Afrique: Nos cousins les libériens - Le peuple Bassa de Ngog Lituba à Monrovia

Les Bassa'r au Togo et au Sierra Leone, les Basari au Sénégal, les Bassa Ngê au Nigeria, ou les Bassa d'Ouessi et la Mpasu aux Congos... Le peuple bassa, prééminent au Cameroun, s'étend sur l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest de l'Afrique centrale. Et si le peuple Bassa du Cameroun, en tant qu'Afrique en miniature, était-il une miniature d'un peuple plus vaste ? Parmi l'ensemble de ses frères, les Bassa du Cameroun entretiennent une relation privilégiée avec leurs cousins du Libéria.

Comment expliquer l'origine commune des Bassa du Libéria et du Cameroun dont la relation est transcendée par une amitié camerouno-libérienne à entretenir ? La Bassa connexion Tirant leur origine commune de l'Égypte, le peuple bantou des Bassa a migré des rives du Nil vers le Centre-Ouest de l'Afrique noire. Mais les mouvements migratoires comme les périodes de colonisation ont provoqué l'éparpillement du « peuple du rocher ».

Si Ngog Lituba rappelle l'origine ancestrale des Bassa du Cameroun, le sanctuaire sacré pourrait devenir un lieu d'attachement pour ces Bassa du Libéria et d'ailleurs. L'UNIBOA (United Bassa Organizations in the Americas) rassemble déjà depuis plus de cinquante ans la diaspora bassa libérienne aux États-Unis : quand un congrès panafricain rassemblera-t-il les Bassa du monde entier ?

Au Libéria, l'ethnie Bassa représente le 3ème groupe ethnique du pays (13,4%), derrière les Kpelle (20,3%) et la majorité américano-libérienne (ndlr, les descendants des anciens esclaves affranchis d'Amérique). Estimé à plus de 1 million, les Bassa forment un groupe ethnique minoritaire qui reste important notamment dans les comtés de Rivercess, Margibi, Montserrado, et Grand Bassa (qui porte d'ailleurs leur nom). Si on estime à 50 le nombre de Libériens à Yaoundé, le Journal de l'Intégration rappelle que les « liens avec les Bassa locaux sont néanmoins vivants » avec des correspondances culturelles, allant de la langue à la gastronomie.

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Mais la « Bassa connexion » entre le Cameroun et le Libéria s'est surtout exprimée dans le monde du football. L'ex-ministre libérien des affaires étrangères Augustine Kpehe Ngafuan qualifiait le Cameroun de « Mecque du football libérien » : de James Salinsa Debbah à l'Union de Douala à Omega Roberts au Tiko United, le Cameroun reste la terre d'adoption d'une diaspora libérienne. On ne pourrait évoquer les footballeurs libériens sans citer l'actuel président libérien (en campagne de réélection) George Weah : unique Ballon d'Or africain (1995) et ex-attaquant du Tonnerre de Yaoundé, Weah est l'incarnation du lien libéro-camerounais.

De la fraternité bassa à l'unité camerouno-libérienne Au-delà de l'origine commune des Bassa du Cameroun et du Libéria, les deux nations entretiennent des liens diplomatiques qui remontent à la Grande Guerre. Le ministère libérien des affaires étrangères confirme que le Libéria a joué un rôle important en 1919 pour le Cameroun devant la Société des Nations, lors du sort de ce dernier - passant des mains allemandes à celles de la France et de la Grande-Bretagne. L'ex-ambassadeur du Cameroun au Libéria, Augustine Gamg aime rappeler que quarante plus tard, « le Libéria fut la première nation à reconnaître l'indépendance du Cameroun » et à installer une ambassade à Yaoundé en 1960.

Par ailleurs, alors qu'Unification Day (14 mai) et la fête de l'Unité (20 mai) sont respectivement fêtés en mai au Libéria et au Cameroun, l'histoire de chaque pays nous rappelle l'importance d'une union nationale. Frappé par deux guerres civiles sanglantes (1989-1997 et 1999-2003) causées par les troubles ethniques du pays, le Libéria célèbre le 14 mai depuis 1947. Proclamé officiellement en 1960 (l'année de l'Afrique !), la fête tire son origine du « père moderne de la Nation » le président William V. S. Tubman qui défendit au cours de sa longue présidence une politique d'apaisement entre Américano-Libériens et Libériens autochtones.

Quant au Cameroun, la fête nationale de l'Unité est célébrée le 20 mai depuis 1972 à la suite du passage du système fédéral à un système unitaire sous la présidence d'Ahmadou Ahidjo. Cette unité intervient à la suite d'une « indépendance en deux temps » de l'ancienne colonie française (1er janvier 1960) et de l'ex-colonie britannique (1er octobre 1961).

Mais à l'image du Libéria, l'unité célébrée au Cameroun reste à parachever au regard de la crise anglophone qui nous rappelle le travail à mener pour obtenir la paix de la patrie. De la relativité de l'identité bassa au Cameroun et au Libéria La question de l'identité bassa au Cameroun et au Libéria est pertinente, tant la place de cette ethnie au sein de chaque pays est différente, bien que semblable.

Appartenant à un groupe relativement minoritaire au Libéria, les Bassa y sont là-bas l'ethnie majoritaire à Monrovia. Et l'importance de l'ethnie ne s'arrête pas à la capitale : selon le CGLU Afrique, les Bassa - localement appelés Bambog-Mbog - sont majoritaires à 94% dans le comté de Grand Bassa. Et les Bassas aux plus hautes fonctions du pays : l'actuel président du Libéria George Weah, ainsi que l'ancienne maire de Monrovia Mary Broh, ont souvent prôné leurs origines Bassa.

Comme au Libéria, les Bassa jouissent d'une forte implantation géographique dans la Sanaga et d'une grande importance historique au Cameroun : ayant été au coeur du mouvement indépendantiste - incarné par leur leader Ruben Um Nyobe - les Bassa disposent depuis les guerres coloniales du Cameroun d'une réputation incontestée dont ils tirent leur fierté.

Au fil des décennies, l'influence de l'ethnie s'est vue renforcée dans différents champs, de l'enseignement au sport, en passant par l'art, à travers des personnalités à l'aura international telles que Achille Mbembe, Samuel Eto'o ou Blick Bassy, pour ne citer qu'eux. Mais au Libéria comme au Cameroun, il s'avère toujours difficile de concilier la richesse pluriculturelle et les revendications ethniques. Le 17 juillet 2019, l'Épervier rappelait que le peuple Bassa demandait à avoir sa propre région à travers en associant le tryptique Bassa-Bati-Mpo'o.

Une autonomie régionale qui n'est pas sans rappeler celle des Anglophones, dont les troubles actuelles font écho aux épisodes sanglants de l'histoire libérienne. Dès lors, il est de la responsabilité des dirigeants politiques et des acteurs de la société civile de garantir l'union au sein d'une nation avant d'envisager une unité binationale entre le Cameroun et le Libéria.

Cameroun et Libéria : pistes de réflexion pour un lien porteur d'avenir Devant avant tout renforcer une unité nationale entre les différentes régions et ethnies linguistiques de leur pays respectif, le Libéria et le Cameroun pourraient également cimenter leur amitié binationale par le bassa : en se reposant tant sur la diversité que sur l'unicité de ce peuple bantou, les deux nations doivent entériner la profondeur d'une relation qui pourrait avoir l'air accidentel d'un premier abord.

Avec une historicité commune remontant à la Première guerre mondiale, pourquoi le Cameroun et le Libéria ne font-ils pas davantage pour être des alliés plus proches ? Afin de renforcer ce lien, plusieurs pistes semblent évidentes : En matière de diplomatie, le Libéria étant la première nation à avoir reconnu l'indépendance du Cameroun, ce dernier pourrait suivre l'exemple des États-Unis : l'Amérique jouit d'une relation avec le Canada et le Royaume-Uni (la fameuse « Special relation ») qui passe par des privilèges protocolaires accordés à ses plus proches alliés. Le président des États-Unis nouvellement élu a pour habitude d'accorder sa première visite d'État au Premier ministre du Canada.

S'inspirant de ce modèle, le président du Cameroun ou du Libéria nouvellement élu pourrait inaugurer ses visites d'État en se rendant à Monrovia ou à Yaoundé. Sur le terrain du sport, et plus précisément le football, le Cameroun et le Libéria devraient enfin formaliser un partenariat athlétique. Cette initiative pourrait débuter par la tenue annuelle d'un match amical entre les deux nations dont le sport s'incarne à travers les figures de George Weah et Roger Milla. Enfin, la facilitation des procédures de transfert pour les Libériens apporterait enfin une reconnaissance régionale du Cameroun à attirer des talents et former des champions.

Dupliquant ce modèle pour les ligues féminines, le football doit être un marqueur d'unité pour le sport et la jeunesse libéro-camerounaise. Enfin sur le plan culturel et dépassant le simple cadre de la relation entre le Cameroun et le Libéria, le peuple du rocher doit jouer son rôle : à ce titre, le peuple bantou pourrait organiser des congrès tous les deux ou quatre ans en vue de rassembler les différents Bassas d'Afrique.

Une présidence tournante assurerait une représentation de la pluralité du peuple bassa, en fonction du pays où le congrès serait organisé. Pour aller plus loin, les ministères de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur pourraient reposer sur la jeunesse pour former des accords d'échange scolaire et universitaire. Si chaque année le Libéria et le Cameroun célèbrent l'unité en mai, qu'en est-il de l'unité binationale ?

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