Soudan: El Geneina - L'ONU tire la sonnette d'alarme face aux nouveaux rapports de violences à caractère ethnique

25 Juin 2023

Des entretiens avec des personnes ayant fui El-Geneina, au Darfour occidental, pour se réfugier à Adre, au Tchad, ont révélé des récits horribles de milices « arabes » armées soutenues par les Forces de soutien rapide (RSF) qui tuent les personnes fuyant El Geneina à pied, a alerté samedi le Bureau des Nations Unies aux droits de l'homme à Genève.

« Nos fonctionnaires des Nations Unies chargés des droits de l'homme ont entendu de nombreux témoignages concordants selon lesquels les milices 'arabes' s'en prenaient principalement aux adultes de sexe masculin de la communauté Masalit. Toutes les personnes interrogées ont également parlé de cadavres éparpillés le long de la route - et de l'odeur nauséabonde de la décomposition », a déclaré la porte-parole du Haut-commissariat aux droits de l'homme de l'ONU (HCDH), Ravina Shamdasani dans une déclaration à la presse.

Selon Mme Shamdasani, plusieurs personnes ont dit avoir vu des dizaines de corps dans une zone appelée Shukri, à environ 10 km de la frontière, où une ou plusieurs milices arabes auraient une base.

« Nous sommes gravement préoccupés par la poursuite de ces massacres gratuits et nous demandons instamment que des mesures soient prises immédiatement pour y mettre un terme. Les personnes fuyant El-Geneina doivent se voir garantir un passage sûr et les agences humanitaires doivent être autorisées à accéder à la zone pour recueillir les dépouilles des personnes tuées », a ajouté la défenseure des droits humains.

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Un discours de haine persistant à l'encontre de la communauté Masalit

« Sur les 16 personnes que nous avons pu interroger jusqu'à présent, 14 ont déclaré avoir été témoins d'exécutions sommaires et du ciblage de groupes de civils sur la route entre El-Geneina et la frontière - soit en tirant à bout portant sur des personnes à qui l'on avait ordonné de se coucher au sol, soit en ouvrant le feu sur des foules », a fait valoir Mme Shamdasani.

Selon le HCDH, les témoignages font état de meurtres qui ont eu lieu les 15 et 16 juin, mais aussi au cours de la semaine écoulée. Les meurtres et autres violences se poursuivent et s'accompagneraient d'un discours de haine persistant à l'encontre de la communauté Masalit, y compris des appels à les tuer et à les expulser du Soudan.

Vous êtes des esclaves, vous êtes des Nouba.

« Un homme de 37 ans a déclaré que de son groupe de 30 personnes fuyant vers la frontière tchadienne, seules 17 ont réussi à traverser. Certaines ont été tuées après avoir essuyé des tirs de véhicules appartenant aux forces de sécurité et aux milices "arabes" près de la frontière tchadienne, tandis que d'autres ont été sommairement exécutées », a également signalé Mme Shamdasani dans la déclaration.

« Ceux qui ont survécu ont été dépouillés de leurs téléphones et de leur argent par des hommes armés qui criaient : 'Vous êtes des esclaves, vous êtes des Nouba' », a partagé le Bureau des droits de l'homme.

« Ce n'est pas votre pays »

Le HCD précise qu'une jeune femme de 22 ans aurait fait part derécits similaires de meurtres et qu'un jeune homme gravement blessé avait dû être laissé sur le terrain, « car ils n'avaient aucun moyen de le transporter en lieu sûr de l'autre côté de la frontière ».

« Nous avons dû l'abandonner parce que nous n'avions qu'un seul âne avec nous », a déclaré la rescapée.

Selon le Haut-commissariat il serait difficile d'estimer combien de blessés ont pu être laissés à l'abandon dans de telles circonstances.

Deux autres personnes interrogées ont témoigné séparément qu'elles avaient reçu l'ordre, avec un groupe de personnes, de quitter El-Geneina.

« L'une d'entre elles a déclaré avoir été frappée à coups de bâtons alors qu'on lui demandait de 'se lever et d'aller au Tchad - ce n'est pas votre pays' », a également mis en exergue Mme Shamdasani.

Les responsables doivent répondre de leurs actes

« Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme appelle les dirigeants des FAR à condamner immédiatement et sans équivoque le meurtre des personnes fuyant El-Geneina et à y mettre un terme, ainsi qu'aux autres violences et discours de haine à leur encontre sur la base de leur appartenance ethnique », a averti la porte-parole ajoutant que « les responsables de ces meurtres et autres violences doivent répondre de leurs actes ».

Selon le HCDH, El-Geneina est devenue inhabitable. Les infrastructures essentielles ont été détruites et l'acheminement de l'aide humanitaire vers El-Geneina continue d'être bloqué.

« Nous demandons instamment l'établissement immédiat d'un corridor humanitaire entre le Tchad et El-Geneina, ainsi qu'un passage sûr pour les civils hors des zones touchées par les hostilités », exhorte le communiqué.

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