Cameroun/France - Il y a de l'électricité dans l'air

Le ministre des Relations extérieures demande au MINAT de faire interdire une conférence de l'ambassade de France sur les droits des personnes Lgbt+ à l'IFC de Yaoundé.

Rarement Yaoundé a fait montre d'une telle fermeté à l'égard de la France. Le gouvernement exprime sa vive opposition à la tenue, le 30 juin prochain à l'Institut français du Cameroun (IFC) de Yaoundé, d'une conférence-débat sur « les définitions du genre, de l'orientation et de l'identité sexuelles ». L'activité qui n'est pas du goût des autorités camerounaises est programmée par l'ambassade de France au Cameroun, en marge de la visite dans le pays de l'ambassadeur français pour les droits des personnes Lgbt+, Jean-Marc Berthon, du 27 juin au 1er juillet prochains.

Dans un courrier daté du lundi 19 juin, le ministre des Relations extérieures (MINREX), Lejeune Mbella Mbella, demande à son collègue de l'Administration territoriale (MINAT) de faire prendre les dispositions qu'il lui plaira « afin de faire respecter la position de État du Cameroun à ce sujet ». En clair, il demande à Paul Atanaga Nji d'instruire l'autorité administrative compétente, à savoir le sous-préfet de l'arrondissement de Yaoundé 1er, d'interdire la tenue de cet événement.

Selon l'agenda communiqué par l'ambassade de France, le séjour de l'émissaire de Paris sera en effet l'occasion « d'examiner la situation des personnes LGBT+ au Cameroun, les dispositions juridiques définies en vue d'encadrer leurs droits, et le dispositif établi pour lutter contre la prévalence du Vih dans le pays, notamment ».

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Or, « la position du gouvernement camerounais sur les définitions du genre, de l'orientation et de l'identité sexuelle au Cameroun est claire et dénuée de tout débat. Il n'est donc pas possible de parler de personnels Lgbt+ au Cameroun. Le fait est ainsi qualifié de crime de droit commun par l'article 347 (1) de la loi no 2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code pénal », écrit Lejeune Mbella Mbella.

Qui l'a du reste réitéré dans une note verbale adressé à l'ambassadeur de France au Cameroun. La colère des autorités camerounaises reçoit une clameur populaire face à ce qui apparaît comme une provocation de la diplomatie française et un pied de nez à la souveraineté du Cameroun.

Pas sûr que l'ambassade de France s'entêtera à tenir cette conférencedébat. Comme nous le soulignions dans ces mêmes colonnes hier mardi, le timing de ce voyage à Yaoundé de l'ambassadeur Berthon n'a a d'emblée rien d'anodin.

Il intervient quelques jours seulement après que le Conseil national de la communication (CNC) a mis en demeure, sans les nommer, les promoteurs des chaînes « diffusant au Cameroun des programmes laissant apparaître des scènes d'homosexualité, préjudiciables au bon ordre social, a fortiori à l'enfance et à la jeunesse, de retirer sans délai ces programmes qui violent la loi, les bonnes moeurs et les coutumes de notre pays ».

Il ne fait pas de doute que cette mise en garde du gendarme des médias au Cameroun s'adressait principalement, sinon exclusivement à l'opérateur satellitaire français Canal+, propriétaire du bouquet CanalSat, principal diffuseurs des chaînes querellées.

Paul Biya

Le régulateur a menacé de suspendre purement et simplement lesdites chaînes, précisant au passage que « la diffusion dans les médias de scènes à caractère homosexuel constitue une atteinte à l'éthique et à la déontologie professionnelles en matière de communication sociale ». A travers la position « diplomatiquement incorrecte » du ministre des Relations extérieures sur la conférence Lgbt+ projetée dans la capitale, le gouvernement montre bien qu'il est en phase avec le régulateur des médias.

Il montre enfin que sa position est constante quant au rejet du plaidoyer actif de certains partenaires occidentaux du Cameroun visant la dépénalisation de l'homosexualité et la protection des droits des «minorités sexuelles » dans le pays. Cette pression douce de la France est loin d'être nouvelle. Elle avait atteint un pic sous la présidence de François Hollande (2012-2017).

En visite officielle à Paris en janvier 2013, le président de la République, Paul Biya, avait été acculé sur le perron de l'Elysée par des questions de journalistes français au sujet du maintien des dispositions législatives qui criminalisent l'homosexualité au Cameroun. « Avant que je sois président, l'article 347 punissait cette chose, ce délit (...) Maintenant, ce que je peux dire c'est que (...) les mentalités peuvent évoluer dans un sens ou dans un autre, mais actuellement, c'est un délit», avait répondu le chef de l'Etat.

Deux ans plus tôt, Henri Eyebe Ayissi, alors ministre des Relations extérieures, avait remonté les bretelles à l'ancien ambassadeur chef de délégation de l'Union européenne au Cameroun, Raoul Mateus Paula, pour avoir débloqué des financements en faveur d'un projet de défense des minorités homosexuelles. « Le peuple camerounais n'est pas prêt, ni disposé à aller dans ce sens du développement de ces pratiques sur son territoire », avait-il asséné. C'était le 13 janvier 2011.

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