Madagascar: Transport maritime - Les usagers du bac Fiavota abandonnés à eux-mêmes

Les milliers d'usagers du seul moyen de transport convenable reliant Toliara au littoral sud de la région Atsimo-Andrefana se sont résignés. Pour eux, le bac Fiavota est mort. Les habitants de Beheloke ou d'Itampolo sont contraints de faire près de 250 km en piste. Périple risqué et dangereux avec les pirogues.

Je n'ai pas d'autres choix, je dois partir avec cette embarcation pour aller à Toliara pour vendre mes produits de mer », indique Espérance, mère de famille habitant la commune rurale d'Anakao. Elle fait le trajet de 60 km en mer en pirogue à voile, et ce, trois fois par semaine. « Je vends essentiellement du poisson aux marchés de Toliara. J'emmène deux ou trois paniers chaque fois que j'y vais », ajoute-t-elle.

L'embarcation est une pirogue d'environ 4 m, tirée par une voile fabriquée en sacs de ciments usés. Elle y va avec trois autres personnes, des piroguiers et un autre commerçant de poissons. Espérance, l'autre vendeur et les piroguiers quittent la commune d'Anakao vers 10 heures du matin et espère atteindre Toliara dans la soirée. C'est l'heure d'achat des poissons frais dans la ville de Toliara.

Elle devra ensuite dormir au stationnement des pirogues à Mahavatse à Toliara et repartir de bon matin vers Anakao, si elle arrive à écouler ses paniers de poissons. « Avec le bac Fiavota, nous faisions la traversée de retour en deux heures trente afin de rejoindre Soalara et prendre le taxi-brousse d'Anakao pour environ quinze minutes. Aujourd'hui, puisqu'il n'y a plus de bac, nous devons nous contenter de ces petites pirogues», livre Espérance.

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Huit communes

Comme elle, des milliers d'autres usagers habitant les huit communes du littoral sud de Toliara, à savoir Saint-Augustin, Soalara-Sud, Anakao, Beheloke, Efoetse, Itampolo Androimpano, Androka· se retrouvent en difficulté pour circuler et pour se connecter avec Toliara. La femme d'un chef de fokontany à Anakao était malade. Elle a été transportée en pirogue de Anakao jusqu'à Toliara pour être hospitalisée. Malheureusement, elle est décédée des suites de sa maladie.

Sa famille a dû faire le tour à Betioky-Sud, soit 250km pour transporter son corps en voiture vers Anakao afin de l'inhumer. Un habitant de Beheloke, située à 60 km d'Anakao, pour régulariser des papiers administratifs dans le chef-lieu de district dans lequel appartient sa commune, doit faire près de 300 km par piste, afin de rejoindre Toliara. « Le bureau du district de Toliara II se trouve à Toliara.

Je dois ainsi prendre le taxi-brousse depuis Beheloke pour rejoindre d'abord Betioky-Sud et de là, un autre pour me ramener à Toliara, soit quelque 300 km, car faut-il faire le tour sur la terre ferme ! », raconte Paza, maître d'école. Il doit payer au minimum près de 25 000 ariary pour ses frais à l'aller sans compter la sur route. « Avec le bac Fiavota, je payais à l'époque 9000 ariary, en tout et pour tout, pour aller à Toliara, en taxi-brousse jusqu'à Soalara-Sud, en ferry jusqu'à Saint-Augustin et de nouveau en taxi-brousse jusqu'à Toliara», témoigne-t-il.

Futur incertain

Le bac Fiavota ne fonctionne plus depuis juillet 2021. Des audits ont même été effectués par le tribunal financier de Toliara et il a été rapporté que les problèmes du ferry se sont accumulés depuis son existence en 2011. Le ferry offert par l'Union européenne, d'une valeur de 5 milliards d'ariary, a été remis à l'Organisme public de coopération intercommunale (OPCI).

Celui-ci regroupe les huit communes du littoral sud (Saint-Augustin, Soalara-Sud, Anakao, Beheloke, Efoetse, Itampolo, Androimpano, Androka). Ce moyen de navigation qui permet de traverser le fleuve Onilahy, entre la commune de Saint-Augustin et Soalara-Sud, a été sollicité depuis la première République. L'OPCI est ainsi le propriétaire légal du bac et est responsable de son fonctionnement. « Seulement, il n'y eut aucun vote de budget par l'organe délibérant et aucun contrôle de légalité au niveau du district de Toliara II.

Les formes de convention avec les exploitants privés qui se sont succédés sont disparates. Les redevances d'exploitation des sociétés gestionnaires ne sont tracées nulle part », rapporte le tribunal financier de Toliara au mois de septembre 2022. En outre, des défaillances techniques et mécaniques liées à des risques de danger public ont fatigué le ferry et l'ont mis complètement à l'arrêt depuis près de deux ans. Des spécialistes en chantier naval de la SECREN auraient ausculté le bac Fiavota et dressé en détail tous les maux du ferry.

C'était vers la fin de l'année 2022 et début de l'année 2023. Et jusqu'ici, aucune autre information allant dans le sens de la reprise n'a été annoncée officiellement. « Nous redemandons encore une fois aux responsables et aux hiérarchies concernées par l'infrastructure de se pencher sérieusement sur les problématiques et les solutions qu'on pourrait apporter au bac. Nos concitoyens sont en réelle difficulté en raison de l'arrêt du ferry», sollicite Gaston, maire de la commune d'Anakao.

Insécurité en mer

Les pirogues, de fortune pour la plupart, servent de transport de personnes et de marchandises. En 2022, six personnes ont trouvé la mort pour des raisons, notamment de surcharge de ces moyens de transport. Une autre embarcation a provoqué la disparition de trois personnes du côté d'Ankilibe. Il est indiqué qu'une pirogue d'environ 6 m ne peut transporter que quinze personnes, mais emmène parfois le double, de surcroit avec des marchandises, cageots de bière, PPN et même des bouteilles de gaz.....

L'Autorité portuaire maritime et fluvial (APMF) souligne que la sécurité des personnes à bord est de la responsabilité première des propriétaires des embarcations et des piroguiers. « Les passagers et les propriétaires des pirogues sont les premiers responsables. Les accidents sont dus parfois aux surcharges. Il est de la responsabilité des autorités dans les localités où il n'y a pas de représentants de l'APMF, de garantir chaque départ des embarcations en vérifiant toutes les conditions de sécurité. Toutefois, nous menons des sensibilisations tous les trois mois auprès des piroguiers afin de réduire le nombre d'accidents en mer.

Nous leur achetons de manière ponctuelle des gilets de sauvetage même si c'est du devoir des propriétaires des embarcations», explique le capitaine de vaisseau, Jean Edmond Randrianantenaina, directeur général de l'APMF. Au départ d'Anakao, les passagers doivent partir vers 4h ou 5h du matin, enfiler des vêtements chauds pour faire face au froid et à l'eau de mer et parcourir la vaste mer pendant près de six heures ou sept heures pour rejoindre Toliara. Il n'y a pas toujours des représentants de la commune ou de la gendarmerie pour vérifier le nombre de passagers ou le respect des charges.

Six pirogues en moyenne partent tous les jours avec une quinzaine de personnes, au départ de Soalara-Sud et d'Anakao. Ces vedettes rapides exploitées par une société privée assurent une liaison quasi quotidienne entre Toliara et Anakao qui est une ville touristique. Seulement, les frais aller-retour de 120 000 ariary par personne ne sont pas à la portée de tous.

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