Kenya: Une exposition et un podcast consacrés à Pio Gama Pinto, promoteur de l'indépendance

Qui est Pio Gama Pinto ? Comment ce journaliste a participé à la lutte pour l'indépendance du Kenya ? Et pourquoi a-t-il été assassiné ? C'est ce que tente d'expliquer une exposition à Nairobi. Une collaboration avec « Until everyone is free », un podcast kényan dédié au parcours de celui qui est considéré par certains comme le premier « martyr » de l'indépendance.

Pio Gama Pinto a été assassiné devant chez lui en 1965, deux ans après l'indépendance du pays. Ces deux initiatives visent donc à honorer sa mémoire.

Difficile en effet de résumer Pio Gama Pinto, activiste politique, syndicaliste. Ce journaliste d'origine indienne était au centre de plusieurs luttes, ce qui lui a valu d'être détenu pendant 4 ans, puis assassiné. Au Kenya, il s'est notamment investi contre la colonisation britannique et a défendu les droits fonciers des locaux.

« Son parcours ne doit pas rester dans les livres »

L'exposition de la Nairobi Gallery tente de résumer ce parcours. Les murs de la petite salle sont recouverts d'archives. Félix Omondi, un des auteurs du podcast « Until everyone is free », souligne : « Il y a plein de photos ici que beaucoup d'entre nous voient pour la première fois. Dans nos livres d'histoire, tout ce parcours est résumé en un paragraphe. Et là, on se retrouve dans un musée avec énormément d'informations sur qui était Pio Gama Pinto, quelles étaient ses luttes, pourquoi est-ce qu'il a été tué ? Comment se fait-il qu'on ne nous enseigne pas tout cela ! »

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Le podcast entend raviver ce que ces auteurs considèrent être un pan négligé de l'histoire kenyane. Il est produit en sheng, mélange d'anglais et de swahili, pour toucher les jeunes de Nairobi. Stoneface Bombaa, à l'origine du projet, explique : « Pio Gama Pinto voulait voir les peuples libres de toute exploitation. Peu importe leur origine, leur genre ou leur classe sociale. Je voulais que les Kenyans comprennent cette histoire, qu'ils se l'approprient. Son parcours ne doit pas rester dans les livres, il doit exister dans la mémoire collective. »

L'exposition le rappelle, des questions persistent sur l'assassinat de Pio Gama Pinto. Un Kenyan a, à l'époque, était condamné à mort, puis libéré 36 ans plus tard.

L'exposition se poursuit jusqu'au 30 juin à la Nairobi Gallery. Le podcast « Until everyone is free » est lui accessible sur toutes les plateformes de podcast, et avec traduction en anglais sur YouTube.

L'historienne Chao Tayiana: «Le travail de mémoire ne doit pas être cantonné au domaine académique» au Kenya Au Kenya, plusieurs voix s'élèvent pour dénoncer un manque de transparence sur certains pans de l'histoire coloniale et de la période qui a suivi l'indépendance en 1963. La répression sanglante de la lutte des rebelles Mau-Mau contre la colonisation britannique notamment, les camps dans lesquels plusieurs dizaines de milliers d'entre eux ont été détenus et torturés, certains tués, ou encore la façon dont les terres ont été répartis après l'indépendance.

Pour l'historienne Chao Tayiana, il faut décoloniser la façon dont l'histoire kényane est racontée : « Quand on pense aux camps de détention de la période coloniale par exemple, la plupart n'ont pas été préservés comme lieu d'histoire. Forcément, cela a des conséquences sur la façon dont on se souvient de cette période, particulièrement pour les jeunes générations qui ne l'ont pas vécue. »

Elle poursuit : « J'aimerais que cette information soit rendue plus accessible, notamment en améliorant l'accès aux archives par exemple ou bien que ces lieux soient officiellement reconnus comme des lieux historiques. Il faudrait que le curriculum scolaire soit plus mis à jour aussi, car ce travail de mémoire ne doit pas être cantonné au domaine académique. Il faut qu'il touche les lycéens, entre autres, mais aussi tous ceux qui ne sont pas forcément historiens, mais dont c'est l'histoire, l'histoire de leur nation. »

Elle conclut : « Par ailleurs, cette décolonisation ne se fera pas à travers une seule action. C'est un processus qui a plusieurs facettes et qui doit être collaboratif. On voit déjà par exemple plusieurs artistes kényans soulever des questions sur cette période de l'histoire, que ce soit à travers des expositions, de l'art, des essais ou encore de la musique. C'est aussi une façon de changer le récit en dehors du discours officiel. En fait, je ne pense pas qu'on arrivera un jour à un point où l'histoire sera totalement décolonisée. Pour moi, c'est plutôt un processus continu auquel il faut constamment réfléchir. »

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