Madagascar: Échanges extérieurs - Des changements en perspective

Après avoir été secouée par la crise pandémique puis par la guerre en Ukraine, la situation des échanges extérieurs a retrouvé une certaine stabilité. Mais les prochaines années devraient être marquées par des changements notables, du fait notamment de la volonté du pays de produire davantage localement mais aussi de l'arrivée de nouveaux paramètres comme la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).

Selon un rapport issu d'une étude financée par la Banque Africaine de Développement (BAD), les échanges extérieurs de Madagascar ont été fortement perturbés par la crise de Covid-19. Le déficit du compte courant s'est dégradé passant de 2,3% du PIB en 2019 à 5,1% en 2020 et 4,8% en 2021 à cause d'une baisse plus importante des exportations par rapport aux importations. Le déficit devrait s'accentuer pour atteindre 6,2% du PIB en 2022 et en 2023, due en partie à la hausse des paiements des services et à la baisse des envois de fonds reçus par le secteur privé. Il devrait toutefois s'améliorer en 2024 à cause des bonnes perspectives des cours des produits d'exportation du pays (nickel, cobalt, vanille, girofle) et la reprise attendue du secteur du tourisme.

On sait en outre que le déficit du compte courant devrait être couvert essentiellement par les prêts, les dons projets, et les investissements directs étrangers. Le stock des réserves officielles de changes s'est situé à 2 226,1 millions de dollars US (4,1 mois d'importations de biens et services) en 2022 contre 2 271,6 millions de dollars US en 2021 (équivalent de 5,8 mois d'importations de biens et services)

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Le profil commercial de Madagascar dressé par le groupe français BNP Paribas note pour sa part que le commerce extérieur représente 50 % du PIB du pays qui perçoit une grande partie de ses revenus sous forme de droits de douane, de taxes à l'importation et de TVA sur les importations. La Grande Ile est la 135ème économie exportatrice au monde et le 134ème importateur (OMC). Le pays est membre de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et du COMESA (Marché commun de l'Afrique orientale et australe) et n'a pas de barrières non tarifaires importantes. De plus, la plupart des produits peuvent être importés sans licence d'importation.

L'Union européenne reste la principale cliente

Le pays exporte principalement de la vanille (22,2%), du nickel brut (18,4%), des vêtements (9,1%), des minerais de titane (5%), des clous de girofle (4,2%), du cobalt (3,9%), des crustacés (3,4%) et des huiles essentielles. (2,8%). Ses principales importations sont les huiles de pétrole (13,6 %), le riz (6,2 %), les tissus (2,7 %), l'huile de palme (2,6 %), les médicaments (2,5 %) et le sucre (2 %) (Comtrade, 2021).

Les principaux clients de Madagascar sont la France (19,2 % des exportations totales), les États-Unis, la Chine, le Japon, les Pays-Bas et le Canada. Ses principaux fournisseurs sont la Chine (19,4 % des importations totales), la France, Oman, l'Inde, les Émirats arabes unis, Maurice et l'Afrique du Sud. Malgré ses ressources abondantes, Madagascar a encore du mal à canaliser ses revenus commerciaux vers un développement plus poussé. Comme d'autres États insulaires, la Grande Ile fait face à des coûts de transport élevés. Le manque d'infrastructures bien développées rend les transactions commerciales coûteuses, ce qui entrave la compétitivité du secteur privé. Cependant, le pays vise à améliorer la logistique dans les principaux ports et aéroports afin d'améliorer les échanges.

Alors que l'Union européenne est de loin le plus gros client des produits malgaches, les exportations vers les États membres de l'Accord de libre-échange nord-américain ont reçu un énorme coup de pouce depuis 2017 suite à la décision des États-Unis de réintégrer Madagascar dans son programme de préférences commerciales (Africa Growth and Loi sur les opportunités).

A savoir que la balance commerciale du pays est traditionnellement négative et malgré une augmentation constante des exportations, cette tendance ne devrait pas s'inverser à moyen terme, car les importations continuent de dépasser les exportations. Les exportations de marchandises tournent chaque année autour de 2,7 milliards de USD, tandis que les importations dépassent les

4 milliards de USD. Les exportations de services se sont élevées à 589 millions USD et les importations à 1,18 milliard USD en 2021. Les exportations de biens et services ont augmenté de plus de 11 % depuis 2020, tandis que les importations ont augmenté de plus de 10 %.

Les derniers chiffres de BFM

Du côté de Banky Foiben'i Madagasikara (BFM), on rapporte qu'au cours des trois premiers mois de 2023, une amélioration de la balance des « opérations courantes » à -0,3 % du PIB a été observée, contre -1,0 % sur la même période en 2022. Les exportations de biens ont enregistré un recul de 13,4 %, en raison du repli des principaux produits phares tels que la vanille, le girofle, le cobalt et les produits des entreprises franches. La valeur de la vanille exportée a fléchi de 41,1 %, suite à la baisse de 43,3 % de la quantité exportée (955,1 tonnes en 2022 à 542,0 tonnes en 2023) et ce, au prix de vente autour de 250,0 dollars US le kilo. Les exportations de girofle ont vu la quantité ralentir de 16,3 % et le prix s'améliorer de 3,9 %.

Pareillement, les exportations des entreprises franches ont affiché une baisse de volume de 9,3 % nonobstant le rebondissement de son prix de 7,4 %. Par ailleurs, les exportations de cobalt ont connu une contraction à la fois au niveau du volume (-33,8 %), que du prix (-50,1 %). Toutefois, les exportations de nickel continuent de profiter de l'embellie de la filière au niveau international avec une hausse de 30,9 %, grâce à la progression de 28,2 % du prix et une légère augmentation de 2,1 % du volume exporté. Les importations affichent également un repli de 11,2 %, suite à la contraction des importations d'énergie (-40,1 %), des zones franches (-21,5 %), des matières premières (-16,2 %) et des biens de consommations (-4,7 %).

En revanche, les achats des biens d'alimentations et d'équipement ont respectivement progressé de +39,1 % et de +2,4 %. Au niveau des services, les coûts du fret se sont repliés à la suite à l'amélioration des chaînes d'approvisionnement mondiales. Le secteur tourisme a continué, pour sa part, de progresser. Par ailleurs, le déficit du solde des « revenus des investissements » s'est creusé et la balance des « transferts courants » a reculé. A la fin du premier trimestre de 2023, les réserves officielles de change se chiffrent à 2 170,6 millions de dollars US, représentant 4,3 mois d'importation de biens et services non-facteurs, contre 2 196,9 millions de dollars US à la même date en 2022, soit l'équivalent de 5,2 mois d'importations.

Enfin, selon Andriniaina Rasolomalala, économiste de formation et opérateur dans le domaine de l'import-export, les nouvelles donnes concernant les relations de Madagascar avec les autres pays devraient impacter les chiffres des échanges extérieurs dans les prochaines années. Et lui de noter que le « Partenariat pour l'amélioration de la capacité d'exportation d'Afrique vers la Chine », un programme visant à soutenir huit pays africains, dont Madagascar, dans la promotion des exportations de leurs produits agricoles et alimentaires vers la Chine, fait partie des nouveaux paramètres. Il rappelle également que l'Assemblée nationale a adopté dernièrement le projet de loi sur le partenariat économique entre les pays membres de l'AFOA (Afrique orientale et australe), dont fait partie la Grande Ile, et le Royaume Uni.

Par ailleurs, la décision de l'Etat d'étendre le tissu industriel pour réduire les importations devrait aussi apporter des changements notables. Il s'agit donc de renverser une tendance ascendante car selon les chiffres de BFM, les importations valaient 11 976 milliards d'ariary en 2020, pour augmenter à 16 043 milliards d'ariary en 2021, pour finir à 21 192 milliards d'ariary l'année dernière.

Libre-échange - À l'heure de la ZLECAf

Si l'on se réfère aux chiffres disponibles, force est de constater que la situation du commerce extérieur du pays est marquée par un certain retour à la stabilité. Toutefois, un élément nouveau risque de changer la donne : la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). La ZLECAf est considérée comme « irréversible ». Ce qui a emmené les responsables publics et les partenaires techniques et financiers à mener des réflexions afin de bien situer les avantages et les inconvénients pour le pays en intégrant de manière effective la ZLECAf. A savoir également que Madagascar bénéficie aujourd'hui d'un appui de la BAD dans le cadre de la mise en oeuvre de la ZLECAf. « L'objectif principal du PA-ZLECAf est de soutenir une stratégie nationale pour accélérer la mise en oeuvre inclusive de la zone de libre-échange continentale africaine à Madagascar, afin de permettre au pays de tirer plein profit des avantages du marché continental et aux populations, hommes et femmes d'en bénéficier », a-t-on expliqué concernant ce programme. Et cet appui s'avère stratégique car force est de remarquer que le commerce intra-africain de Madagascar demeure très insuffisant et marginal malgré les capacités et les ressources importantes de la Grande Ile. Les exportations du pays, basées sur des produits à faible degré de complexité et de sophistication sont tournées vers les Etats-Unis, l'Europe, l'Asie et le Moyen Orient. Pourtant, le pays participe à trois Communautés Economiques Régionales, notamment le COMESA, la SADC (Afrique australe) et la Commission de l'Océan Indien (COI). En matière d'intégration régionale au sein de la SADC, Madagascar a obtenu une note globale faible (0,29) et avec une note très faible au niveau de l'intégration des infrastructures (0,039 point). Madagascar étant un État insulaire, il fait face à des coûts de transport plus élevés que les pays basés sur le continent africain. Par ailleurs, le faible développement des infrastructures de transport notamment transfrontalier ainsi que la persistance des barrières non tarifaires (procédures, inspections et contrôles) rendent difficile l'accélération de l'intégration de Madagascar avec l'Afrique continentale. Le commerce intra-africain avec le pays compte moins de 5% des échanges, en raison de la faible connectivité des infrastructures du pays avec l'Afrique continentale. Les principaux marchés de destination africains de Madagascar sont les autres pays du COMESA et de la SADC. Plus de 80% des exportations et des importations sont réalisées avec l'Europe, les Etats-Unis, l'Asie et le Moyen Orient. « Cette situation rend le pays vulnérable et l'expose à la forte volatilité des cours de matières premières (cours de pétrole, produits alimentaires, etc.) sur le marché international. En plus des défis de connectivité, la faiblesse des échanges est également imputable à un manque d'informations sur les opportunités et les conditions d'accès aux marchés africains », a-t-on aussi rapporté. Rappelons, enfin, que la ZLECAf a été signée en 2018 suite à la décision des pays Africains de créer une zone de libre-échange continentale aux fins de relancer le commerce intra-africain et de créer une Afrique intégrée, prospère et pacifique, conformément à l'Agenda 2063. Elle est entrée en vigueur en janvier 2021 et est présentée comme une opportunité réelle pour Madagascar afin d'intensifier ses échanges commerciaux intra-africains, tous secteurs confondus, et de renforcer la position commerciale du pays sur le continent.

VERBATIM

Edgard Razafindravahy,

ministre de l'Industrialisation, du Commerce et de la Consommation.

« D'importants efforts sont déployés pour apporter les changements nécessaires pour que Madagascar puisse dynamiser davantage ses échanges avec l'extérieur. Mais nous travaillons aussi d'arrache-pied pour réduire les importations. Raison pour laquelle nous avons lancé les pépinières industrielles et le projet ODOF (Un district, une usine) pour l'industrialisation du pays. Près d'une vingtaine de 20 districts en sont déjà bénéficiaires, 75 machines ont été importées. L'objectif est clair : fabriquer sur place les produits de consommation courante dont la population a besoin ».

Hawa Ahmed Youssouf,

ancienne représentante spéciale de la Commission de l'Union Africaine à Madagascar.

« Il est important de développer davantage les relations économiques et commerciales entre les pays du continent africain. En effet, la promotion de ces échanges commerciaux contribue à la croissance du Produit Intérieur Brut tout en générant des emplois en vue d'assurer le développement économique de chaque nation. D'aucuns reconnaissent que le marché du continent africain constitue une grande opportunité pour les opérateurs économiques malgaches ».

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