» au Darfour

Des Soudanais ayant fui les violences au Darfour pour trouver refuge au Tchad.

Alors qu'un officiel soudanais a affirmé, mardi 13 juin, que le général Abdel Fattah al-Burhan refuse de s'asseoir à la même table que son rival Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », le chef de la mission de l'ONU au Soudan a estimé que les violences dans la région du Darfour (Ouest), pourraient constituer des « crimes contre l'humanité ». L'ONG Médecins sans frontières font également état d'un niveau de violence inouïe.

« Alors que la situation au Darfour continue à se détériorer, je suis particulièrement inquiet de la situation à El-Geneina (Darfour-Ouest) où la violence a pris des dimensions ethniques », a indiqué dans un communiqué l'émissaire de l'ONU au Soudan Volker Perthes. « Les attaques de grande ampleur contre les civils, basées sur leurs origines ethniques, qui seraient commises par des milices arabes et par des hommes armés en uniformes des FSR [Forces de soutien rapide, du général « Hemedti » - NDLR] sont très inquiétantes et, si elles sont avérées, pourraient constituer des crimes contre l'humanité », a-t-il averti.

Les conflits au Soudan se concentrent essentiellement dans la capitale Khartoum et au Darfour. Dans cette région, milices locales, combattants tribaux et civils armés ont rejoint les affrontements. Alors que plusieurs trêves n'ont pas été appliquées, des ONG font état d'une détérioration de la situation humanitaire à Khartoum et au Darfour.

In Geneina, there is an emerging pattern of targeted attacks against civilians on ethnic basis allegedly committed by Arab militias and some men in RSF uniform. If verified, these attacks could amount to crimes against humanity.See my complete statement: https://t.co/Z9jBsS3rDo-- Volker Perthes (@volkerperthes) June 13, 2023

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La semaine dernière, le gouvernement soudanais avait déclaré Volker Perthes persona non grata, l'accusant d'être partial dans le conflit. Mais Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU, avait affirmé que son statut restait « inchangé ».

Le conseiller pour Médecins sans frontières (MSF) et spécialiste du Soudan Jérôme Taubiana a également fait état de récits d'une violence inouïe.

Depuis El-Geneina, beaucoup de gens ont fui le Darfour vers le Tchad, surtout. Ces réfugiés, plus de 100 mille depuis le début du conflit au Soudan le 15 avril, ce sont eux dont les témoignages ont commencé à faire transparaître une situation d'extrême violence. On a aussi dans l'hôpital de Médecins sans frontières à Adré, juste de l'autre côté de la frontière, pris en charge 80 blessés, des blessures par des tirs de balles d'armes légères. Ils font état de violences de milices sur les villages, des villages qui sont brûlés, des pillages de maisons, des viols également. Et ceux qui ont le temps de traverser la frontière peuvent aussi faire face à des violences de la part de milices positionnées sur la frontière et qui les empêchent de passer. Donc, il y a certainement aussi beaucoup de morts, mais on ne sait pas combien.

« Ce qu'il se passe à El-Geneina et à Kutum (plus à l'Est) doit donner lieu à une enquête internationale », déclarait samedi sur Twitter le gouverneur du Darfour Minni Minnawi, un ancien chef rebelle aujourd'hui proche de l'armée.

Pour Jérôme Tubiana, cette situation n'est pas que le reflet de la lutte actuelle des deux généraux pour le pouvoir à Khartoum : elle reflète aussi la continuité du cycle de violence qui touche la région depuis la Guerre au Darfour en 2003.

Au début des années 2000, le général « Hemedti », à la tête des miliciens Janjawid, avait mené la politique de la terre brûlée au Darfour sur ordre du dictateur d'alors Omar el-Béchir. La guerre y avait fait environ 300 000 morts et près de 2,5 millions de déplacés, selon l'ONU. Les Janjawid ont officiellement donné naissance en 2013 aux FSR, supplétifs paramilitaires de l'armée.

Les généraux al-Burhane et « Hemedti » avaient fait front commun lors du putsch de 2021 pour évincer les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir depuis la chute de Béchir en 2019. Mais des divergences sont ensuite apparues et, faute d'accord sur l'intégration des FSR dans l'armée, ont dégénéré en guerre.

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